(30) le journal d’une nonne de campagne by Adelphine Sarrazin dernier épisode À Saint-Émilion, hormis nos gorges profondes qui sont des tombes, les langues de putes ignoraient les déboires du propriétaire du château d’Ô
Bloqué à Paris, Aadvark rongeait son frein, il déprimait. La perspective funeste qu’éclata un scandale lui faisait craindre une chute vertigineuse de sa notoriété, l’effondrement de son plantureux chiffre d’affaires, et surtout qu’il soit la risée de ses pairs qui aujourd’hui l’encensaient. Nous le rassurions en lui disant que son dossier était classé sensible, c’était une affaire d’État, et que les éventuelles galipettes d’Agrippine avec un beau Serbe étaient le cadet de nos soucis. Toute l’affaire, une fois réglée, serait classée « Secret Défense »
À Saint-Émilion, hormis nos gorges profondes qui sont des tombes, les langues de putes ignoraient les déboires du propriétaire du château d’Ô. Ce calme relatif pouvait préfigurer la tempête, il nous fallait amuser la galerie.
La lumière vint de Rosa, qui venait de dévorer le livre de Saporta.
« Nous allons publier un communiqué de presse ! »
- Et qu’est-ce qu’il va dire ton communiqué de presse pimprenelle ? ironisa Tarpon.
- Qu’Agrippine a pris du champ, qu’elle fait une retraite spirituelle dans une abbaye cistercienne… pour se ressourcer et aider le château d’Ô à retrouver ses valeurs originelles…
- Pas con ta manip… Marie aimait.
- Je veux bien mais en plein mois d’août ça va faire un flop. Tarpon ronchon.
- Tu te trompes les médias n’ont rien à se mettre sous la dent. Ce sont des petits jeunes qui tiennent les permanences, nous allons accompagner notre petit communiqué de presse d’un superbe voyage de presse au château d’Ô.
- Je reste sceptique. Tarpon narquois.
- Sauf que le thème du voyage de presse sera le réchauffement climatique, le grand virage du château d’Ô.
- Et il consistera en quoi ce grand virage Rosa ?
- Conversion en biodynamie, longue marche vers le vin nature, introduction du cheval, reniement des 10 commandements de Parker…
- Et tu vas faire avaler ça à Aadvark… Tarpon ébranlé.
- Tu crois que je vais lui demander son avis, on va faire ça à l’arrache.
- Banzaï ! Marie aux anges.
Branle-bas de combat, Adelphine fut chargée d’enfumer Aadvark en lui vendant les modalités du voyage de presse : avion spécial, visite du vignoble et du chai du château d’Ô, déjeuner au Logis de la Caserne, caisse bois de 12 flacons de la maison. Sans bien sûr lui préciser son contenu. Et tout ça sans qu’il allonge un rond. La maison Tarpon prenant l’opération à sa charge en l’inscrivant dans ses frais généraux.
Aadvark s’inquiéta « mais pourquoi tout ça ? »
- Pour faire diversion…
- Auprès de qui ?
- De ceux qui gardent Agrippine en otage.
- En otage, mais elle est en danger…
- Otage c’est vite dit, j’ai dit ça pour pas vous faire de peine, l’autre hypothèse moins glorieuse pour vous c’est qu’Arkan Jr l’ait mis au frais.
Ébranlé Aadvark accepta de jouer le jeu.
L’Airbus A 320 était plein. L’opération de communication fut un grand succès médiatique. Abasourdi Aadvark, à la réflexion s’était dit, que tout compte fait ça allait faire grimper plus encore la valeur du château d’Ô.
Fataliste il grommelait dans l’avion à Adelphine « Paris vaut bien une messe… »
Les choses sérieuses allaient pouvoir commencer Tarpon et Marie allait confesser Arkan Jr, pas sûr qu’il obtienne l’absolution.