« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » c’est la morale qui conclut la fable de La Fontaine Le Lion et le Rat.
C’est dimanche mais, comme je suis un mécréant je vais pécher, me réjouir en vous contant cette histoire de faux châtelain bordelais du vin.
J’ai connu la baronne dans le TGV, disons que je l’ai repérée en photo debout sur un canapé dans le magazine qui traîne dans le TGV, la madame bien née déclarait qu’elle vendait son vin chez les gens, style Tupperware.
Intrigué je lui téléphonai. Elle me répondit du tac au tac que si je souhaitais en savoir plus je n’avais qu’à me radiner dare-dare dans son château. Ce que je fis. Le couple, oui la baronne avait épousé, me reçut avec chaleur et convivialité dans la grande cuisine du château.
Le couple qui roucoulait m’expliqua, surtout elle, comment ils se retrouvaient là. Un beau défi me dis-je ? Un gros paquet de pognon, les sœurs étaient gourmandes. Lui se voyait déjà en haut de l’affiche, même qu’il fit un bras d’honneur au maître du coin dont le nom corrézien semait la terreur. Détail au passage, comme Bettane il raillait les bio-cons. Ils vinifiaient avec la star du moment, un non-œnologue.
Donc moi, un peu con, je mordis à l’hameçon, la baronne avait son franc-parler, je soutins à juste raison les sans-chais, elle chroniqua même pour moi. Isabelle Saporta lui consacra un chapitre dans VinoBusiness. Cependant, petit à petit, le doute s’installa, comme une faille, mais, après tout, ce n’était pas mes oignons même si le mec me parut de plus en plus faux-cul.
Et puis un jour patatras, exit la baronne, la maison était sous la tutelle de ses banquiers alors elle tomba dans l’escarcelle d’un haut feudataire de l’autre rive. Je ne peux ici révéler ce que je sais, devoir de réserve et protection de mes sources, mais je sais.
Lui resta, se comporta comme le maître des lieux, se la joua, ce qui est son droit, en se fabriquant une nouvelle vie étalée complaisamment sur Face de bouc. Même que le monsieur s’était mué en ardent défenseur de la biodynamie pratiquée par son maître.
L’armée des pique-assiettes, les encenseurs professionnels, les je gobe-tout, défilèrent, c’était la belle vie.
Et puis, patatras, ce qui était écrit en creux à l’encre sympathique dans le contrat initial, le maître congédia le manant sans prendre beaucoup de formes. Tu vides les lieux à date et tu te tires.
Ainsi va la vie, la roue tourne, le boomerang revient toujours dans la tronche de celui qui croyait que son imposture serait éternelle.
Mes amis du cru et d’ailleurs à qui j’annonçai la nouvelle eurent tous la même réaction, sans se réjouir du malheur de l’autre, « y’a quand même une justice sur cette terre de temps en temps… »