« Rocardien un jour, rocardien toujours… ». Oui je le confesse sur les mannes du Michel vilipendé par la gauche bien-pensante de Tonton, de Joxe à Mélenchon en passant par le ressuscité de Belfort, je continue de cultiver ce goût immodéré, chevillé au corps, pour le cambouis des solutions, se coltiner la réalité du terrain, un vieux reste de l’autogestion enterrée par Tito, loin des étatistes de tous poils qui pensent et légifèrent à notre place.
L’INAO des origines, cet objet juridique non identifié, fleurait bon l’autogestion, les vignerons y avaient le dernier mot. De nos jours, la maison n’est plus qu’un conservatoire des « labels », ce que l’AOC n’a jamais été, une soupente de la rue de Varenne, une administration où l’imagination a depuis longtemps perdu le pouvoir.
L’INAO a raté, il y a 10 ans, la mise en avant de la protection de l’environnement en s’enferrant dans une soi-disant redéfinition des cahiers des charges, en s’abritant derrière les exigences communautaires pour fabriquer des ODG et tout ce qui s’ensuit. Le pouvoir est passé entre les mains de la FNSEA et de ses satellites avec Despey et la CNAOC comme supplétifs.
Alors qu’espéraient donc certains producteurs de vins nature en allant quémander une définition de leur breuvage qui pue au Comité National ?
Faire barrage au Gégé et consorts qui se sont jetés sur la tendance comme la vérole sur le bas-clergé en surfant outrageusement sur le sans soufre ?
J’avoue que je ne comprends pas le but de cette démarche étant donné que les grosses locomotives dépotent dans la GD alors que les naturistes sont chez des cavistes. Ce n’est pas la même chalandise, la cloison est étanche et la notoriété des vins nature me semble au contraire renforcée par la stratégie de ces copieurs. C’est l’effet la laitière de Vermeer sur les yaourts industriels, le consommateur qui réfléchit ne se laisse pas prendre au piège.
Croire en la vertu d’une définition, quelle qu’elle soit, c’est se bercer d’illusion, c’est se fourrer tête baissée dans ce que souhaitent les gros faiseurs. L’exemple de la définition communautaire du vin bio en est un bel exemple.
Bref, lorsqu’on m’annonce que l’INAO enterre le rapport sur la définition des vins nature je me réjouis.
Mais comme je suis un bon garçon, traduire un rocardien non révisé, je verse au dossier de ceux qui aiment les définitions, la mienne.
« Le vin nature est un vin qui pue… »
C’est concis, c’est précis, ça satisfait les 2 camps, celui des pourfendeurs comme celui des adorateurs et c’est scientifique.
Démonstration !
Quelques citations tirées du livre La civilisation des odeurs XIVème-XVIIIème siècles de Robert Muchembled Les Belles Lettres 249 pages
Chapitre 1 Sens unique :
Page 15
« Jusqu’en 2014, l’odorat était un sens profondément dévalorisé, voire méprisé. Trop animal, il gênait l’homme dans sa conquête d’un statut exceptionnel, en un temps de fulgurantes découvertes technologiques et scientifiques ? Vestige inutile d’un passé bestial, il se trouvait puissamment refoulé dans notre civilisation désodorisante. Il n’intéressait guère les savants, qui n’avaient jamais tenté de vérifier l’opinion courante de leurs prédécesseurs à propos des 10 000 senteurs, au maximum, qu’était censé discerner le plus affûté des nez humains. Il est vrai que ce petit dernier faisait pâle figure face à la vue, capable de détecter plusieurs millions de couleurs différentes, ou à l’ouïe, distinguant près de 500 000 tons. Impasse biologique, en quelque sorte, il semblait sur la voie d’une lente extinction. »
Page 19
« L’odorat est un sens unique, exceptionnel […] L’idée commune selon laquelle l’olfaction serait très faible, résiduelle, chez l’homme n’est qu’un mythe sans réel fondement. Le flair a été refoulé culturellement par les bourgeoisies triomphantes, aux XIXe et XXe siècles »
Page 20
« Le système olfactif présente de grandes originalités. Il se développe dès que le fœtus atteint douze semaines. L’apprentissage olfactif-gustatif commence dans le liquide amniotique, qui contient les traces chimiques de tout ce que la mère consomme. Ainsi peut se créer une accoutumance à l’ail, par exemple. Il faut cependant plusieurs années pour arriver à la maturité en ce domaine. »
Page 21
« … l’odorat est le plus flexible, le plus manipulable de tous les sens. »
«… l’olfaction est le siège primaire des émotions… »
« Les choses ne sentent ni bon ni mauvais par elles-mêmes : c’est le cerveau qui opère la différence, puis la mémorise. Il s’adapte parfaitement aux fortes exhalaisons, car, au bout d’environ un quart d’heure, l’individu concerné ne discerne plus ni puanteur ni capiteuse fragrance. »
Page 22
« Montaigne écrit […] que pour chacun son excrément sent bon, formule appliqué au pet d’Érasme. »
Page 24
« L’odorat est le sens « le plus voluptueux, disait déjà Diderot.
« Le choix du compagnon ou de la compagne de rêve ne devrait donc pas être défini comme un coup de foudre, mais plutôt comme une brève extase aromatique. La quête romantique du prince charmant ou de la belle au bois dormant prend ainsi une autre dimension. L’odeur de chacun est pratiquement unique, à tel point que les scientifiques parlent d’empreinte olfactive pour la définir. »
Page 26
« L’odorat est en outre un sens profondément social. D’une manière binaire, une fois encore, il produit du lien ou du rejet. Des champs aromatiques préférentiels enveloppent chaque groupe humain. Ils résultent en particulier des traditions culinaires locales et de la gestion collective des effluves. »
Page 28
« Un dernier point du passionnant dossier concerne la grande difficulté à transposer les expériences olfactives dans le langage, quel qu’il soit. Ceux dont le métier implique la meilleure perception des odeurs, tels les cuisiniers, les médecins légistes ou les parfumeurs, l’éprouvent également. Les derniers ont résolu le problème en se dotant d’un jargon métaphorique, pour distinguer des fragrances vertes ou roses, des types épicés ou herbacés, des produits fruités, des symphonies florales, des notes dissonantes, balsamiques, fraîches ou ambrées. La raison du mystère provient de la corrélation directe établie entre les senteurs, les émotions et la mémoire, en toute indépendance des parties du cerveau régissant la verbalisation. »
Voilà c’est dit et ma définition lapidaire du vin nature me paraît être la seule qui permette de refermer le dossier.
Donc, à quand un logo « vin qui pue » !