Tout ça pour du beurre, rien que pour le plaisir d’écrire, de réfléchir, d’avoir des coups de cœur, des coups de sang aussi, de tisser chaque jour des fils avec ses lecteurs – n’en déplaise à certains de mes détracteurs, j’ai de fidèles lecteurs – sans aucune pression ni contrepartie, nul besoin de plaire, d’être révérant.
Aucun échange monétaire, simple bouteille à la mer jetée chaque jour sur la Toile, lis qui veut, je n’engage que moi-même et un peu d’argent : le mien, pas celui de la publicité ou de généreux donateurs en mal de communication.
Me revient à l’esprit le livre de François Dufour, éditeur de quotidiens pour la jeunesse (Le Petit Quotidien, Mon quotidien, l’Actu…) et co-président des Etats Généraux de la Presse convoqués par le Président de la République, « Les journalistes français sont-ils si mauvais ? » publié chez Larousse en 2009.
« Les journalistes français séparent-ils faits et opinions ? Très peu, surtout dans la presse écrite. Séparent-ils information et publicité ? Mal, surtout dans les magazines ou les parties plus « magazines » des quotidiens. Respectent-ils les règles du métier ? Insuffisamment, quel que soit le média. Ecrivent-ils pour leur public ? Très, très peu, notamment dans les quotidiens »
« Le dernier grief, c’est le franchissement du « mur » entre les intérêts publicitaires et l’information. Des titres prestigieux sont dirigés par des patrons qui confondent allègrement les fonctions de directeur de la publicité et de la rédaction. Or on ne peut pas diriger à la fois une équipe de journalistes et une régie publicitaire : les conflits d’intérêts sont alors inévitables… »
« … on accroît certaines rubriques, comme la mode ou la consommation, dans l’espoir d’amadouer les pourvoyeurs de budgets publicitaires. »
Ces pratiques sont tellement entrées dans les mœurs des médias de tout acabit, aussi petit soit-il, qu’oser mettre le doigt là où ça fait mal vous vaut une volée de bois vert de la part de ceux qui badigeonnent leurs propos sous le grand respect que l’on doit aux experts, à ceux en charge d’informer, de guider les choix des consommateurs.
Qu’il m’arrive parfois d’être injuste, inutilement blessant, j’en conviens aisément, la colère est souvent mauvaise conseillère, mais comment rester impassible face aux addictifs des réseaux sociaux qui, en deux bouts de phrases sur Facebook ou en deux mots sur Twitter, rivent le clou aux gens d’en face, se donnent le beau rôle, jouent les chevaliers blancs ?
Le débat sur l’interdiction du glyphosate, qui fait rage en ce moment, met en lumière le rôle sournois des lobbies de l’industrie chimique et celui des groupes de pression : FNSEA en tête, mais n’est-ce-pas là un modus operandi passé dans les mœurs à tous les niveaux de notre société ? Tous les moyens sont « bons » pour arriver à ses fins.
Cet amollissement, ce j’m’en foutisme coloré de bonne conscience, me déplaît mais j’ai décidé de ne plus me cailler le lait, de laisser de côté ce petit monde du vin et de la bouffe qui se congratule, qui se renvoie l’ascenseur, et plus encore.
Je vais donc continuer mon petit bonhomme de chemin, acheter des livres chez mes libraires préférés pour les lire, acquérir de belles bouteilles pour les boire, être abonné à de grands médias papier, me restaurer à de bonnes tables en payant l’addition, aller au ciné au théâtre, participer à des dégustations de vins nu, aimer, partager…
À ceux qui me balancent mon âge à la gueule pour me faire taire je réponds : « Vieillir, c’est encore le seul moyen qu’on ait trouvé pour vivre longtemps » Sainte-Beuve.
Allez, un petit effort camarades vous allez y arriver jusqu’aux 70 ballets !
Et puis, ne soyez pas masochistes : évitez de me lire, mes sponsors ne s’en offusqueront pas.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
Boileau, L'Art poétique