Être vu, capter des abonnés, les faire raquer pour, dit-on, contribuer à l’extension du domaine du vin, voilà une ambition légitime de celles et ceux qui rament dans leur petit bateau sur l’immensité de la Toile.
Sauf que, ces braves gens, ne se sont pas aperçus, qu’en fait ils ne clapotent que dans le petit marigot du vin. Ça ne fait pas grand monde, bien sûr l’entre soi tient chaud, on se garde bien de communiquer les chiffres de fréquentation.
Et puis, patatras, voilà qu’un « péquenot » du fin fond de la Normandie, éleveur de 39 ans Antoine Thibault qui élève 110 vaches et veaux, dont 55 vaches laitières dans un petit patelin à Cintray en Normandie, en décembre dernier, décide de se filmer et de mettre la vidéo sur le site YouTube.
Pourquoi ?
« Je voulais montrer les bonnes conditions de vie de mes vaches, détaille-t-il. Plus on les met dans de bonnes conditions, plus elles vont produire et plus elles seront rentables. Cela fait partie du métier. »
Une manière de contredire les reportages à charge contre l’élevage en utilisant un média accessible à tous et un format léger pour faire passer de véritables messages.
« L’idée lui est venue à la suite de la publication en novembre 2016 d’un manifeste signé par 26 associations pour le bien-être animal (sous le collectif Animal Politique), adressé aux candidats à l’élection présidentielle. Ce document recense 30 propositions visant à mettre la condition animale au cœur des enjeux politiques.
« Je me suis rendu compte que je faisais déjà quasiment tout », constate Antoine Thibault, qui attend alors une réaction de la part des éleveurs.
Alors devant l’absence de communication de ces derniers, Antoine se lance pour « montrer patte blanche » et se glisse dans la peau des YouTubeurs dont il avoue être un « grand fan».
La vidéo d’Antoine a décroché la timbale avec plus de 46 759 vues
« J’en espérais 10 000 », sourit l’éleveur.
Il faut dire qu’elle n’a vraiment décollé après avoir attiré l’œil du site spécialisé Wikiagri.fr en janvier, puis du HuffingtonPost.fr. Par effet boule de neige, il a été contacté par des journalistes de France info et de C8. Les reportages ont été repoussés à cause de l’actualité nationale chargée, mais celui de C8 a finalement été diffusé lundi dernier dans La Nouvelle édition. « Le journaliste n’avait jamais vu de vaches », s’amuse Antoine.
Ce matin c’était sur France Inter avec la chronique L’Esprit d’Initiative d’Emmanuel Moreau Le paysan youtubeur et ses vaches.
« Pour certains, l’élevage est assimilé à l’esclavage, regrette l’agriculteur installé depuis 2002 à Cintray. On ne peut pas comparer la traite des noirs et un élevage laitier. J’ai retiré les commentaires haineux. »
Abattoirs, écornage, séparation…
Dans sa vidéo, Antoine voulait « un maximum de transparence », même si cela le fait aborder certains sujets sensibles comme l’écornage, une pratique douloureuse qui « consiste à brûler la corne du jeune veau ». « C’est dangereux si nous leur laissons les cornes, justifie-t-il. Les vaches peuvent nous blesser mais aussi se blesser entre elles. Il y a des moyens pour atténuer la douleur, notamment l’anesthésie locale. Les techniques s’améliorent. » Saviez-vous qu’il existe des races de vaches sans cornes, qui pourraient permettre aux éleveurs de faire disparaître l’écornage ?
2 000 jours de vie
Antoine Thibault s’avoue très attaché à ses bêtes, même si leur durée de vie n’est que d’environ 2 000 jours. « Je sais que je les verrai naître, vivre, et que je les amènerai à la mort… Le but, c’est qu’elles aient la vie la meilleure vie possible ». Il en profite pour rappeler que les éleveurs ne sont pas directement concernés par les conditions d’abattage. « Une fois dans le camion, elles ne nous appartiennent plus, souligne-t-il. Et il ne faut pas mettre les abattoirs dans le même panier. »
Pour autant, il est plutôt favorable à la vidéosurveillance pour éviter les dérives comme on a pu le voir dans les vidéos publiées par des associations comme L214. À ce propos, l’agriculteur de Cintray estime que « c’est très facile de montrer des passages d’une minute » parfois sortis du contexte.
Un autre sujet qui a suscité des questionnements, la séparation du veau et de sa mère. « Cela minimise leur stress, car les veaux peuvent se faire coincer et piétiner par les vaches adultes qui peuvent même être agressives avec les veaux qui ne sont pas les leurs, poursuit Antoine. Il y a une sorte de « congé maternité » pour les vaches qui sont alors séparées du troupeau, et cela leur cause parfois plus de stress que d’être séparées de leur veau. »
Antoine, l’éleveur youtubeur ne compte pas s’arrêter là et a déjà plusieurs idées pour des prochaines vidéos. Notamment pourquoi il fait ce métier, les avantages des ruminants et leur alimentation, en lien avec la question des OGM.
Il est déjà entré dans le cercle fermé de ceux qui peuvent ambitionner d’atteindre les centaines de milliers, voire le million, de vues.
Alors, simple question aux acharnés du tire-bouchon : comment se fait-il que votre niveau de bruit sur le Net reste aussi modeste ?
Poser cette question n’est pas manquer d’empathie à votre égard mais c’est simplement pour que vous vous interrogiez sur l’utilité, je ne parle pas de viabilité, de votre entreprise aux ambitions élevées.
Ces agriculteurs YouTubeurs qui dévoilent les dessous de leurs « vraies fermes » par Mathilde Golla
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