Pendant que les zinzins du vin s’excitent, j’oserais même écrire se branlent à propos du fameux tire-bouchon de la mère Buzyn, l'économiste américain Richard Thaler nouveau Nobel d'économie 2017 (littéralement « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel ») pour son travail en finance comportementale, lui va faire jouir jusqu’à l’extase les grands amateurs de vin, ceux qui s’agitent la nouille face aux grands vins tout en se lamentant sur la faiblesse de leurs bourses pour les acquérir.
Pour les ignares que nous sommes : les études d'économie comportementale explorent l'intersection entre le comportement humain et les principes économiques — ou pourquoi nous nous comportons d'une certaine manière avec l'argent.
Outre l'économie, le professeur de l'université de Chicago aime aussi le golf et les bons vins m’indiquent-on dans mon oreillette. Alors rien de surprenant que Thaler ait posé une question sur le vin à Paul Sullivan, chroniqueur au New York Times, pour expliquer l'économie comportementale dans son livre « The Thin Green Line: The Money Secrets of The Super Wealthy. »
Je plante le décor : vous êtes un Lpviens-type qui a acheté au bon temps des bons prix des grands vins de magnifiques flacons et qui, bien sûr, les a conservés dans sa belle cave voutée.
Voici sa question du nouveau Nobel d’économie :
Combien cela vous coûterait de boire une bouteille de vin que vous avez acheté il y a des années pour 50 dollars et qui vaut désormais 500 dollars?
Prenez le temps de la réflexion :
La réponse de l’éminent professeur a moins à voir avec le vin qu'avec les sciences économiques.
Dans les faits, c'est même une illustration de la distorsion cognitive qui affecte beaucoup de gens lorsqu'ils confondent coûts irrécupérables et coût de renoncement.
Un coût irrécupérable est de l'argent que vous avez déjà dépensé. Il est perdu et vous ne pouvez rien faire pour changer cela maintenant. Dans ce cas, les 50 dollars dépensés pour la bouteille initialement sont un coût irrécupérable.
Un coût de renoncement est le prix que vous coûte le choix d'une action plutôt qu'une autre — dans ce cas, choisir de boire la bouteille au lieu de la vendre pour 500 dollars, voire la garder pour la revendre plus cher encore à l'avenir.
La bonne réponse est que cela vous coûte 500 dollars de boire la bouteille, parce que vous choisissez de la savourer au lieu de la vendre.
« La plupart des gens disent que ça ne leur coûte rien », explique Thaler à Sullivan. » Il y a des gens que j'apprécie beaucoup qui me disent même qu'ils se font de l'argent en buvant le vin car il ne leur a coûté que 50 dollars. C'est de la segmentation mentale."
Sullivan poursuit dans son ouvrage:
« Vraisemblablement, certains collectionneurs qui choisiront de boire leur vin auraient eu du mal à aller acheter la même bouteille pour 500 dollars afin de la boire avec leur dîner, mais pourtant c'est exactement ce qu'ils font lorsqu'ils boivent cette bouteille aujourd'hui. Ils préfèrent croire que la boire est une affaire, car ils l'ont achetée pour 50 dollars des années plus tôt. »
Sullivan souligne que les gens ne sont pas rationnels lorsqu'il s'agit d'argent. Nous achetons trop et n'économisons pas assez, parce que le consommateur moyen ne pense pas l'argent comme un économiste.
Les travaux Richard Thaler nous rappellent avec brio que les acteurs économiques ressemblent plus à Homer Simpson qu'à Superman.
Reste à répondre à une question : ceux qui ont acheté des vins pour spéculer, le boiront-ils si le prix se met à dévisser. L’adage en Bourse reste t’as rien perdu tant que t’as vendu, ici c’est bu !
Version originale: Libby Kane/Business Insider
LA TÂCHE ? CE N'EST PAS UNE MARCHANDISE
Dire qu’Aubert de Villaine n’a pas apprécié est un euphémisme. Il était furieux ! Depuis des années, le gérant du domaine de la Romanée-Conti (ses fidèles disent “le DRC”), au nom du caractère sacré et convivial du vin, demande par courrier à ses clients allocataires de résister aux sirènes de l’argent facile et de ne pas revendre leurs flacons mais de les boire en les partageant. "Tout producteur de grand vin a le sentiment de produire quelque chose de précieux, son devoir est de veiller à ce qu’il soit dégusté à son apogée. Une Romanée-Conti ou une Tâche n’ont pas vocation à être une marchandise sur laquelle on spécule", assène-t-il du haut de son Olympe bourguignon, en l’occurrence le village de Vosne-Romanée.
Lire ICI Spéculation : les grands crus face au mur de l’argent
Le coup de gueule des viticulteurs audois
« On ne peut pas être encouragés, encensés par UbiFrance et la Sopexa pour aller commercialiser nos vins dans tous les pays du monde et être considérés chez nous comme des assassins » : Jean-Marie Fabre, président de la fédération audoise des vignerons indépendants, ne décolère pas contre la dernière campagne de communication du ministère de la santé en faveur de la lutte contre le cancer, et qui utilise comme illustration un tire-bouchon (allusion directe au vin). 11.000 pétitions demandant le retrait de la campagne sont déposées le 28/9 par la filière viticole sur le bureau de Stéphane Travert, ministre de l’agriculture. « Le député audois Roland Courteau va de son côté saisir le CSA et le ministère de la Santé pour demander le retrait », complète Jean-Marie Fabre. Un tire-bouchon ne peut en effet ouvrir qu’une bouteille de vin, la campagne excluant de fait les autres alcools du type whisky, vodka ou bière. « Or, la loi interdit la stigmatisation d’un seul alcool dans les campagnes de communication. Soit on cite tous les alcools, soit aucun. Une fois de plus, seul le vin est stigmatisé alors que la consommation d’alcool fort explose, et par des clients de plus en plus jeunes. Si la France considère que le vin est un problème de santé publique, il faut un vrai plan Marshall pour faire disparaître la filière viticole, qui induit des emplois et contribue à l’aménagement du territoire. »
11 000 SIGNATURES preuve de faiblesse !