J’ignorais qu’il existait un prix SNCF du polar qualifié sur le bandeau de l’éditeur de plus grand prix des lecteurs de France. Comme j’ai l’esprit mal tourné j’ai pensé à Florence Parly.
Grossir le ciel de Franck Bouysse à la MANUFACTURE DE LIVRES (09/10/2014) est le lauréat 2017.
35 000 lecteurs ont voté pour Grossir le ciel, de Franck Bouysse (Le Livre de Poche) dans la catégorie roman.
Grossir le ciel, un roman noir lumineux
Sur son blog, « Boulevard du crime », Alain Léauthier nous livre son « coup de cœur » de l'année 2014 en matière de polar : Grossir le ciel de Franck Bouysse. Un « grand livre » qui traite de « l'essentiel ». « Misère et grandeur de la condition humaine. Deux solitudes paysannes. Des secrets de famille comme une bombe à retardement. Les Cévennes, somptueuses et austères ». Avec en prime, un « style Bouysse » : « charnel, racé, levant l'émotion comme la pâte d'un bon pain ».
Pas mieux !
À lire absolument par celles et ceux qui ont une vision bucolique de la campagne d’avant.
Extrait
« Gus se souvenait que, quand il était petit, son père l’envoyait toujours tirer du vin à la cave, au moment des repas. Il devait alors ouvrir la petite porte au fond de la cuisine, descendre un escalier en bois sans contremarches, un genre d’échelle améliorée, avec un garde-fou fait d’un vulgaire tuyau en galva. Un problème électrique, que son père n’avait jamais résolu, faisait que les plombs sautaient une fois sur deux quand on allumait la lumière. Pour ne pas le mettre en rogne, Gus descendait avec une lampe électrique en faisant attention à ne pas louper de marche, ce qui l’aurait conduit en bas plus rapidement que prévu, le cul en compote, par-dessus le marché. Une erreur que son père lui aurait probablement pardonnée à vide, mais certainement pas avec une bouteille de pleine entre les mains. À chaque descente, c’était pourtant une sensation de joie qui lui venait, au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans la cave, dans ce silence gardé par les grosses pierres dissemblables des murs, au milieu des vapeurs soufrées et des cadavres de bouteilles, avec leur fermoir en porcelaine, qui avaient contenu du cidre jadis, à l’époque où on ramassait encore les petits fruits boursouflés et tavelés des pommiers plein-vent, et que l’on ne les laissait pas bouffer par les vaches à mesure qu’ils tombaient par terre.
Le grand plaisir du gamin, c’était de balancer le faisceau de lumière à l’intérieur de la cave et de surprendre des araignées grosses comme une main, sa main. Aussi loin qu’il lui était possible de remonter, Gus n’avait pas le souvenir d’avoir éprouvé de la peur, même quand un rat déboulait de derrière des barriques, pour se fourrer dans un des trous du mur, jamais le même. Ce qui l’incitait à se demander comment la maison pouvait encore tenir debout, vu qu’il pensait que les rats étaient capables de bouffer la pierre avec leurs dents, aussi facilement que du fromage. Ça n’aurait pas vraiment gêné Gus qu’une telle chose arrivât au moment où il était enfermé dans la cave, se disant que ce ne serait pas donné à tout le monde d’avoir une tombe de ce genre. Il devait avouer que bien des fois il avait espéré que ça se produise, pendant qu’il tournait le robinet serti dans le bois de la barrique et qu’il regardait un vin épais gicler dans la bouteille, puis qu’il ralentissait progressivement le débit quand le niveau du liquide approchait du goulot. C’est qu’il ne fallait pas en perdre une seule goutte. La dernière, il l’essuyait d’un doigt et la portait à ses lèvres avant de remonter donner sa ration quotidienne à son père, qui trouvait immanquablement que Gus avait été trop long. Sa contrariété oubliée, le père renversait le goulot de la bouteille dans son verre, comme il l’aurait fait avec une cheville pour planter une salade le long d’un cordeau tendu, puis il buvait cul sec cette bénédiction et faisait claquer sa langue contre son palais en même temps qu’il reposait bruyamment son verre vide sur la table en disant : « encore un que les boches n’auront pas ! » Gus l’observait attentivement en se disant que le vin apportait plus de choses qu’il n’en prenait, que c’était une des grandes lois de la nature, étant donné que son père était bien plus calme quand il avait picolé, comme apaisé ; que ce qui se passait à l’intérieur d’un homme après un verre ou deux était une expérience à vivre chaque jour, un délicieux engourdissement qui faisait voir les choses différemment, qui vous conduisait à regarder à l’intérieur de vous sans vous laisser emmerder par ce qui se passait autour.
Gus n’avait jamais vu son père saoul, probablement qu’il buvait trop pour ça. Il s’endormait invariablement après le repas, assis sur sa chaise, la tête basculée en arrière sous sa casquette crottée, et il se mettait à ronfler comme une locomotive gorgée de charbon. Gus pouvait demeurer ainsi, à l’observer, en attendant qu’il se réveille et lui demande de retourner remplir la bouteille, pendant que sa mère était partie Dieu sait où. »
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