En 1978, débarquant dans mon nouvel emploi à l’Office des Vins de Table, créé par le gouvernement Chirac suite aux évènements de Montredon, j’ai découvert lors de la première réunion du comité de direction l’existence d’une division Bois et Plants de Vigne dirigé par un ingénieur agro le placide monsieur Guillot.
L’Office, outil éminemment politique, prenait la suite de L’Institut des Vins de Consommation Courante qui lui se contentait de faire de la technique. Choc culturel entre de vieux ingénieurs et de jeunes loups ne s’intéressant qu’à l’économie. Je découvrais moi un nouveau vocabulaire : sélection massale, clonage, greffés-soudés, taille Guyot… et la population des pépiniéristes divisée en deux syndicats rivaux : celui du nord dominé par les charentais et celui du sud entre les mains des vauclusiens.
En clair, les « histoires de bout de bois », dixit le directeur de l’époque, ne passionnaient pas grand monde et surtout pas l’INRA… Comme le dit François Dal dans son interview : « Au début de mes actions, il y a quinze ans, je faisais rigoler les gens ; mes collègues étaient sceptiques ; l’IFV, c’était pire, et les chercheurs de l’INRA riaient à gorge déployée. Les vignerons en revanche étaient très intéressés. »
LeRouge&leBlanc de ce mois se penche sur « les maladies du bois (qui) font des ravages dans la vigne française. Selon l’INRA, en 2012, elles touchaient 13% du vignoble. Et leur impact va croissant. »
Dans l’édito de ce numéro Sonia Lopez-Calleja, son premier, titre : Flavescence dorée, le phylloxéra du XXIe siècle, autre fléau qui frappe la vigne France.
Sa conclusion est édifiante « En France, après des années de négation d’une possible résistance de la vigne, sans y avoir travaillé, et de l’oubli des travaux d’Antoine Caudwell, l’INRA de Bordeaux a enfin initié un programme de recherches sur les résistances naturelles de la plante au phytoplasme et à son vecteur en serre à haut confinement. Ces études semblent indispensables, car comme le souligne François Dal, dans l’entretien qu’il nous a accordé, pour comprendre une pathologie il faut se confronter à la maladie. Espérons seulement que les années perdues à cause de l’obligation d’arrachage, y compris dans le cadre de recherches, n’aggraveront pas l’extension de la flavescence dorée. »
Extraits de l’interview de François Dal :
R&B : Quelles maladies recouvre le terme « maladies du bois » ?
F.D : L’esca principalement. Il y a un débat pour savoir si l’esca et le BDA (Black Dead Arm) sont deux maladies différentes ou la même. Pour moi, c’est un faux débat : ce sont deux expressions légèrement différentes de la même problématique. Il y a aussi l’eutypiose qui a un aspect différent de l’esca avec un feuillage rabougri. Mais le champignon déclencheur est un des champignons « pionniers » de l’esca. D’après Philippe Larignon de l’IFV de Nîmes, qui a beaucoup travaillé sur les champignons, certains d’entre eux sont des « pionniers » ; ils sont ensuite surcontaminés par des champignons secondaires qui, eux, provoquent les symptômes. Parmi ces champignons pionniers, il y a le champignon responsable de l’eutypiose.
R&B : Des vignes atteintes d’eutypiose sont donc condamnées à souffrir de l’esca ?
F.D : Si elles expriment les symptômes de l’eutypiose, en général, elles n’ont pas d’esca… car elles meurent avant. À l’époque où l’arséniate de soude était autorisé, ce produit était efficace contre les champignons de l’esca, donc nous n’avions pas d’esca… Mais il n’était pas efficace contre « eutypa lata », le champignon de l’eutypiose, donc nous avions beaucoup d’eutypiose. Depuis qu’on n’en met plus, on a plus d’eutypiose mais on a de l’esca. Je pense qu’à l’époque, l’eutypiose s’installait avec un ou deux champignons secondaires. L’arséniate détruisait les champignons secondaires et ne laissait que l’eutypiose, qui finissait par s’exprimer. Désormais, on a une « surexpression » du champignon secondaire, plus rapide, qui provoque l’esca. Si l’on remettait de l’arséniate, il est probable que l’on bloquerait les symptômes de l’esca, mais que l’on retrouverait l’eutypiose.
R&B : Avez-vous noté des corrélations entre les pratiques agricoles et la propagation des maladies ?
F.D : Oui, mais uniquement si l’on considère l’angle des réserves. La culture bio est une pratique presque trop jeune pour en étudier les répercussions, puisque son explosion ne date que d’une quinzaine d’années. Quand je suis arrivé à Sancerre, il n’y avait qu’un vigneron bio, maintenant nous en sommes à près de 15% des surfaces malgré le climat très difficile des dernières années. Je suis convaincu qu’avec un bon travail en bio, des sols qui fonctionnent bien, on améliore la résistance aux maladies. Par contre, un des problèmes, surtout chez les jeunes convertis, est que, pour éviter le mildiou, redoutable dans nos régions, on enherbe et on baisse la vigueur, avec pour résultat d’affaiblir la plante. On constate alors des taux d’esca importants. Si on fait attention à maintenir une vigueur correcte, des sols en équilibre et à pratiquer des tailles correctes, il y a peu d’esca. Une parcelle que je connais très bien, menée de cette manière a très peu d’esca après quinze ans, alors que deux autres plantées le même jour, avec le même lot de greffés-soudés, sont touchées à plus de 15%.
Ce ne sont que de courts extraits d’une interview très dense où je n’ai pas tout compris mais ce que j’ai compris, au sens de l’histoire c’est que :
- Primo : Les représentants de la fabrication d’équivalents Rafale se sont mobilisés contre la loi Evin alors que sur ces sujets ce fut le grand aveuglement ou peutêtre la croyance que que tout ça se règlerait par le progrès des thérapies violentes.
- Secundo : Les grands nez, ceux qui ne l’ont que dans le verre, les grands amateurs, les « critiques » patentés grattant dans la presse papier spécialisée ne se sont jamais intéressés à ces « détails » vulgaires d’intendance.
- Tercio : La puissance publique, via à la fois les politiques, son administration, sa recherche s’est contentée d’entonner des chants de victoire, qui font tant plaisir aux chefs de la vigne France, sans se préoccuper des questions essentielles.
Et maintenant face aux périls que faire ?
Réciter la cigale et la fourmi…