À cette question je pourrais répondre par une pirouette : « ai-je été un jour un blogueur vin ? »
Ce serait trop facile lorsqu’on a accroché à sa crèmerie l’enseigne Vin&Cie.
Mais pourquoi en cette fin de mois d’août, où les travailleurs-travailleuses reprennent le collier alors que moi je n’en fous plus une rame depuis que j’ai quitté la scène, poser cette question ?
Tout bêtement parce qu’une amie ayant rencontré récemment un caviste-lecteur m’a rapporté son interrogation « Berthomeau chronique-t-il encore sur le vin ? »
Normal, mon petit roman de l’été, qui pourtant patauge dans le marigot de Saint-Émilion, peut jeter le trouble auprès des afficionados du vin.
Très vin nature le trouble !
Avec ma pomme, depuis le début, s’est instauré un malentendu : je ne suis pas, je n’ai jamais été, ni expert de la dégustation, ni un amateur de vin au sens où le vin n’est pas pour moi une passion. J’en ai d’autres. Ceux qui me suivent depuis un bout de temps les connaissent.
Pour vous expliquer permettez-moi un petit retour en arrière : lorsque j’ai ouvert ce blog, il y a 13 ans, pour raison de mise au placard suite à la publication du Rapport, je partais à l’aveuglette en chroniquant sur le sujet qui m’avait valu l’ire des chefs de la vigne du Languedoc et de Bordeaux. Chemin faisant, même si mon analyse sur la vigne et le vin n’a pas radicalement changé, j’ai pris de plus en plus de distance avec le politiquement correct qui sévit dans le monde du vin, même chez les insoumis du vin.
Depuis un certain temps, je contemple donc, d’un œil narquois, ce qui s’écrit aussi bien sur les quelques blogs survivants que dans la « pauvre » presse du vin.
C’est d’un convenu affligeant. On ressasse, on véhicule les mêmes images éculées, on se contente d’un entre soi dit d’amateurs, ou pis encore de grands amateurs, un côté congrès des Radicaux de gauche dans une cabine téléphonique. L’imagination n’est vraiment pas au pouvoir, les grands maîtres de la dégustation n’ont rien vu venir, confits qu’ils sont dans leurs certitudes.
Ces survivants ne vivent plus que de la collecte la manne disponible, soit ils font salons, soit sous-traitant de la presse généraliste, soit conseils en Foire aux Vins, soit même parfois un peu vendeur de vin, pour finir, fourbus, au bout du rouleau dans la sébile du père Dassault comme le célèbre duo.
Si on laisse de côté les stipendiés collecteurs d’encart publicitaires, les aigris faisant des piges, les quelques critiques encore en piste, qui s’escriment à se parer du titre de journaliste, sont une espèce en voie de disparition.
Faut-il le regretter ?
Je ne sais, mais ce que je sais c’est que leur cécité face aux évolutions de la société, de ses goûts, de ses modes de consommation, les a condamnés et que leur extinction n’attristera personne. Le consommateur fait sa pelote sans eux. C’est, là comme ailleurs, la destruction créatrice chère à Schumpeter. Pleurer, geindre, porter des fleurs et des couronnes sur ce si beau terroir d’un monde englouti, c’est cultiver le passéisme du c’était mieux avant.
Pour ma part je n’ai jamais voulu mettre les pieds dans leur galère, la seule fois où je m’y suis risqué c’est lorsque j’ai participé à la création des 5 du Vin. J’ai vite jeté l’éponge, ça ne m’allait pas et je dois avouer que je ne les suis plus ces 5, ce qu’ils écrivent est sans doute intéressant pour leurs lecteurs mais que je n’y trouve pas matière à réfléchir. Pour m’informer ou glaner des idées je puise en direct sur la Toile ce qui m’intéresse, je n’ai nul besoin de leur réchauffé bien besogneux.
Alors, oui, je chronique moins sur le vin parce qu’il n’y a pas que le vin dans ma vie et qu’une infime minorité de nos concitoyens sont des « connaisseurs » de vin. C’est ce que les gens du vin se refusent à comprendre, ils se prennent pour le nombril du monde alors, qu’en dehors des classiques marronniers : la récolte, les foires aux vins, le château bordelo racheté par les chinois ou le clos bourguignon arraché à la tradition par d’affreux prédateurs friqués…, le sujet vin n’intéresse guère les gros bataillons de consommateurs.
Le monde du vin est un fantastique miroir aux alouettes qui attire beaucoup de jeunes gens en mal de reconversion ou du choix d’un métier jugé passionnant, et sur la longue période de mon blog j’ai malheureusement constaté que beaucoup s’y sont cassés les dents.
Bref, le vin reste pour moi un sujet de grand intérêt mais enfourcher les mêmes haridelles que mes confrères, très peu pour moi !
Alors, étant en vacances éternelles, comme vous je respire, je mange, je bois, je dors, je lis, des livres, la presse, je baguenaude à vélo, je cuisine, je vais de temps en temps au restaurant, on m’invite, je rêvasse, j’aime, je vais au ciné, je nage, je consulte Face de Bouc sans participer aux empoignades des frustrés qui peuplent cet espace, je suis le fil Twitter pour me marrer avec des contributeurs dotés d’humour et pour contempler le bal des journalistes addicts qui se contemplent le nombril et celui plus triste encore des politiques spécialistes des hommages aux chers disparus.
Mes chroniques actuelles sont donc à l’image de ce tronçon de ma vie.
Je ne chasse pas le lecteur, qui m’aime me suive !
Ce qui m’étonne, chaque jour que Dieu fait, c’est que vous continuiez de me lire.
Le temps des commentaires sur les blogs est terminé, le bac à sable de Face de Bouc occupe celles et ceux qui veulent soit en découdre, soit faire du prosélytisme, ou pour faire court tenter de se donner l’illusion d’exister.
Alors pourquoi continuer ?
Parce que j’y trouve encore du plaisir…
C’est clair, c’est simple, lorsque la lassitude me gagnera je tirerai le rideau de fer et l’aventure prendra fin…