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24 juin 2018 7 24 /06 /juin /2018 06:00
L’hôtel Lutétia, Michel Rocard, cette foule du Lutetia, ils ne l'ont jamais oubliée. «Ces mains qui nous agrippaient par la manche pour essayer de savoir et ces espoirs que l'on n'osait pas fracasser car nous avions commencé à comprendre l'ampleur de l'extermination des juifs»

« Le nouveau Lutétia prend du retard. La réouverture, annoncée pour le 15 mai 2018, est reportée au 13 juillet 2018 ! En quatre ans de travaux, aucune image ni maquette n'a fuité, mais Jean-Michel Wilmotte explique le projet. « Nous avons recherché toutes les traces du Lutétia d’origine : celles de 1910. Nous avons notamment découvert des fresques incroyables. Et nous nous inspirons de ce passé pour tout refaire », regrettant « de multiples interventions sur le bâtiment, sans souci d’articulation avec le projet original » en un siècle. »

 

Pourquoi, en ce dimanche matin, évoquer  Le Lutetia, un grand hôtel ressuscité ?

 

Pour deux raisons :

 

  • C’est à deux pas de chez moi et, en fin de journée, j’aimais bien aller poser mes fesses au bar Joséphine ou sous la grande verrière du salon saint Germain pour « prendre un drink »

 

  • Car le Lutétia marque le début de l’engagement politique de Michel Rocard, hamster jovial.

 

« Le 12 mai 1945, j’ai décidé que je ferais de la politique. À l’époque, je n’avais pas 15 ans et la Seconde Guerre mondiale venait juste de se terminer. »

 

Michel Rocard est « éclaireur unioniste », scout protestant, et chaque dimanche en compagnie d’une vingtaine de ses camarades il se rendait « dans les splendides forêts proches de Paris pour apprendre à connaître la nature et pratiquer divers jeux collectifs. » Mais « Un jour, au cours du printemps 1945, notre chef de troupe nous apprit que la prochaine activité ne serait pas une balade en forêt, mais l’accueil de « déportés », des hommes et des femmes revenus de l’horreur. La guerre finissant, on commençait, en effet, à mesurer la nature et l’ampleur des abominations commises. »

 

« Plusieurs matins de suite devant quelques grands immeubles parisiens (moi, c’était l’hôtel Lutétia), on devait d’abord attendre le retour des déportés affaiblis, presque incapables de marcher ; puis, il fallait les emmener à l’enregistrement, à la douche, au rasage des barbes ; enfin, nous étions chargés de les accompagner jusqu’aux lieux de leur logements provisoires.

 

Une fois les cars arrivés, nous les jeunes avons découvert avec effarement des hommes été des femmes hagards portant encore des tenues à rayures, l’uniforme des camps. Ils donnaient une impression de totale désolation. Chez certains, dont les yeux vitreux se perdaient nulle part, on ne percevait plus de regard. Beaucoup éprouvait beaucoup de difficultés à parler, à se faire comprendre. Je me souviens qu’il fallait les aider en les tenants par le bras d’un appui très ferme, et jamais je n’ai oublié ces terribles images. »

 

 

« Pourquoi le Lutetia est-il si important dans notre vécu ? C’est que, en vérité, notre deuxième vie a commencé là, dans ce lieu. Quand nous y sommes rentrés, nous n’étions que des matricules ; nous en sortions redevenus des citoyens. » Gisèle Guillemot, 2005.

 

 

C’est donc dans l’improvisation la plus grande que le 19 avril 1945 André Weil, Maxime Bloch-Mascart et Marie-Hélène Lefaucheux, anciens résistants membres du COSOR (Comité des œuvres sociales des organisations de la Résistance), sont reçus par le général de Gaulle qui décide de réquisitionner le somptueux hôtel Lutetia dont les 7 étages et les 350 chambres peuvent accueillir, dès le 26 avril, des arrivées de déportés qui surviennent à toute heure du jour et de la nuit.

 

Au début, des notes de services de la Sous-direction des Affaires sociales prévoient de réserver « l’hébergement à Lutetia aux déportés politiques de marque (chefs de résistance) et autres déportés politiques trop faibles. Les autres déportés politiques seront dirigés sur les autres hôtels dont dispose le Centre de Transit de Paris ».

 

L’arrivée des premiers déportés modifie complètement les plans.

 

On fait appel aux volontaires tandis que des équipes de médecins, assistantes sociales, cuisinières, scouts et militaires sont mobilisée en permanence 24h/24 et cela, pendant cinq mois.

 

« Parfois, il arrivait au Lutetia trois ou quatre autobus en même temps. Il fallait faire le maximum pour éviter l’attente, raconte André Weil. Je rentrais chez moi à 4 heures du matin et, avec une brosse, je faisais tomber les poux dans ma salle de bain. Les premiers déportés rentrés au début étaient très contagieux et au début, nous avons eu deux morts parmi le personnel, une femme de chambre et un scout qui tenait le vestiaire. Nous n’étions pas vaccinés. Personne ne nous avait prévenus. »

 

Photo prise en mai 1945 à l'hôtel Lutetia de prisonniers libérés consultant la liste des personnes déportées recherchées après la libération des camps. AFP

 

AU LUTETIA, LE SILENCE DES SURVIVANTS

Par Marc Semo

— 24 janvier 2005

 

« Les marronniers sont en fleurs sur le boulevard Raspail et une douceur printanière baigne la capitale française, qui profite de ses premiers mois de liberté. Mais devant l'hôtel Lutetia, une petite foule reste là jour et nuit, bloquée derrière des barrières, visages tendus, photos brandies à bout de bras, écriteaux portant les noms des leurs. Ils attendent le retour des déportés. Même si la spécificité de l'extermination de cinq millions à six millions de juifs n'apparaît pas encore dans toute son évidence, l'horreur des camps commence à émerger avec les premiers témoignages et les images de corps squelettiques. Ils viennent le matin avant le travail et reviennent le soir. Quand un convoi de bus arrive, déchargeant sa cargaison fantomatique, les conversations s'arrêtent net. Les revenants passent entre cette haie de douleurs muettes. «On lisait cette lueur d'espoir au fond de leurs yeux, on entendait des noms, des questions, mais les photos exhibées étaient celles d'être normaux aux visages joufflus, avec des cheveux, et nous n'avions en mémoire que des faces vides et des têtes rasées», se souvient Joseph Bialot, juif polonais de Belleville, déporté à 18 ans à Auschwitz. Dans leur fuite, les Allemands l'ont laissé dans le camp avec quelques milliers de détenus moribonds. L'armée Rouge l'a libéré le 27 janvier 1945. Ce n'est qu'en mai qu'il est rapatrié sur le Lutetia après un long périple via Odessa et Marseille.

 

«Quand on ne savait quoi répondre, ils nous regardaient comme des coupables», raconte Charles Palant, 38 kg pour 1,71 m au moment du retour­, juif lui aussi et ancien «pyjama» d'Auschwitz. Il est rescapé de la «marche de la mort», quand, en janvier, devant l'avance soviétique, les SS ont évacué de force des dizaines de milliers de déportés pour rejoindre l'Ouest et notamment le camp de concentration de Buchenwald. Leur train, l'un des premiers convois de rapatriés, est arrivé à l'aube du 29 avril, gare de l'Est. Une fanfare jouait la Marseillaise et un piquet militaire rendait les honneurs. On les avait fait se mettre en rang sur le quai : devant, les déportés avec leurs uniformes rayés, suivis par les prisonniers de guerre et, en dernier, les travailleurs du STO.

 

«Un chiffon en usufruit»

 

Cette foule du Lutetia, ils ne l'ont jamais oubliée. «Ces mains qui nous agrippaient par la manche pour essayer de savoir et ces espoirs que l'on n'osait pas fracasser car nous avions commencé à comprendre l'ampleur de l'extermination des juifs», témoigne Léopold Rabinovitch, ancien du réseau lyonnais Carmagnole et des FTP-MOI ­ l'organisation communiste combattante des immigrés ­, juif mais déporté comme résistant après la révolte armée de la prison d'Eysse, près de Villeneuve-sur-Lot, en mai 1944.

 

Gaulliste et pilier du journal clandestin Résistance, André Lafargue, déporté politique dans les camps de Mathausen puis d'Ebensee, est arrivé en pleine nuit au Lutetia, où des gens attendaient encore: «J'étais bouleversé de ne pouvoir rien leur dire car j'arrivais d'Ebensee, un petit camp du Tyrol qui fut l'un des derniers libérés.» Lui et dix-neuf compagnons de déportation malades avaient voyagé en queue de train dans un wagon de marchandises. Affaiblis, ils avaient mis plus d'une heure pour réussir à ouvrir la porte. Et découvrir que la gare était déjà éteinte. Finalement, une infirmière de garde avait réussi à leur trouver un bus.

 

Des centres d'accueil avaient été mis sur pied à la gare d'Orsay ou à la caserne de Reuilly, au cinéma Rex ou à la piscine Molitor, mais l'hôtel Lutetia, QG allemand pendant l'Occupation puis réquisitionné de nouveau à la Libération, était le plus important, notamment pour les déportés, les «politiques» et les «raciaux». Les premiers, emprisonnés pour action de résistance ou comme otages, furent en France quelque 65 000 : 40 000 d'entre eux sont revenus. Les seconds, déportés du seul fait d'être nés juifs, furent près de 76 000 : à peine 2 300 survécurent aux camps d'extermination. Mais dans ces mois qui suivirent la Libération, on se refusait, y compris dans les associations juives, à faire une différence. Les uns et les autres arrivaient tout aussi maigres avec en main un paquet dans lequel ils avaient mis des bouts de sucre, un coupon de tissu, un gobelet, un morceau de couverture... «Dans les camps, on ne pouvait rien avoir à soi, alors nous nous rattrapions en récupérant des trucs de toute sorte que nous arrivions à peine à porter tant nous étions faibles», raconte Charles Palant. «Un chiffon en usufruit qu'enfin nul ne pouvait nous contester», ironise Joseph Bialot.

 

«C'était une grande pagaille»

 

Ils pénètrent sous les dorures du grand hall de l'hôtel, puis direction la désinfection. Ensuite commencent les formalités d'enregistrement qui leur donneront des papiers provisoires après interrogatoire. «C'était une grande pagaille. On voyait de vrais déportés dénonçant du doigt des faux déportés qui s'étaient infiltrés dans leurs rangs afin de se refaire une virginité», a raconté au Magazine littéraire Bertrand Poirot-Delpech, alors lycéen de philo à Louis-le-Grand et boy-scout qui, comme tant d'autres dont Michel Rocard, se porta volontaire pour aider les rescapés. Les interrogatoires de la police militaire sont méticuleux. «Un pyjama rayé, c'était facile à trouver. On craignait l'infiltration d'ex-collabos ou même de SS dans cette masse de rapatriés sans papiers, raconte André Lafargue, rapidement identifié grâce à son réseau de résistance. Ebensee était un petit camp que personne ne connaissait, mais j'étais heureusement passé par Buchenwald et Mathausen. J'ai décrit l'entrée, les camarades avec qui j'étais.» Pour les juifs, surtout les étrangers livrés à la machine de mort par la police de Vichy, le moment est plus dur. «C'était des questions de flic, et on se méfiait», reconnaît Charles Palant. Chaque histoire est une tragédie. Chaque survie un hasard ou un miracle. Chaque libération une épopée différente.

 

La suite ICI 

 

Histoire du Lutétia.

 

« Le Lutétia fut imaginé par Aristide et Marguerite Boucicaut, les créateurs du Bon Marché, "afin que ses importants clients de province fussent logés dans un établissement tout proche et correspondant à leur train de vie, quand ils venaient faire leurs courses à Paris". Malheureusement décédés avant son ouverture, le Lutétia a pourtant vu le jour grâce à l'architecte Louis-Hippolyte Boileau qui avait réalisé Le Bon Marché.

 

Dans un bâtiment de sept étages, 231 chambres vont alors combler les clients du Bon Marché, mais aussi les artistes et les intellectuels des années 20 et 30. Emile Zola, Ernest Hemingway, Samuel Beckett, André Malraux et Saint-Exupéry vont s'inspirer des murs pour leurs œuvres, tellement que certains clients artistes vont pouvoir décorer une suite, comme Arman et David Lynch... »

 

Le Lutétia était un peu fatigué

 

Le groupe israélien Alrov (propriétaire depuis août 2010, rachat au groupe Taittinger) a accepté 3 ans de travaux, coordonnés par Wilmotte et Associés.

 

L’atelier de Ricou a restauré la délicieuse fresque du bar Joséphine, peinte par Adrien Karbowsky, entre pastorale et bacchanale. Le salon Saint-Germain, illuminé par les merveilleuses couleurs d’une verrière signée du génial Fabrice Hyber, sera à la fois un restaurant et le cœur battant de cette grande maison. Enfin, les 184 chambres, dont 47 suites.

 

Côté architecture. Jean-Michel Wilmotte a déjà annoncé que le salon sombre deviendra un jardin intérieur, tandis que les sous-sols accueilleront un spa et une piscine de 17 mètres de long. L'idée est de redonner aux salons leurs lettres de noblesse et d'amener les clients de l'hôtel et des restaurants vers hall de l’hôtel, coeur fonctionnel de l’établissement.

 

Côté restauration. Le Lutétia a recruté le grand chef Gérald Passedat, à la tête d'un 3 étoiles à Marseille, pour repenser la carte de la Brasserie du Lutétia, une carte épurée, dans un restaurant entièrement repensé. En effet, la Brasserie retrouvera sa forme originelle de 1910 sur 2 étages et une terrasse et accueillera jusqu’à 180 personnes.

 

Un bar de jazz spectaculaire, conçu par Jean-Michel Wilmotte, proposera des touches futuristes et traditionnelles, mais aussi un bar à cigares des plus exclusifs dans une atmosphère de club privé qui ouvrira sur une cour privée !

 

Source : ICI

 

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