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2 février 2018 5 02 /02 /février /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H. Chantal c'était un corps de reine, harmonieux, un grain de peau fin et soyeux, une poitrine haute et ferme qui tendait ses pulls angora, des jambes au galbe parfait, une taille de guêpe et un cul à damner l'enfant de chœur qu’il était (4)

Dieu, disait-on, l'avait pourri de dons. Le pire était à venir. De toute part on s'esbaudissait. On lui donnait le bon Dieu sans confession. En silence Benoît souffrait du délit de bonne gueule. Planqué derrière sa félicité benoîte il affrontait la vie avec un étrange mélange d'optimisme inoxydable et de crainte. L'exubérance de son imagination, ce trouble intérieur, le projetait dans des mondes impitoyables, ceux qu’il découvrira bien plus tard à l'âge adulte, peuplés de femmes fatales, de condottieres flamboyants, de crapules audacieuses ; des mondes dégoulinant de luxe et de stupre ; des mondes excessifs ; des mondes où tout était si haut, si fort ; des mondes où il se sentirait tel un poisson dans l'eau. Dans ses rêves Benoît se délectait de son aisance, de son absence de scrupules, de sa prestance de seigneur de la guerre altier et impitoyable, le monde serait à ses pieds. Jamais repu de ces plaisirs charnels, de ces alcools forts, Benoît jouissait  de son inhumanité.

 

Alors, tout au long de sa paisible et studieuse adolescence, l'aversion de son prénom remplira la fonction de toile émeri. Elle l'empêchait de tomber dans la facilité et le contentement de soi. Tâche ardue pour une gueule d'amour, tirée à quatre épingles, moissonnant sans effort les plus belles pousses du canton. C'en était lassant. Benoît n'en pouvait plus d'entendre ces donzelles minauder que Benoît c'était « chou et doux » pendant qu’il fourrageait, sans rencontrer de résistance, dans les faibles bastions de leur intimité. Cette facilité le désolait. Las, il affichait froideur, dédain ou pire grossièreté, en pure perte, pour du beurre. Espérant une paire de baffes il ne récoltait que des gloussements de dindes. Consentantes jusqu'à la nausée. Benoît en avait marre des bouches faciles, des bécots minables, des langues mollasses et des bouches incertaines. Quant aux jeux de mains, ils étaient pires encore, rien que de mols édredons. Mais un jour il y eut Chantal : son corps vibra tel le cristal de Bohème dès son premier effleurement.

 

Chantal c'était un corps de reine, harmonieux, un grain de peau fin et soyeux, une poitrine haute et ferme qui tendait ses pulls angora, des jambes au galbe parfait, une taille de guêpe et un cul à damner l'enfant de chœur qu’il était. Tout, elle possédait tout, pure perfection, la quintessence de la beauté plastique ; sauf que, Chantal c'était aussi un visage laid, d’une laideur minérale, glacée, osseuse, rien que de la disgrâce à peine atténuée par un regard ardent et un sourire moqueur. Chantal c'était une grande, une femme déjà, qui le fascinait. Il la voulait. Elle le fuyait. Il lui parlait. Elle se taisait. Il la bombardait de lettres enflammées. Les lisait-elle ? Il devenait fou, fou d'elle, et sa tête incandescente échafaudait mille stratégies pour forcer la porte de l'emmurée. Un soir, du fond de son lit, alors que les rats carapataient sur le tillage en une infernale sarabande, en désespoir de cause, pour se rassurer, Benoît en vint à décliner un postulat, le postulat de la laideur.

 

Pour lui, il en avait la certitude, « le capital d'amour d'une femme laide était proportionnel à l'intensité de sa laideur » Avec Chantal il découvrirait le grand amour, l'amour pur, celui que l'on porte, tel un diamant fiché au cœur, pour l'éternité, jusqu'à son dernier souffle. Benoît carburait à l'exaltation. Il allait forcer ma nature. Ouvrir les vannes de son ébullition intérieure. La prendre d'assaut sans sommation. Dès le dimanche qui suivit, dans la pénombre de la salle du patronage, au premier acte d'un drame familial, il lui prit la main et la tira sans ménagement vers le dehors. Elle le suivit en n’opposant aucune résistance.

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