La gratuité d’utilisation, la liberté d’accès à une infinité de contenus et la «tradition» du téléchargement illégal sont pour ainsi dire consubstantielles au web et désormais bien ancrées dans les habitudes des consommateurs. Au point d’être devenues de véritables dogmes.
Dès 2008, Chis Anderson annonçait « Le Web est devenu le monde de la gratuité » prophétisant l’extension du principe : « Les coûts sur Internet vont tous dans la même direction : vers zéro. Il est désormais clair que tout ce que le numérique touche évolue vers la gratuité ».
Et Olivier Bomsel, professeur d’Economie industrielle à l’Ecole des Mines de Paris complétait : « Le gratuit va continuer de s’étendre, ne serait-ce que parce que l’économie numérique suscite de plus en plus d’information, laquelle engendre de plus en plus de publicité, laquelle a vocation à subventionner des utilités nouvelles (…) Pour initier ces effets, il faut subventionner les premiers consommateurs. Il y aura donc de plus en plus de gratuit, mais aussi moins de lisibilité sur le prix des produits ».
Cette destruction radicale de valeur a provoqué des dégâts « collatéraux » sur les industries de création : l’édition, le commerce des produits culturels : films, musique…, la presse quotidienne et hebdomadaire…
L’habitude était née, celle d’un accès universellement gratuit aux contenus de création, des professions entières se sont trouvé face à l’obligation de proposer des alternatives crédibles et rentables pour pérenniser leurs activités.
Un exercice plus que difficile, les grands groupes de presse tentent encore d’imposer et de viabiliser leur nouveau modèle économique et la complémentarité offline-online, les pure players de la presse numérique tels que le Huffington Post, Rue 89, Slate… leur font une sérieuse concurrence.
Ces nouveaux acteurs s’appuyant largement sur la participation gratuite de nombreux contributeurs externes exploitent sans vergogne l’expertise et les compétences rédactionnelles de professionnels en manque d’exposition. Une concurrence presque déloyale faite aux journalistes et pigistes dont cette activité reste le gagne-pain, d’après Pascal Béria : « Notoriété et visibilité sont ainsi devenues les nouveaux opiums du peuple connecté qui altèrent mécaniquement le prix d’un travail que d’autres ont aujourd’hui du mal à se faire rémunérer ».
Économiquement coûteuse, notamment pour les secteurs de la création et pour les nombreux pure players qui ne réussissent jamais à trouver le chemin de la rentabilité (du fait de business models intenables), la gratuité est aussi coûteuse socialement et en termes de libertés individuelles.
Au point pour Pascal Béria de livrer ce jugement sans appel : « Loin de nous apporter la liberté, la gratuité nous conduit par de multiples chemins à une dépendance profonde à quelques grands majors à qui nous offrons informations personnelles, codes de carte bleue, fichiers informatiques et à qui nous communiquons les produits que nous consommons et parfois même les détails les plus intimes de nos existences en l’échange de quelques services dont nous avons aujourd’hui du mal à nous passer (…) L’utopie de la gratuité ne rend pas libre. Elle est au contraire devenue une cause d’aliénation ».
Alors, face aux mastodontes du Net , Google tout particulièrement, ne trouvant plus leur place dans la presse traditionnelle, certains tentent d’émerger en fondant leur petite entreprise personnelle en pariant sur l’abonnement pour la faire vivre.
Ainsi, l'ex-journaliste de Libération Sylvain Bourmeau va lancer un "micromédia" numérique mettant en valeur des opinions d'auteurs, un site payant qui proposera chaque jour des textes longs sur des sujets culturels ou sociétaux, a-t-il indiqué lundi à l'AFP. Pensé comme une variation des pages "débats" des quotidiens, le site dénommé AOC publiera à partir de janvier 2018 trois longs articles par jour en semaine: une analyse, une opinion et une critique d'auteurs variés, trois genres dont les initiales donnent leur nom au site. Un grand entretien sera publié le samedi, un texte de fiction le dimanche. "On veut remettre un peu de verticalité dans l'espace public, à un moment où tout est nivelé, où toutes les informations ont tendance à se valoir", souligne Sylvain Bourmeau, actuellement producteur d'une émission sur France Culture et professeur associé à l'École des hautes études en sciences sociales, après avoir été directeur adjoint des Inrocks et participé au lancement de Mediapart. "La consigne pour chaque auteur sera de produire un texte qui va faire référence, qu'on aura envie de partager, avec lequel on n'est pas forcément d'accord. Le but est de faire écrire les bonnes personnes dans les 48 heures qui suivent une actualité", a souligné le journaliste. Entourés d'un petite équipe d'éditeurs, les auteurs seront rémunérés environ 500 euros le texte. Sylvain Bourmeau est accompagné à la direction du site par Raphaël Bourgois, également présentateur sur France Culture, et d'Hélène Fromen, ex-responsable du site du Monde puis de Mediapart. Accessible sur abonnement (douze euros par mois), AOC sera un "micromédia haut de gamme" qui atteindra son équilibre financier avec 10.000 abonnés, a précisé Sylvain Bourmeau, qui réfléchit aussi à publier régulièrement ces textes en librairie et à organiser des évènements.
Tout beau tout neuf, Tellement Soif est un nouveau média lancé samedi 17 juin. 100% vin, 100% vidéo, il entend bouleverser l’offre médiatique et porter une parole singulière et indépendante. Entretien avec le rédacteur en chef de Tellement Soif, Antoine Gerbelle.
Atabula – Vous venez de lancer Tellement Soif, média 100% vidéo dédié au vin. Pourquoi ?
Antoine Gerbelle – Notre choix de créer Tellement Soif s’inscrit dans une tendance forte, celle de la montée en puissance de la vidéo sur Internet en tant que véritable média. C’est un mode d’expression qui est enfin mature. Nous le voyons déjà très bien avec les médias créés par Michel Onfray ou Natacha Polony. D’ailleurs, c’est le même groupe – Le Magasin Numérique/Téléparis – qui assure toute la partie technique des trois médias. Quant au contenu, notre ambition est de permettre au vin et à son approche critique de sortir du ghetto, d’échapper à un entre-soi terrible dans lequel vivent les journalistes et les vignerons. Tellement Soif doit décloisonner cet univers passionnant pour qu’il s’ouvre au plus grand nombre. D’où le parti-pris de permettre aux internautes de liker les sujets qu’ils souhaitent voir traiter. Cette interaction est aujourd’hui nécessaire et salutaire. Autre élément obligatoire : la liberté de traitement de l’information. Sur Tellement Soif, nous serons libres de traiter tous les sujets comme nous le voulons, sans autres impératifs que notre avis. Et ça, c’est révolutionnaire ou presque.
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Après plus de sept années d’existence, le média Atabula développe une nouvelle offre. À partir du 1er septembre, Atabula+ va apporter encore plus d’informations et plus de services à nos lecteurs. Cette offre – dont vous pouvez découvrir tous les avantages en cliquant ICI – sera réservée aux abonnés.
En faisant ce choix du payant pour une partie de son contenu éditorial, Atabula vise un double objectif. D’abord, le souci d’une plus grande indépendance. Cette indépendance est au cœur de la démarche d’Atabula. C’est grâce à elle que le média peut continuer son travail d’information en toute liberté et aborder tous les sujets sans concession. Cette diversification de nos sources de revenus va logiquement renforcer la qualité et la pertinence de notre production éditoriale. L’équipe va s’agrandir pour assurer notre développement et garantir aux 250 000 visiteurs uniques mensuels un contenu toujours plus pointu et tourné vers les professionnels de la restauration. C’est pour eux qu’Atabula+ a été pensé.
Ensuite, ce choix économique va donc nous permettre de développer nos offres. Dès le mois de septembre, vous trouverez des rubriques renouvelées, des dossiers thématiques, des benchmarks, une nouvelle plateforme de présentation des acteurs des arts de la table et une application mobile pour un plus grand confort de lecture. Dans les prochains mois, les abonnés auront également accès à des bases de données exclusives.
Dès le 1er septembre, le contenu éditorial d’Atabula sera mixte : des articles gratuits et des articles payants. Le « gratuit » sera dédié à des contenus courts (fil info, actualités diverses). En cela, Atabula restera une vigie d’information pour tous. Le « payant » sera principalement consacré à des analyses, du décryptage et, plus largement, à du contenu à forte valeur ajoutée.
L’ambition d’Atabula est claire : proposer toujours plus d’informations et de services aux professionnels de la restauration, et répondre à leurs multiples attentes dans un secteur en mutation perpétuelle.
Très bien tout ça mais j’avoue que ça ne s’adresse pas à moi, je ne suis pas le coeur de cible et mon budget abonnements + livres est déjà très important et, pour l’heure, à l’exception de l’AOC de Bourmeau, les contenus de Tellement Soif et d’Atabula n’entrent pas dans le champ de mon intérêt pour l’information.
Pour autant la naissance de tout nouveau média doit être saluée avec intérêt, donc bon vent à eux.
Ma seule interrogation tient au bassin de chalandise que Tellement Soif et Atabula souhaitent toucher en ayant l’ambition de sortir de l’entre-soi du petit milieu du vin et de la gastronomie. Ambition louable certes mais les sujets abordés me semblent être ceux que l’on brasse depuis toujours dans le marigot et qui n’intéressent que les accros du marigot.