(22) Lulu dit « Sarkozy dit qu’il s’emmerde… nous devrions l’embaucher…»
Les Arkan boys s’étaient déployés autour de la rue Charles Floquet, ignorants qu’ils étaient que le poulailler était vide. Nos yakusas roulèrent des mécaniques sous leur nez avant que, depuis son smartphone, Arkan Jr leur annonce sa capture. Les mouches venaient de changer d’âne, comme aimait à le dire Thierry Rolland. Ils battirent en retraite tels des vautours déçus de devoir abandonner leur pitance.
Que faire d’ici le rendez-vous de ce soir au 36 quai des Orfèvres ?
Nous phosphorâmes tout en consommant des bolées de thé vert, boisson chère à ma couvée de filles. Lénine se pavanait entre nous, se frottant, se léchant, prenant des pauses indécentes, ce qui fit dire à Adelphine que les mâles dominants étaient tous les mêmes, ils ne pensaient qu’au cul. Tintin au Congo reprit « au cul, au cul, au cul… »
Lulu dit « Sarkozy dit qu’il s’emmerde… nous devrions l’embaucher…»
Nous rîmes de bon cœur.
Rosa, qui se badigeonnait les ongles de pieds en bleu, avec son petit air de sainte nitouche, sur le ton de la confidence nous confia « mon père était syndiqué à FO, qu’il continuait à appeler CGT-FO car il était de la tendance hébertiste, et il citait souvent André Bergeron, le boss dont le slogan-culte était « il faut toujours du grain à moudre… »
Elle enchaînait, si vous voulez que ces messieurs de ce soir vous prennent au sérieux, vous lâchent les baskets, il faut que vous leur apportiez du grain à moudre.
Nous acquiesçâmes.
Pour les ignares qui sont légion :
Alexandre Hébert fut durant quatre décennies l'âme de la CGT-Force ouvrière de la Loire-Atlantique, et l’une des figures centrales du mouvement ouvrier du département depuis l’après-guerre. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ce personnage énigmatique et sulfureux.
Pour certains, « Alex », c'était « la dernière figure historique du mouvement anarchiste », un tribun à la voix tonitruante, un intellectuel ouvrier comme le mouvement syndical n’en produit plus. Pour d'autres, Hébert était, au choix, un bureaucrate syndical aux pratiques douteuses, un « trotskyste lambertiste déguisé en libertaire », un manœuvrier, voire même un « flic » ou un « crypto-fasciste ». Si on mesurait l'importance politique et sociale d'un homme à la multiplicité des portraits paradoxaux que peuvent en faire ses amis et ennemis, Alexandre Hébert serait alors, pour la Loire-Atlantique, l'un des personnages centraux de l'après-guerre !
Lui, l’anar franc-maçon et libre-penseur, était lié à Pierre Boussel-Lambert, incontournable dirigeant de l’une des tendances du trotskysme hexagonal et syndicaliste à FO. Trotskyste, Hébert ? Oui, répondent les uns. Lui se dit simple « compagnon de route » et explique que c’est son amitié avec Pierre Boussel-Lambert qui fît qu’il participa aux réunions du bureau politique, nanti comme tous les autres d’un pseudo, comme le veut la coutume révolutionnaire.
« Quel grain pourrions-nous moudre les amis ? Tout bêtement celui qui est à notre disposition entre nos mains. Et qu’est-ce qui est entre nos mains ? Arkan Jr ! Nous allions, de suite, lui faire une proposition ferme et irrévocable : s’il nous donnait de suite, le ou les coordonnées de ses commanditaires, pour que nous puissions engager avec eux, entre gens du même monde, une franche négociation, nous le libérerions dès que le rendez-vous pris avec eux se traduirait par une rencontre en bonne et due forme en terrain neutre. Sinon, il finira sa belle vie dans un bloc de béton.
- Oh ! là, là, comme tu y vas Marie… s’exclama Adelphine
- Suis désolée ma belle mais avec cette engeance nous n’avons pas d’autre choix que celui qu’ils sont prêt à nous appliquer. Rassures-toi, s’il ne cale pas nous nous retirerons de l’affaire et nous le remettrons entre les mains de nos amis de la police qui en feront ce qu’ils voudront bien en faire.
- Tu crois qu’il va céder, c’est un dur à cuire ? s’inquiéta une Adelphine rassérénée.
- Je le pense, le petit traitement que nous avons administré hier au soir à ses troupes va sûrement lui attendrir le cuir et être entre les mains de yakusas ça le faire vraiment réfléchir.
C’était Tarpon qui venait d’intervenir. « J’appelle Lucette Durand pour qu’elle joue les petits télégraphistes… »
Nous nous étonnions nous-mêmes de notre créativité.
Adelphine à peine remise de ses émotions posa la question qui fâche : « Mais pourquoi personne ne s’intéresse à la disparition de Touron ?
- Parce que tout le monde se fout de Touron !
- Tarpon, il est peut-être coulé dans un bloc de béton…
- Ça m’étonnerais, ce serait gâcher du béton pour pas grand-chose.
- Mais si ce n’est que de la roupie de sansonnet pourquoi l’avoir enlevé ?
- Rien n’indique qu’il ait été enlevé. Il a disparu. D’ailleurs choupinette puisque la gendarmerie de Libourne a ouvert une enquête tu devrais faire du charme aux pandores pour savoir où ils en sont…
- Tu es dure avec moi Tarpon mais je vais me mettre sur les traces de Touron.
Rosa qui en avait fini avec ses ongles de pied avant de s’attaquer à ceux de ses mains demanda « il est comment ce Touron ? »
- C’est un pervers polymorphe, une couille molle, un aboyeur planqué…
- Monsieur Tarpon vous l’habillez pour l’hiver ce pauvre garçon.
- Pour ne rien te cacher j’ai ma petite idée sur sa disparition mais je la garde pour moi c’est plus jouissif !