Chez les 12 apôtres de Jésus-Christ, deux Jacques, le majeur et le mineur, même que certains affirment que ce dernier, dénommé aussi Jacques le juste, était le frère du Christ (lire ICI ). Je dois à la vérité historique de mettre à jour deux éléments inédits : les apôtres étaient 14 et le quatorzième était encore un Jacques, dit le bas-bourguignon, d’où son surnom le juste « juste un petit verre. »
C’est lui qui, lors des Noces de Cana, glissa dans l’oreille de Jésus « Seigneur j’ai le gosier en papier buvard vous devriez changer cette eau en vin… » Ce qu’il fit et, là encore le nouveau testament est muet sur le cépage de ce vin nouveau : c’était du pinot noir !
Le 14e apôtre, le 3e Jacques s’attira les foudres des Pharisiens et de la cohorte des prêtres en sarreau blanc qui, furibards proclamèrent « Dès le premier verre t’es bourré, faut jamais toucher à cette drogue dure… » Ainsi naquit après les noces de Cana l’ANPAA, et c’est dans les saintes écritures que Claude Evin, escorté de Jérôme Cahuzac, plongea sa plume pour rédiger sa loi félonne.
Et pourtant, lorsque Jésus proclama, lors de la sainte Cène : (Matthieu 26) « Ceci et mon corps, ceci est mon sang… », c’est bien du jaja qu’il consomma. « Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous; car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père.… »
Normal, là encore le bon peuple ignore que Dieu le Père, avec l’accord du Saint-Esprit, le 7e jour, encore emplit de l’ivresse de l’érection de son œuvre, juste avant de créer Adam avec une côte d’Ève, confia à Jésus « La France, qui sera la fille aînée de la future église, doit recevoir de ma part un privilège en or massif : et il créa les AOC ! »
Ça vous surprend, ça vous étonne, et pourtant c’est écrit noir sur blanc dans la nouvelle bible du XXIe siècle sous la plume du nouveau pape des vins habillés, qui n’est pas logé à Avignon mais dans un petit bourg bas-bourguignon.
Jacques le 14e se pose, dans sa première épître, la question que tous les croyants se posent : À quoi servent les AOC ?
« La création des appellations contrôlées dans les années 1930, à la suite d'une crise longue et sévère, a sauvé des vignobles et préservé les autres de la médiocrité. Elle a aussi créé une forte ambiguïté. Une de ces exceptions à la française qui évite de maintenir éveillées l'intelligence et l'exigence. Combien de consommateurs ont en effet été déçus après l'achat d'un puligny-montrachet faiblard ou d'un saint-émilion osseux ? Elles restent cependant deux appellations contrôlées de prestige ...
L'appellation ne garantit pas le goût d'un produit concurrentiel et évolutif comme le fait une marque (pensons aux alcools de grains, ou même aux marques de champagne), mais davantage l'origine. Dans l'esprit des fondateurs, notamment le député Joseph Capus qui fut à l'origine des différentes étapes fondatrices de ces appellations, il n'y avait pas de doute : l'AOC devait définir l'origine, la loyauté des vins, organiser un système qui garantisse aux consommateurs l'authenticité et signifier la qualité.
Mais une AOC qu'est-ce que c'est ?
Un groupe humain autour d'un terroir, et qui dit groupe humain dit aussi des bons et des moyens, des intelligents et des crétins. Comment faire la différence ? »
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Pour la vérité historique, je me dois de signaler que notre Jacques number 3, cédant à la vague verte, nous recycle une épître de mai 2006 publiés dans la bible « Les meilleurs vins ». Mais, comme pas un mot, une virgule, une phrase, de cette sainte parole, n’avait vieilli, tout comme les AOC dont on nous chante qu’elles sont gravées dans le marbre, mettre de nouveau en avant les fondements de la religion du terroir, c’est faire œuvre utile afin que nos petites louves et petits loups, qui pensent que le monde est né en même temps qu’eux.
Dans le second versant de son épître notre bas-bourguignon, arpenteur annuel de la Gironde et de la Champagne, met le doigt sur les plaies cachées du Grand Corps des AOC. Haro sur l'agrément : « Pour n'avoir pas su aller jusqu'au bout et dépasser cette contradiction – c'est-à-dire garantir sérieusement la qualité –, ce système a échappé en 2010 à ceux qui l'ont inventé. Nos vieux syndicats d'appellation où chacun comptait pour une voix se sont métamorphosés en ODG, Organismes de défense et de gestion. Un intitulé plus politiquement correct et qui, par l'ajout du mot « gestion », souligne un changement d'époque.
La différence principale vient de l'adhésion. Au syndicat, c'était volontaire ; à l'ODG, c'est obligatoire. Une manière subtile de faire rentrer dans le rang ce petit monde remuant et de mieux le contrôler administrativement. Roland Feredj, ancien directeur général de l'interprofession bordelaise, n'hésita pas à parler de la part de l'État : « C'est en quelque sorte une O.P.A. amicale mais ferme, qui donne le sentiment que tout continue comme avant, alors qu'il n'en est rien. »
Enfin, passant le glaive à Saint Patrick, le Baudouin du Layon, l’ex-Mao revenu au pays, celui que le regretté René Renou surnommait le José Bové du vin, guerroyeur infatigable, sachant dégainer son Capus à bon escient, l’un des fondateurs et pilier de l’association Sève, sorte de PSU du vin regroupant de multiples tendances jamais en reste de scission, notre Saint Jacques du Point, tente de jeter à bas, tel une statue de Staline ou de Saddam Hussein, la fameuse « typicité » du vin produit sur un terroir donné…
« Le goût unique, référent, n'existe pas. Le prétendre est une contre-vérité scientifique : les chercheurs savent aujourd'hui qu'entre la variabilité génétique individuelle, l'histoire de la relation du plaisir de chacun aux goûts et les cultures différentes, le goût est autant dans ce qui est goûté que dans celui qui goûte, chaque goûteur étant, lui, unique. Comme vouloir définir une famille organoleptique par AOC est une impasse scientifique, en imposer une revient dans la pratique à imposer une stratégie d'entreprise particulière à toutes les autres, à éliminer la diversité des goûteurs et du marché, à nier la complexité de l'identité des terroirs, et le droit de chaque homme à avoir sa propre identité gustative. »
Lisez ce que Claire Naudin, vigneronne des Hautes-Côtes, déclarait en 2008 :
1 juillet 2008
Paroles simples d'une vigneronne bourguignonne sur la typicité...
La typicité d'une AOC, extraite d'un document INAO-INRA. (2006)
TYPICITE : défini comme état et caractère de ce qui est typique. Un produit doit être typique de son appellation. Le type peut être décrit par l'ensemble des perceptions que tout sujet a d'un produit, notamment par des critères sensoriels d'ordre subjectif qui dépendent de la culture de chaque personne.
Mon commentaire de l’époque : « Une telle définition c'est, au mieux, de la bouillie pour chats, au pire, une escroquerie intellectuelle... »
De la conjonction d’une dégustation entièrement tournée sur la dénonciation des défauts et la recherche de l’air de famille nait un schisme qui ébranle le socle des AOP : les rejetés, les exclus, loin de se passer la corde au cou, font un bras d’honneur aux gardiens du temple, affichent joyeusement sur leurs étiquettes : Vin de France.
À quoi servent les AOC ? (2)