Je me souviens du 10 mai 1981, la fête de la victoire socialiste, place de la Bastille, avait tourné court, noyée sous les trombes d'eau d'un orage ! Mais le souvenir des 200.000 personnes qui avaient déferlé, ce soir- là, demeure impérissable. Paul Quilès fut le grand ordonnateur de la fête animée par Claude Villers le célèbre animateur de Radio France qui s’illustrera avec son Tribunal des Flagrants Délires avec Pierre Desproges et Luis Rego. Ce fut un vrai happening, Anna Prucnal entonnait l'Internationale en polonais. Premiers arrivés sur les lieux, avec Michel Rocard, le rival malheureux de Mitterrand, et le lamentable Pierre Juquin, communiste « hétérodoxe ». Rocard fit du Rocard, sincère et militant alors que ce pauvre Juquin ressemblait à un ouvrier de la vingt-cinquième heure accroché à une bouée de sauvetage. Vers 23 heures, Huguette Bouchardeau, dans un grésillement de larsen fut interrompue par une énorme cataracte... La fête continua, improvisée et bon enfant sous la haute surveillance du service d'ordre de l'UNEF ID, tenu par les trotskistes de l'Organisation communiste internationaliste, sous la direction de Jean-Christophe Cambadélis. Son obsession ? Juguler les militants de la Ligue communiste révolutionnaire qui prétendaient marcher sur l'Elysée...
Ils avaient attendus les résultats dans la grande cour de l'immeuble du « Nouvel Observateur » rue d'Aboukir, autour de Jean Daniel, Mendès France, Delors, Maire, Rocard, Cheysson, Martinet, Badinter, Foucault, Vernant, Le Goff, Le Roy Ladurie, Duvignaud, Morin, auxquels s’était joint une équipe qui comptait Hector de Galard et Serge Lafaurie, André Görtz, François Furet, Mona et Jacques Ozouf, Michel Cournot, Claude Roy Jacques Julliard, Guy Dumur, Pierre Benichou, Jean Lacouture, André Burguière et tant d'autres.
Qu'avaient-ils en commun ?
Eh bien, pour dire la vérité, le fait d'être presque tous très réservés à l'égard de la personne de François Mitterrand et de se préparer à déplorer une fois de plus la fatalité qui faisait régulièrement échouer la gauche. Lorsque le visage de Mitterrand s’inscrivit sur les écrans de télévision, et que sa victoire fut annoncée d’une voix blanche par Elkabbach, tous ces êtres différents, sceptiques, embarrassés par une Union de la Gauche qui incluait sa frange restée stalinienne, n'ont pu s'empêcher d'exploser de joie et, quand la ferveur populaire se manifesta dans la rue et que Jack Lang proféra l’une de ses premières outrances « que le peuple de France était enfin passé des ténèbres à la lumière », beaucoup d’entre nous étions attendris et heureux.
Du côté des vedettes, on ne parlait pas encore de people, se pressaient les mitterrandophiles pur sucre : Roger Hanin, le beau-frère, en tête avec Barbara, Dalida, dont la tontonmania deviendra célèbre, Claude Chabrol, François Truffaut, Michel Piccoli, Yves Boisset ou Daniel Gélin... puis les compagnons de route du PCF Juliette Gréco, Isabelle Aubret, Jean Ferrat et, ce n’est pas une plaisanterie, Gérard Depardieu. Enfin, les coluchiens Daniel Balavoine, Alain Souchon, Julien Clerc, Jacques Dutronc, Lino Ventura... restaient orphelins. Dans les beaux quartiers du triangle d’or, comme aux Etats-Unis, le bruit métallique des chenilles des chars russes déferlant sur la place de la Concorde résonnait comme dans un mauvais rêve. La peur des cosaques galopant sur les Champs Elysées avant de déferler vers l’avenue Foch serrait le cœur des grandes bourgeoises.
La vague rose au Palais Bourbon qui s’ensuivrait, la nomination de Ministres communistes dans le second gouvernement Mauroy Charles Fiterman au Transports, Anicet Le Pors à la Fonction publique, Jack Ralite à la Santé et Marcel Rigout à la Formation professionnelle, faisaient déborder la coupe. Le pince-sans-rire, Louis Mermaz, compagnon de toujours du nouveau Président, devant un parterre de journalistes assemblés autour de sa table de l’Hôtel de Lassay, résidence du Président de l’Assemblée Nationale, ironisait à propos du retour des communistes au gouvernement après trente-quatre ans d’absence, avant d’assurer que les socialos- communistes savaient fort bien se servir d’un couteau à poissons.
NB. J’ai toujours bien aimé Huguette Bouchardeau. Elue secrétaire nationale du Parti socialiste unifié (PSU) en 1979 et candidate à la présidentielle de 1981.
« Elle se désiste en faveur de Mitterrand, qui lui revaut cela en 1983, la nommant secrétaire d'Etat, puis ministre de l'Environnement. »
« Nouvelle élue du Doubs en 1986, Huguette Bouchardeau en prend pour cinq ans à l'Assemblée nationale. Son époux, alors un peu seul dans leur ville de Saint-Etienne, observe, dubitatif, la carrière fulgurante de sa femme: «Je constate tout de même qu'elle conduit moins bien que moi et ne sait même pas planter un clou.» Mais Huguette choisit de ne pas se représenter en 1993, en dépit d'une réélection assurée. Elle ne mâche pas ses mots, à l'époque: «Un parlementaire est sans pouvoir réel. Condamné à faire du lobbying, ce n'est plus un représentant du peuple mais un représentant de commerce.» Madame la ministre, madame la députée, en a marre des lambris. «J'ai assez répété que les politiques ne savaient pas décrocher pour ne pas tomber dans le même piège. La politique n'est pas une carrière comme une autre, il n'est pas bon qu'elle vous nourrisse trop longtemps.» Les caciques du PS grincent des dents: «Huguette n'a pas toujours craché dans la soupe. C'est bien le PS qui lui a trouvé une circonscription, sinon elle n'existerait pas.»
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La vidéo ci-dessous donne la parole à Bernard Lambert leader paysan, visionnez-là !