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10 août 2017 4 10 /08 /août /2017 06:00
Le chai du château d’Ô, saint-émilion grand cru classé A, était plein de corps étrangers (4)

(4) « après le succès planétaire de mon dernier opus, j’ai pris une année sabbatique dans un monastère au Népal »

 

Le VIIe arrondissement, c’est la quintessence des gens bien comme il faut qui ont élu, Edouard Frédéric Dupont de 1936 (95% de voix) à 1993, député de la plus belle circonscription de Paris. Maire de l'arrondissement depuis la réforme de 1983 jusqu’en 1995, surnommé Dupont des loges (en référence aux concierges ses plus fidèles alliées dans la chasse aux électeurs) son parcours politique est très représentatif d’une certaine Droite française (pétainiste mais pas collaborationniste, colonialiste mais gaulliste, proche du FN sans s’y agréger…). Maintenant y z’ont Rachida et y z’ont échappé à NKM.

 

La rue de Bourgogne est névralgique. En dépit de son étroitesse et de son sens unique elle irrigue les allées du pouvoir en reliant la place du Palais Bourbon : l’Assemblée Nationale à la rue de Varenne : l’hôtel de Matignon, l’hôtel de Villeroy : Ministère de l’Agriculture et d’autres hôtels abritant des ministères de moindre importance. Elle coupe les rues Saint Dominique : Ministère de la Défense, de Grenelle : Education Nationale, Industrie, Travail… Elle est stratégique donc cernée par des rues truffées de types qui passent leur temps enfermés dans des cars à jouer à la belotte ou à écouter de la musique sur leurs Smartphones dans des tenues très seyantes qui les font ressembler aux robots des jeux vidéo.

 

Cerise sur le gâteau, à l’angle de Varenne, est sis l’Arpège d’Alain Passard le nouveau roi des rutabagas et des topinambours.

 

Autrefois on trouvait de tout rue de Bourgogne ! De quoi se nourrir : boucher, épiciers, marchand de fruits et légumes, boulanger-pâtissier avec une mention spéciale à la maison Pradier qui a absorbé la maison Rollet (même dans le petit commerce la concentration ça existe ; on pouvait y trouver des fleurs chez le très classe Moulié ; on pouvait se faire couper les tifs chez Michel Caro avec sa vitrine signée PIEM ; on pouvait prendre son petit noir au Voltigeur ou au bar tabac l’Assemblée ; on pouvait y acheter son journal ou ses magazines chez le marchand ad hoc ou des livres au Dauphin ; on pouvait nettoyer son linge au pressing ; on pouvait se restaurer bien sûr : le Lotus Blanc pour les midinettes des Ministères, le Sac à dos pour les ingénieurs du Génie Rural des Eaux et des Forêts, les Glénan pour les invitations des membres du cabinet ; on pouvait se cultiver dans les galeries de peinture ; on pouvait acheter des meubles chics ; on pouvait chiner chez des antiquaires ; on pouvait dormir  à l’hôtel Bourgogne&Montana et à l’hôtel du Palais Bourbon ; retirer de l’argent à la Société Générale ; acheter des médicaments dans les 2 pharmacies; y rêver au Club des Poètes

 

L’agence sentait le pognon à plein tarin, je faillis être englouti comme dans des sables mouvants par la moquette de haute laine du bureau du gérant, un type qui ressemblait au Rastapopoulos de Tintin, le monocle en moins. Mobilier contemporain glacial comme une banquise, tableaux minimalistes au mur, boutons de manchettes perle de culture, costards trois pièces noir à fines rayures tennis, Richelieu black luisante sur chaussettes rouge Fillon, je déparais. L’empocheur de commission n’en laissa rien paraître, debout derrière son bureau, il me salua en m’indiquant d’un geste élégant que je pouvais poser mes grosses fesses sur l’un de ses fauteuils, puis, toujours aussi urbain m’interrogea sur le pourquoi de ma visite. En quelques phrases je lui fis part de mon désir de monter en gamme. Ce langage bien marqueté lui tira un léger sourire. Pour sûr je l’intriguais avec mon allure baba-cool à la Big Lebowski, catogan, chemise indienne, saroual, pieds-nus dans des sabots suédois et, bien sûr, fragrances de restes de combustion intensive de chichon. Que venais faire dans sa belle galère un individu de mon espèce ? En termes choisis il tenta de me faire comprendre que sa chalandise chalutait en des eaux où l’on ne rencontrait guère des petits poissons.

 

Dans une autre configuration j’aurais utilisé la manière forte, joué le tout pour le tout : de mon baise-en-ville en macramé, survivance de ma période de beaufitude, j’aurais extirpé une enveloppe que j’aurais déposé, l’air de rien, à portée de ses belles mains aux ongles manucurés, et, sans lui laisser le temps de réagir, je lui aurais balancé d’un air  détaché en me levant brusquement : « où est-ce  que je peux pisser ? » Avec le pot-de-vin, le bakchich, faut toujours ménager les susceptibilités, prendre en compte les mines de vierge effarouchée, la morale, la déontologie, le dessous de table ça se palpe dans la discrétion. Certes tout homme est achetable, ce n’est qu’une question de prix, mais il ne faut jamais insulter l’avenir.

 

Là je la jouai people en lui plaçant d’un air dégagé « après le succès planétaire de mon dernier opus, j’ai pris une année sabbatique dans un monastère au Népal » en lui tendant l’état de ma fortune attestée par miss galipettes ma banquière Le bourgeois du VIIe, qui va à la messe à Sainte Clotilde, donne au denier du culte et à la quête, a autant de flair de l’épagneul breton qui l’accompagne à la chasse, lorsqu’on lui présente les stigmates de la bonne et palpable fraîche, il tombe en arrêt. De courtois il passa à obséquieux. Nous fîmes rapidement affaire, un 180 m2, dernier étage donnant sur le Champ de Mars, rue Charles Floquet, que je visitai en le visionnant sur le grand écran d’un home-cinéma. Il me fit signer une chiée de papiers, me tendit un trousseau de clés et me raccompagna en me donnant de petites tapes sur l’épaule comme si nous avions gardé les vaches ensemble. Sa collaboratrice, très bon chic bon genre, collier de perles sur chemisier blanc col claudine, jupe droite bleue marine, cheveux tirés en chignon, n’en revenait pas. Mes démons refoulés furent à deux doigts de resurgir, je faillis balancer à mon nouvel obligé de la joindre à mon bail mais le pauvre petit sourire mélancolique qu’elle affichait me ramena à la raison. Rastapopoulos ne devant pas être un as de la chose, je ne voulais pas ajouter à son malheur.

 

Clés en poche qu’allais-je faire ?

 

Je me tâtai, façon de parler, par quel bout commencer ? Mon Raymond Poulidor, attaché à un poteau de stationnement interdit, m’attendait. Dans ma petite Ford d’intérieur je me marrais « si Rastapopoulos m’avait vu arriver en un tel équipage, pas sûr qu’il m’ait reçu ? »  Sur le trottoir, après avoir fait quelques pas, je me retrouvai nez à nez avec une grande Psyché qui trônait dans la vitrine d’un antiquaire. Le choc ! J’ai marmonné « Pute borgne, t’es vraiment pas présentable… » Furax, mais déterminé, je me suis mis de suite en chasse : « commencer par le haut, les tifs ! ». Où aller ? Je n’avais pas la queue d’une idée vu que jusqu’ici c’était mes nanas qui me les rafraîchissaient. J’ai détaché ma monture, l’ai enjambé pour remonter la rue de Bourgogne jusqu’à la rue de Varenne, là j’ai viré à gauche, suis passé devant Matignon, arrivé au boulevard Raspail j’ai hésité, et puis je me suis souvenu que, lors d’une filature, celle d’un vieux sénateur libidineux, j’avais stationné devant un salon de coiffure en faisant semblant de consulter les tarifs affichés. Bon plan, se payer une coupe à 90 euros entrait à merveille dans ma nouvelle vie ! Je rattrapai le boulevard Saint-Germain par la rue du Four afin de remonter la rue de Tournon.

 

Suis rentré chez Massato.

 

à suivre...

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