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3 mai 2018 4 03 /05 /mai /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H Les temps étaient interlopes et le président Pompe allait, avec l’affaire Markovic, en faire la très cruelle expérience (83)

Nous prenions des petits noirs au bar d’un bistro proche de la grande crèmerie de la rue des Saussaies où l’on était à peu près sûr de retrouver quelques vieux chevaux de retour carburant au petit blanc. Cet après-midi-là Benoît t tombais nez à nez avec le traitant de la vieille roulure de Gustave. Gustave Porcheron. Gustave la balance, électricien au service d’entretien chez Wendel, que ces petits cons de la GP considéraient comme un vrai révolutionnaire, alors que les RG le tenaient pour une poignée de biftons, et un peu de cul dans une boîte des Champs. Pour l’amadouer  Benoît le détournait de son blanc ordinaire en lui offrant une ligne de Muscadet Sèvre et Maine sur lie. L’effet ne fut pas immédiat car le vieux se méfiait. Bien évidemment, ils bavassaient de tout autre chose, Benoît lui laissant entendre qu’il dans les petits papiers de l’étoile montante des RG, l’ambitieux Bertrand. Le tarin bourgeonnant de son collègue captait les doux effluves d’un avancement qui mettrait un peu de beurre dans ses épinards, il se déballonnait sans aucune réticence. Le Gustave se prenait pour un quasi dieu vivant de la GP. Il devenait incontrôlable depuis qu’il se tapait des filles de grands bourgeois qui cherchaient l’extase sous sa bedaine prolétarienne. Depuis quelques temps il vivait quasiment à temps plein, avec l’une d’elle, dans un duplex donnant sur les Invalides. Benoît griffonnait l’adresse sur le ticket de caisse. Leur après-midi, à Armand et lui, allait être très sportif. Benoît en salivait d’avance en saluant mon collègue d’un généreux « Je n’oublierai pas ton coup de main. J’ai le bras long… »

 

Notre intrusion dans le lupanar laissa de marbre une grande sauterelle, pieds-nus, aux cheveux longs et gras, clope au bec, en salopette bleue constellée d’encre, qui tirait des tracts sur une vieille ronéo hoquetante. À ses côtés un jeune boutonneux, gras et bas du cul, boudiné dans un jeans, ne prit même pas la peine de se retourner pour nous lancer « Si c’est pour Gustave vous feriez mieux d’attendre ici il n’aime pas qu’on le dérange quand il fait sa sieste… » Face à une telle décadence Armand bramait « Et il l’a fait où sa sieste ce gros con ! » Un tel qualificatif, inusité en ce lieu entièrement dédié au bien-être de l’unique représentant des couches exploitées par la bourgeoisie, fit sortir de ses gonds le morveux. Ses petits crocs, tout jaunis par la nicotine, dehors, il aboyait. « Vous êtes qui vous ? » Du tac au tac Benoît le contrait avec la réponse-type « Des ouvriers de chez Citroën camarade… ». L’avorton se calmait et, tout en s’essuyant les mains avec un chiffon sale, il les examinait avec suspicion. « Dans cette tenue… »Armand, piqué au vif, le retoquait « Qu’est-ce qu’elle a notre tenue ? Faudrait peut-être qu’on soit crade petite tête pour coller à tes petites images du prolo. Désolé de te décevoir nous, quand on sort, on se nippe mon gars. Ce n’est pas parce que tu singes l’ouvrier avec tes paluches dans le cambouis que tu dois nous manquer de respect… » La tirade produisait son effet, l’apprenti révolutionnaire rendait les armes tout en maugréant « Gustave n’attendait pas de la visite… » Benoît le séchait durement « Normal nous venons lui apprendre une très mauvaise nouvelle… » Le jeune couillon n’eut même pas l’audace de me demander de quoi il s’agissait.

 

Gustave effectivement dormait. Il dormait sur le ventre, nu comme un ver. Armand le réveilla sans ménagement. Il se débattit, poussa des grognements, avant que sa face, boursouflée et molle, ne s’anime de soubresauts visqueux et que, dans un ultime sursaut, il ne se redresse sur son céans en jetant sur eux des regards effarés. Enfin, reprenant un peu ses esprits, il grommelait en regardant Benoît : « Mais qu’est-ce que tu fous ici ? »

 

  • Je viens prendre de tes nouvelles. Tu te fais rare mon Gustave. La grande maison s’inquiète tu sais... » Il se regimbait « Et toi ça fait un bail qu’on ne t’a pas vu. Moi je fais mon boulot, honnêtement… »

 

Comme l’heure n’étais pas aux explications Benoît envoyait Gustave balader en lui intimant l’ordre de se rhabiller. Il résistait « Je n’ai pas d’ordres à recevoir de toi… » Armand intervenait brutalement « Tu rempoches vite fait ta viande gros lard sinon je te passe les burnes au chalumeau… » Gustave braillait « C’est qui se nazi ? » En lui tapotant la couenne Benoît le rassurait « Un pote de Bigeard gros fion ! » Armand le vannait en l’attaquant sur sa fierté de mâle « Dis-donc la balance tu ne serais pas aussi un peu vantard sur les bords ? Elle est où la belle Sonia ? Celle que tu es censé calcer à l’heure qu’il est ? » Piqué au vif le Gustave reprenait du poil de la bête « C’te morue elle a p’tète un beau cul et des gros nichons pépère mais c’est une gouine. Moi j’n’aime pas les lécheuses de chatte… » Benoît coupait court sèchement « Ferme ta grande gueule et habille-toi, la récréation est terminée mon gros. Maintenant tu vas bosser pour moi et je n’aime pas les ramenards ». En enfilant son slip il le toisait d’un regard mauvais : « Bosser pour toi mais t’es louf… » Benoît opinait  en ajoutant « T’as tout juste Auguste, mais t’as pas le choix. La belle vie c’est fini. Tu montes en première ligne et avec nous c’est ta peau que tu vas jouer… »

 

Ils laissèrent le Gustave s’enfiler une mousse en lui laissant croire qu’il allait s’en tirer à un si bon compte. Un coup de sonnette intempestif le ramenait brutalement à la réalité. Gustave rotait puis éructait dans son dialecte chuintant « Qu’est-ce qu’elle vient encore me faire chier celle-là !  Moi j’en ai marre qu’elle me pisse dessus en écoutant de la musique de nègres… » Armand méprisant lui claquait le bec « Elle ne te pisse pas dessus tas de saindoux. C’est une femme fontaine. Tu devrais lui lécher la chatte au lieu de brailler comme un goret… » Le Gustave se rengorgeait « Mais qu’est-ce que tu nous chantes pauvre fiotte, quand je dis qu’elle me pisse dessus c’est qu’elle me pisse dessus la salope… » Armand haussait les épaules « Je vais ouvrir. Te donnes pas la peine de lui expliquer, c’est du lard rance qu’il a dans le ciboulot. Tu ferais mieux de le cuisiner car on a mieux à faire… » Gustave blêmissait « Me cuisiner c’est quoi  s’t’engeance ! » Benoît lui retournait en guise de réponse deux mandales appuyées.

 

Gustave pissait le sang sur la moquette immaculée. Aux côtés d’Armand, une belle bourgeoise trentenaire, en tailleur Chanel court et quincaillerie ad hoc, contemplait la scène avec gourmandise en serrant son petit sac à main sur sa poitrine. Benoît bourrait de coups de pieds les flancs de Gustave qui chouinait « Mais pourquoi vous me faites ça moi j’chui prêt à tout pour vous… »  Benoît ricanait « C’est bien ça qui nous défrise roulure tu es prêt à tout pour tout le monde. T’es le VRP multicartes de la balance Gustave. Nous on veut l’exclusivité de tes services alors on te fait bénéficier d’une petite avance sur recette pour que tu saisisses bien ce que nous attendons de toi. Si t’es réglo pas de problème tu pourras continuer de bénéficier des grandes eaux de ta putain. Sinon, du côté eau ce sera plutôt la politique de l’entonnoir. Pigé ! Qu’en pensez-vous chère madame ? » Adeline ôtait ses gants, tendait une main aux ongles parfaitement manucurés « Vous avez l’âme d’un chef… je baiserais bien avec vous mais voyez-vous jeune homme, je raffole de ce qui est sale, de ce qui pue. Et le bout de viande, dont ce gros porc est fier, empeste comme le Maroilles dont il se goinfre. Quand je l’enfourche, même s’il bande un peu mou, j’ai vraiment la sensation de m’enfiler un ver blanc… et ça me mets dans des états pas pareil… » Ils laissèrent Gustave entre les mains d’Adeline Les temps étaient interlopes et le président Pompe allait, avec l’affaire Markovic, en faire la très cruelle expérience. Comme le disait justement Armand « nous avons fait sauter la bonde du tonneau, la séquence « on baise à tout va » s’ouvrait. Elle se butterait, une décennie plus tard, sur le VIH.

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