C’est le sieur Dupont, lors de son pince-fesses au Bistrot du Sommelier de Bordeaux pour l’événement du monde du vin : la parution du Guide de Jacques Dupont inséré dans l’hebdomadaire le Point spécial Bordeaux, qui m’a mis la puce à l’oreille : ICI
« On fait aussi jouer la nouveauté, quand un vin est noté 15 dans une appellation et qu’il y a un nouveau, on le signale par un coup de cœur. On a aussi tendance à « favoriser l’ascenseur social » avec des jeunes qui démarrent et travaillent très bien, on a tendance aussi à leur mettre un coup de cœur. »
« Dans cette dégustation du Point, il y a bien sûr de grands noms de châteaux mais aussi des découvertes fort sympathiques comme le château Vieux Chaigneau en Lalande-de-Pomerol. Charlotte et Valentin Généré Milhade, tous deux 30 ans, ingénieurs agronomes diplômés de Montpellier, ont racheté ce château avec ses 6 hectares en 2014. « C’était une propriété bâtie par un couple avant nous et qui voulaient le transmettre à un autre couple. Ils ne voulaient pas le vendre à un investisseur qui n’aurait pas habité la maison. On s’est marié en 2014 et c’est la même année qu’on a acheté la maison et les vignes, et depuis on s’en occupe tous les deux. » Si le 27 avril 2017, ils ont perdu 50% de leur récolte en une nuit, leurs vignes non touchées leur ont permis de faire un très grand vin, noté 15 et coup de coeur, assemblé à 90% Merlot, 7% cabernet sauvignon et 3% cabernet franc, un millésime assez frais, très équilibré » selon Valentin, « fruits noirs, bouche velouté » selon Jacques Dupont. »
La France est un pays de petits vignerons et de gros investisseurs, les premiers s’occupent de leurs vignes et font leur vin, les seconds achètent en paquet-cadeau les vignes et ceux qui les cultivent, le vin et ceux qui le font.
« Le Château Lascombes, second cru classé de Margaux, a été acheté en 2011 par la MACSF, la mutuelle des professionnels de santé, à Colony Capital, un fonds d'investissement américain. « Installé dans le Médoc depuis trente-cinq ans, je déplore qu'il n'y ait presque plus de familles propriétaires, dit Dominique Befve, directeur de Lascombes. On ne voit plus de balançoires et de vélos dans les jardins, tout est léché, impeccable. Heureusement que des groupes comme la MACSF -donnent de la solidité aux châteaux.
… Dominique Befve prend les décisions avec les actionnaires : « J'ai les coudées franches, tant sur les bâtiments techniques que sur la vigne. Ma seule obligation est que le vin soit meilleur à l'arrivée. »
Dominique Befve aime beaucoup raconter l'anecdote de sa première réunion avec la MACSF : « Ils m'ont demandé ce que ça me faisait de travailler pour des mutualistes après avoir travaillé pour les capitalistes de Colony -Capital. J'ai répondu que je ne travaillais ni pour les uns ni pour les autres, mais pour Lascombes, qui nous survivrait à tous. Ils ont applaudi. Je crois que cette réponse les a influencés à poursuivre le travail engagé. » (Le Monde)
Comme il se doit, le Point spécial Bordeaux, fait un focus sur les nouvelles fortunes du vin
N’étant pas Bordelais je n’ai pas accès au contenu de ce numéro spécial, en revanche, étant abonné au Monde j’ai pu consulter le Monde des Vins publié vendredi : L'envie de châteaux des grands patrons
Michel Guerrin et Ophélie Neiman, dans le chapeau nous éclairent sur leur ambition :
« Vous êtes peut-être assuré chez Axa ou Groupama, vous avez une mutuelle AG2R La Mondiale, Allianz ou MAIF, vous roulez peut-être en Peugeot, vous vivez dans une maison Bouygues ou résidez dans un immeuble construit par le groupe de BTP Fayat. Vous portez un parfum Chanel, des chaussures Weston, un sac Louis Vuitton et soutenez le club de football de Rennes. Et peut-être, sans le savoir, buvez-vous des vins qui appartiennent à ces marques et entreprises.
Des assurances et mutuelles – les investisseurs institutionnels que l'on surnomme les " zinzins " –, mais aussi des groupes de luxe comme LVMH ou Artémis (Pinault), ou d'autres actifs dans le bâtiment, ont diversifié leurs activités en achetant de beaux raisins. Leur chiffre d'affaires dans le vignoble est souvent mineur par rapport à leur secteur principal, mais ils détiennent un ou plusieurs châteaux, parfois plus d'une dizaine.
Standing oblige, les trois quarts d'entre eux sont implantés à Bordeaux, dans une appellation prestigieuse : saint-estèphe, margaux, pauillac, saint-émilion. Certains ont choisi la Champagne, dont le prestige est tout autant intact. Dans des pays étrangers encore, en Argentine notamment, où la terre n'est pas chère mais peut rapporter gros.
C'est en France, loin du Bordelais, que les derniers gros achats de propriétés ont fait frémir le vignoble. En Bourgogne, avec le Clos de Tart, vendu en octobre 2017 pour près de 300 millions d'euros à la holding de François Pinault, et cela à la barbe d'autres candidats fortunés, dont le Chinois Jack Ma, patron d'Alibaba, le roi du commerce en ligne. Mais aussi dans la Loire, où les frères Bouygues ont acquis à prix d'or le Clos Rougeard, faisant grimper le prix foncier des vignes aux alentours.
Ces investisseurs comptent dans le paysage viticole. Ils permettent à des propriétés prestigieuses, fragilisées lors de successions familiales, de rester sous pavillon français. Ils ont les moyens d'engager des travaux, à la vigne comme au chai, pour produire du vin de qualité.
En échange, ils se construisent une belle image, entre élégance et tradition, et possèdent des sites magnifiques (château, chai, vignes) qui peuvent servir de lieu de réception pour l'ensemble du groupe. Et aussi, ils font des profits. Avec l'explosion des prix des grands vins, ce qui était souvent un achat patrimonial se transforme en un défi stratégique similaire à celui d'une marque de luxe.
Nous proposons dans ce numéro une cartographie de ces investisseurs et avons enquêté sur leurs motivations. Nous avons aussi goûté leurs bouteilles pour les juger, et, souvent, elles sont bonnes, en sachant que nous n'avons pu déguster certains domaines, les plus illustres, toute la production étant déjà vendue. La rareté n'est-elle pas le plus grand des luxes ?
Ensuite Laure Gasparotto et Ophélie Neiman nous éclairent :
La vigne, eldorado des investisseurs
Du Bordelais à la Nouvelle-Zélande, des groupes du luxe mais aussi des banques et des mutuelles enrichissent leur portefeuille d'un domaine viticole. Un placement qui leur offre du prestige, et parfois même des bénéfices record
Ascenseur social je vous avais dit :
« Avec les châteaux viticoles, les grands patrons ont trouvé un moyen facile de s'anoblir ", s'amuse Benoist Simmat, auteur d'une chronique et insolente bande dessinée sur le vin, Les Caves du CAC 40 (Vents d'Ouest-Glénat, 2014), qui raconte comment quelques milliardaires français ont -investi dans le vin. »
« Faute d'avoir une particule, ils ont au moins le château, raconte l'auteur. Les frères Bouygues confient à leurs intimes qu'ils sont châtelains à Bordeaux une partie de leur temps. Après avoir acheté Château Latour à Pauillac, en 1993, François Pinault disait que, ce qu'il perdait en argent, il le gagnait en image. »
Et la blague à 2 balles de la rareté des grands terroirs, Roger Dion reviens !
« Parmi les " zinzins ", l'assureur Axa est un poids lourd incontournable. En 1987, Claude Bébéar créait la branche Axa Millésimes. Aujourd'hui, le groupe d'assurances possède sept propriétés viticoles et 455 hectares, le tout chapeauté par Christian Seely : " Mon rôle est de définir les besoins de chaque propriété et de faire des recommandations à l'actionnaire. Nos objectifs sont uniquement tournés vers la qualité. "
Axa Millésimes a la particularité de posséder en France, au Portugal et même en Hongrie, des châteaux fleurons de leur appellation à faire pâlir de jalousie les acheteurs de grands crus. " Si on regarde le profil de nos châteaux, chacun est assis sur un très grand terroir ", explique le directeur de la branche vin. Logique. Seule la demande pour les grands vins se mondialise et augmente. Ce sera l'enjeu de demain. Les grands terroirs dans le monde entier ne sont pas légion, les belles étiquettes non plus. Autant dire que les prix de ces vignobles, et de leurs vins, n'ont pas fini de grimper. »
Grands terroirs ou belles étiquettes ?
That is the question?
Personne n’y répond, merci de relire Roger Dion Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle
« Non, la qualité des vins de France ne tient pas seulement à celle des terroirs, ni à celle des cépages. Elle dépend surtout de la position géographique des vignobles par rapport aux marchés, des goûts et des attentes des clients.
Les crus classés de Bordeaux ? Ils doivent leur richesse à la stratégie commerciale des Anglais, qui ont cherché dès le Moyen Âge des produits de qualité pour un marché formé de princes et de négociants. Les grandes appellations de Bourgogne ? Elles s’expliquent par les exigences de la cour des ducs de Bourgogne à Dijon. Le nez frais et ouvert des Côtes-du-Rhône septentrionales, dominé par de subtiles notes épicées ? Il doit son originalité aux attentes de la bourgeoisie lyonnaise. Le succès du Champagne ? Il résulte d’une invention anglaise qui a connu une grande vogue dans la haute société britannique et française.