Je marche sur des œufs mes amis – depuis le fipronil, l’œuf est tendance rue de Varenne –, avec la furie qui règne sur les réseaux sociaux les épidermes sont de plus en plus sensibles et, comme les journalistes y sont très présents, la moindre petite égratignure prend une tournure d’atteinte à leur compétence, leur crédibilité, leur dignité, leur éthique…
Faut les comprendre, les temps sont durs pour eux, la presse en général, et celle du vin en particulier, vit des jours difficiles face à des huluberlus qui sévissent sur la Toile, des qui ne sont des experts estampillés, des dégustateurs patentés, des journalistes encartés. Foire d’empoigne ! Noms d’oiseaux, propos vachards, face de bouc et twitter mobilisent leur énergie pour draguer la maigre chalandise. Alors, pour survivre, la presse, plus encore que par le passé, fait la danse du ventre aux annonceurs, un impératif : leur plaire pour qu’ils délient les cordons de leur bourse.
Dans la presse du vin quelques pigistes survivent, les plus démerdards s’accrochent aux bouées de sauvetage, le cacheton d’expert, sur les fameuses chaînes en continue qui, toute la sainte journée, déversent leur bouillie pour les chats on se demande bien pour qui d’ailleurs.
Reste dans cet univers ravagé, pensez-donc B&D ont dû vendre des parts de leur petite crèmerie à Dassault, Le Point, qui, avec Dupont et Bompas, journalistes appointés à l’année, résiste à la sous-traitance des vendeurs-recycleurs, aux pigistes payés au lance-pierre, avec leur grand classique : le Spécial Vins.
Même si je le trouve un peu trop classique, moins poil à gratter que par le passé, c’est le temps qui passe qui émousse un peu la niac, c’est un expert qui vous le dit, ce monument historique a le grand mérite de perdurer.
Dans la dernière livraison, le Jacques Dupont ne s’invigne pas, il parle du bois, du bois de vigne et de ses tracas. C’est du sérieux que les grands chefs de la vigne France ont, pendant des années, négligé. À lire au coin du feu donc.
Comme je suis un fouineur, j’ai fouiné dans les 13 appellations au top pour chercher la petite bête. Et, bien sûr, je l’ai trouvée ! Je l’ai trouvée dans les petites appellations, 3 très exactement, et c’est Bompas qui s’y colle. Je dis ça, non pas pour mettre de l’huile sur le feu, car le Jacques est déjà passablement énervé par le tire-bouchon de la mère Buzyn, mais parce que j’ai envie d’égrener mes souvenirs sur les hommes qui ont marqué ces 3 appellations : André Dubosc pour la Gascogne, Jean-Louis Piton pour le Luberon et Antoine Arena pour Patrimonio.
Olivier Bompas conte le grand virage du vignoble du Gers du vin à brûler au petit vin blanc à boire au travers de la maison Grassa et son Tariquet. Pas sûr que l’André Dubosc, le fondateur de Plaimont, soit d’accord avec son analyse mais je ne vais pas « causer en ses lieu et place ».
L’homme au béret, je l’ai fréquenté lors d’une mission dans le Gers pour tenter de réconcilier deux conceptions de la production des 2 coopératives concurrentes, le vrac ou la bouteille… Têtu, passionné, travailleur, ferrailleur, gascon quoi, nous avons lui et moi longuement échangé, parfois au téléphone, sur les préconisations de mon rapport qu’il partageait.
J’aurais aimé qu’Olivier lui tira un grand coup de chapeau car les vins du Gers, lui doivent beaucoup. À l’image d’un André Valadier dans l’Aveyron pour le Laguiole, André Dubosc est de ces hommes qui ont contribué à ce que leur pays tienne le choc, vive. Les deux André leur vitalité, toujours intacte, mérite qu’on la salue avec respect.
Toujours fidèle au poste l’André Dubosc.
« Mercredi soir, dans le cadre de Jazz in Marciac, le Monastère accueillait la soirée partenaires de Plaimont Producteurs. L'occasion pour le groupe coopératif vigneron de dévoiler en avant-première le programme des vendanges de la Saint-Sylvestre, en présence des présidentes de l'association des Amis du pacherenc, Martine Levaux et Nadine Cauzette, et du président de la cave de Crouseilles Roland Podenas. En l'absence du président Joël Boueilh (sur le point de rentrer d'un voyage professionnel en Chine), ce sont Marie-Christine Dupuy, directrice du pôle financier, et André Dubosc, le fondateur de Plaimont, qui ont accueilli les invités, dans une ambiance conviviale, avant de les convier au magnifique concert donné par Dhafer Youssef et Chucho Valdès. »
Du côté du Luberon – prononcez be et pas bé, s’il vous plaît – Olivier a aussi oublié l’homme-orchestre de l’appellation avec son Union de coopératives de Marrenon, le Jean-Louis Piton. Dans le groupe stratégique qui pondit, suite à mon rapport, la note stratégique Cap 2010, il était le seul socialo de service. Ce petit exercice lui permit d’assouplir sa vulgate coopérative rigide. Il eut pu devenir président du comité vins de l’INAO mais les magouilles politiques de l’époque Le Maire le privèrent de cette reconnaissance. Le Foll, avant son départ lui a attribué la présidence de l’INAO tout court.
Je trouve qu’on l’entend peu, pas assez à mon goût, face à l’indigence du discours des grands chefs du vin, l’absolue nullité d’un Jérôme Despey, pur apparatchik de la FNSEA, qui n’a jamais vendu une goutte de vin. Le Jean-Louis, lui, a su donner à son groupe coopératif une impulsion commerciale qui mérite d’être soulignée. À force de laisser la médiocrité tenir le haut du pavé il ne faut pas s’étonner de l’absence de vision dans le monde du vin. Ce beau monde affiche une satisfaction qui va très vite se heurter au mur des réalités de la mondialisation.
Allez Jean-Louis, sors du bois, prends ta moto et plus que le Dubrule et le Gattaz, décoiffe le discours convenu de tes collègues amortis.
Reste la Corse, là où je réside en ce moment, au Sud certes, ce qui n’est pas du goût de l’Antoine Arena, le boss de Patrimonio.
Ouf, là l’ami Bompas tient la plume :
« Avec mon épouse, Marie, nous avons travaillé très tôt sur le parcellaire ; dans les salons, je goûtais les bourgognes et je me disais qu’on devrait faire la même chose ; ici, les différences entre parcelles sont flagrantes ! » s’enthousiasme Antoine Arena, figure emblématique du cru et précurseur au début des années 1980, du renouveau du vignoble de l’île. Ses vins ont toujours porté le nom des parcelles de vignes dont ils étaient issus, comme le fameux lieu-dit Carco, planté en 1987, qui donne blancs et rouges d’un équilibre et d’une fraîcheur remarquables, et d’une grande capacité de garde. Depuis le millésime 2014, Antoine Arena a amorcé le passage de relais à ses fils, Jean-Baptiste et Antoine-Marie : « Chacun a fait son choix parmi les différents lieux-dits, ça s’est mené en bonne intelligence, tient-il à préciser. Ce qui compte, c’est de maintenir l’esprit, je n’ai jamais été tellement interventionniste dans l’élaboration des vins, l’essentiel se passe dans la vigne. »