« Emmanuel Macron et son équipe rentrent du Touquet pour rejoindre le QG d’En Marche à Paris quand ils s’arrêtent pour déjeuner sur une aire d’autoroute. Celui qui ne sait pas encore qu’il sera qualifié le soir même pour le second tour passe commande en lâchant : « Moi, j’aime bien les cordons bleus. » «C’est avec le menu enfant» lui répond la cuisinière. Face à cette déception culinaire, le candidat se ressaisit : « Bon, je vais prendre le saumon alors… ».
En ce moment, vu mon état post vol plané, je passe mon temps à lire et, lorsque ma pile de nouveautés s’épuise je pioche dans mon stock de déjà lus.
Ainsi je me plongeai dans un polar, best-seller aux USA (Barry Awards du meilleur roman policier). « Les Jardins de la mort » de George P. Pelecanos. 2006
Ma mémoire ne gardait aucun souvenir de l’intrigue sauf que parfois une petite musique me jouait à l’oreille un air de « tu vas tomber sur… »
Et je suis en effet tombé sur, page 149, une trace de crayon de papier : Ça sentait la chronique et ce fut une chronique 6 juillet 2009
« Du Martell, répondit Chantel Richards. Mettez-moi le Cordon Bleu. » ICI
Petit résumé pour comprendre l’action dans l’extrait que je proposais :
Conrad Gaskins qui a débuté très tôt dans le trafic de drogue, a été collecteur de fonds, avant de tomber pour coups et blessures et port d’armes à feu sans autorisation. Il est en conditionnelle et veille sur son cousin Roméo Brock, une petite frappe qui rêve de se faire un nom dans le milieu. Un indic lui a filé un tuyau de première : « un mec, qui essaie de passer pour un gros, Tommy Broadus, va toucher de la blanche. En conséquence il va se trouver détenteur d’un gros paquet de fric pour la payer. » Gaskins et Brock planquent devant sa villa puis s’introduisent chez Broadus en prenant en otage Chantel Richards, sa maîtresse, alors qu’elle était sortie chercher des cigarettes.
- Attache-les, dit Brock.
Gaskins lui passa son arme. Brock se la coinça à la taille, tout en continuant à tenir Broadus en joue.
Pendant que Gaskins immobilisait les mains et les pieds de Broadus et de Reese avec du ruban adhésif, il se dirigea vers un minibar installé à côté de la télé. Broadus avait mis en évidence divers alcools sur l’étagère du haut, notamment du Rémy Martin XO et du Martell Cordon Bleu. Au-dessous, dans un compartiment séparé, on reconnaissait du Courvoisier et du Hennessy.
Brock prit un verre et se versa une rasade de Rémy Martin.
- C’est le XO, dit Broadus, qui eut l’air troublé pour la première fois.
- C’est pour ça que j’ai l’intention d’y goûter.
- Ce que j’en dis, c’est que vous ne voyez pas la différence et que vous n’avez donc aucune raison de boire du cognac à cent cinquante dollars la bouteille.
- Tu crois que je ne vois pas la différence ?
- Nullard, laissa échapper Edward Rees, sourire aux lèvres.
Brock croisa son regard, mais Reese continua à sourire.
- Bâillonne-le aussi avec du ruban, dit Brock.
Gaskins s’exécuta. Puis il prit du recul. Brock but une lampée de cognac et fit tourner l’alcool dans son verre pendant qu’il lui parfumait la langue.
- Pas mal du tout, ce machin-là, déclara-t-il. T’en veux un peu, mon pote ?
- Non ça va répondit Gaskins.
[…] Brock but encore un peu de cognac, posa le petit verre t s’approcha de Chantel Richards. Il lui posa un doigt sur le visage, le glissa lentement sur sa joue. Elle piqua un fard et tourna la tête.
Broadus resta impassible.
- Je te laisse le choix, reprit Brock. Ou bien tu me files ton fric ou bien je nique Chantel ici-même, sous tes yeux, d’accord ? Qu’est-ce que tu en penses ?
- Allez-y. Si ça vous dit, invitez tout le quartier. Vous pouvez aussi vous l’envoyer.
Chantel le fusilla su regard.
- Fils de pute !
- Tu l’aimes pas ta copine ? s’enquit Brock.
- Eh merde. La plupart du temps, elle ne me plaît même pas, la pétasse.
Brock se tourna vers Gaskins.
- Sers un verre à la dame.
- Qu’est-ce que tu veux, ma fille ? lui demanda Gaskins.
- Du Martell, répondit Chantel Richards. Mettez-moi le Cordon Bleu. »
« Créée en 1912 par Edouard Martell, la cuvée Cordon Bleu s’est imposée comme une légende reconnue des connaisseurs les plus chevronnés. Elaborée avec plus de 150 eaux de vie, son palais dominé par les parfums des Borderies et son flacon resté fidèle à l’original en font une référence unique dans l’univers des Cognacs.
Il a d’ailleurs été consommé lors d’évènements exceptionnels : Le traité de Versailles en 1920, le voyage d’inauguration du Queen Mary en 1936, le périple de l’Orient Express en 1986...
Le Cordon Bleu est aussi une star de cinéma puisqu’on a pu le voir dans le chef d’œuvre de Francis Ford Coppola, Apocalypse Now ! »
Pourquoi Lionel Breton ?
Deux indices : le Cognac où j’ai trainé mes bottes au temps où Martell prenait le bouillon ; Pernod-Ricard qui fut ma holding au temps où je vendais du jaja…
La réponse dans Sud-Ouest du 12 juin 2012 :
Le départ de Lionel Breton ne laissera indifférent personne, surtout si l’on se retourne sur les dix années écoulées.
Un plan social en 2002
En 2002, Lionel Breton, pur produit Pernod-Ricard, est nommé président-directeur général de Martell & Co. La marque de cognac vient d’être rachetée à Seagram. La maison de négoce va mal. Elle n’expédie plus qu’un million de caisses par an, soit 600 000 caisses perdues en dix ans.
La mesure de redressement sera radicale. Lionel Breton lance un plan de sauvegarde de l’emploi, qui se solde par la suppression de 108 postes sur 414. Le conflit avec les syndicats sera dur et brutal. Il ira jusqu’à une grève de la faim de trois salariés. Le plan « Martell » a été un vrai traumatisme pour la ville.
Lionel Breton, c’est aussi l’homme qui a fait déménager la ligne d’embouteillage du site cognaçais de Gâtebourse jusqu’à Lignères, à Rouillac.
Lors de ses prises de parole, toujours très direct, le patron de Martell vulgarise également la notion de « premiumisation », stratégie de haut de gamme qu’il appliquera au cognac Martell, jusqu’à accepter de vendre moins mais très cher.
Martell & Co a retrouvé la croissance dès 2003 pour maintenant talonner la maison Rémy-Martin, numéro deux. Voici quelques semaines, la marque au martinet a franchi le million de caisses vendues en Chine, soit la moitié de ses volumes totaux.
En 2005, Lionel Breton avait été nommé président-directeur général de Martell Mumm Perrier-Jouët, la branche cognac et champagne de Pernod-Ricard. La direction opérationnelle de Martell & Co est actuellement entre les mains de Jean-Marc Morel.
Fan de football
Lionel Breton, c’est aussi celui qui a osé dire tout haut tout le mal qu’il pensait du Festival du film policier de Cognac, que finançait en son temps le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC).
Ce fan de football, qui possède dans son bureau le maillot dédicacé de Zinedine Zidane, encadré et sous-verre, a également marqué les esprits en prenant la présidence de l’UAC foot lors de la saison 2009–2010. Expérience éphémère sur laquelle il ne s’est jamais exprimé, lui qui rêvait d’« un Barça des Charentes ».
Le 22 mai dernier, Lionel Breton recevait les livreurs viticulteurs de la maison Martell, au château de Chanteloup, pour célébrer avec faste le siècle du Cordon bleu.
Dix ans après le plan social qui qui a fait couler tellement d’encre, le contraste est saisissant. Bravo l'artiste !
Les Jardins de la mort par George P. Pelecanos
« Les choses sont simples. Avec Dennis Lehane (Shutter Island, Mystic River, Un pays à l'aube), George P. Pelecanos est le meilleur auteur de polars américain de la nouvelle génération. Et, puisqu'un bonheur n'arrive jamais seul, ces Jardins de la mort est son roman le plus réussi. Ce qui n'était pas gagné d'avance, car Pelecanos choisit de s'aventurer sur la voie accidentée des récits à points de vue différents et à remontées dans le temps. Ici, l'histoire s'accroche à une série de meurtres non élucidés qui va resurgir vingt ans plus tard et réveiller les fantômes de deux flics et d'un ancien enquêteur. C'est à Washington, comme toujours chez Pelecanos. C'est brillamment écrit, comme toujours chez Pelecanos. C'est passionnant. Oui, comme toujours. »