Nous avons la mémoire courte, l’attaque de la gare de Bologne faisait suite à une série d’évènements visant à la déstabilisation du pouvoir de la démocratie italienne, stratégie de la tension (attentat de la Piazza Fontana en 1969, enlèvement et assassinat du Président du Conseil Aldo Moro en 1978) mais le massacre de Bologne est le point d’orgue de l’horreur car des civils innocents payèrent de leur vie pour des desseins politiques.
En ce 2 Août 1980, le ciel est au beau fixe, une atmosphère de vacances flotte à la gare de Bologne, plaque tournante du trafic ferroviaire pour les villégiatures sur la Riviera Adriatique. En effet, les vacances débutent dans la péninsule Italienne. Dans ce climat d’insouciance, personne ne se doute qu’un drame terrible va se dérouler. Dans la salle d’attente des 2e classe, une valise contenant un engin explosif composé de TNT, de T4 et de Compound B est placé sous une banquette sans que personne ne s’en aperçoive.
À 10h25, une violente déflagration secoue le bâtiment et détruit pratiquement tout l’édifice, le toit s’est effondré, et le train Ancona-Chiasso-Bâle qui attendait à quai est soufflé et partiellement détruit à cause de l’onde de choc.
En un instant, tout bascule dans le sordide, les survivants et les blessés plus ou moins graves, victimes d’éclats de verre et autres s’extraient tant bien que mal des décombres fumantes, la panique s’installe et un silence de plomb recouvre la station de Bologne.
Rosetta Loy dans son livre L’Italie entre chien et loup au Seuil :
« C’est l’attentat qui a fait le plus de victimes : des jeunes portant un sac à dos, des familles entières qui, par cette matinée de grande chaleur, allaient monter dans le train qui devait les mener à leur lieu de villégiature. Je laisse ici la parole à Enrico Deaglio qui raconte ainsi les faits :
« Un garçon et une fille très jeunes, qui ressemblent par leur aspect et leur façon de s’habiller à des touristes allemands, entrent dans la salle d’attente des secondes classes, envahie de monde, avec un gros bagage en cuir à roulettes mécaniques. Ils le posent sur l’étagère porte-bagages à cinquante centimètres du sol. Dans le sac de voyage se trouvent environ vingt-cinq kilos de gélatine explosive de type industriel, liée à un mélange chimique de fabrication artisanale. Le couple s’éloigne, il est environ 10 heures du matin. »
Quelques heures plus tard, un premier appel téléphonique anonyme, suivi d’un second revendiquent l’attentat. au nom des NAR (Nuclei Armati Rivoluzionari ou Noyaux Armés Révolutionnaires), groupuscule terroriste d’obédience néo-fasciste, actif depuis Octobre 1977, ayant des connexions avec La Bande De La Magliana, financé par des hold-up et fondé par Valerio Fioravanti ex jeune espoir du cinéma italien. On apprendra par la suite que les Brigades Rouges ont aidé financièrement les NAR pour préparer l’attentat.
« Ivano Paolini, responsable des chantiers de la municipalité de Bologne, entend l’explosion, saute sur sa Vespa. Devant la gare, un épais nuage de poussière ne se décide pas à retomber, il est presque impossible de respirer. Il prend spontanément le commandement des opérations, appelle les camions-citernes des pompiers pour dissiper la poussière, donne des instructions aux porteurs, à la police ferroviaires et aux chauffeurs de taxi. Il commence à dégager les gravats.
« Agide Meloni est le chauffeur du bus de la ligne 37. Il le dévie vers l’esplanade de la gare et le transforme en chapelle ardente. Les fenêtres sont recouvertes de draps blancs. On dispose et on tente de reconstituer les cadavres que l’on a extraits des décombres. Cette procédure se révèle décisive pour accélérer les secours. »
En 1981, 1 an après les faits, Le général Pietro Musumeci, n°2 du SISMI (Servizio per leinformazioni e la sicurezza militare) ancien nom des services secrets militaires italiens, est accusé de falsification de preuves pour avoir chargé à tort 2 leaders d’extrême droite appartenant au groupe Terza Posizione, alors en exil en Angleterre Gabriele Adinolfi et Roberto Fiore. Le dossier restera ouvert pendant 15 ans, grâce à la persévérance des familles des victimes, ce qui permettra au procès d’aller à son terme.
Le 23 Novembre 1995, les sentences prononcées par la cour de cassation de Bologne sont les suivantes :
- Condamnation à perpétuité pour les exécuteurs de l’attentat (Valerio Fioravanti et Francesca Mambro qui continuent à clamer leur innocence) mais situation ubuesque, Fioravanti est libre depuis Avril 2009 et Mambro, actuellement en liberté conditionnelle, sera libre fin 2013.
- Condamnation pour obstruction à l’enquête pour Licio Gelli (grand chef de la loge maçonnique P2), Francesco Pazienza, Pietro Musumeci et Giuseppe Belmonte du SISMI.
Notons que de nouvelles peines sont instaurées par la cour d’assises de Bologne en juin 2000 :
- 9 ans de prison pour Massimo Carminati « Er Nazista » (militant des NAR et allié de la Bande De La Magliana). Ce dernier est en cavale après s’être échappé du dépôt du Tribunal de Rome en 1999
- 4 ans et demi pour Federigo Mannuci Benincasa et Ivano Bongiovanni
« Années de plomb »
Pour comprendre cette imbrication entre militants d’extrême droite et services secrets, il faut remonter aux années 1970 et à la période dite des « années de plomb ». Alors que les assassinats attribués à l’extrême gauche se multiplient, l’extrême droite, en partie téléguidée par les membres dévoyés de l’armée ou de la police qui rêvaient d’installer un régime fort en Italie pour la mettre à l’abri du « péril communiste », se lance dans une série d’attentats terroristes. On lui attribue celui de la piazza Fontana à Milan en 1969, celui à bord du train Italicus en 1974 et, le plus meurtrier de tous, celui contre la gare de Bologne en 1980 (85 morts). Les vrais coupables ne furent jamais identifiés.
C’est à l’aune de ces échecs judiciaires et des méandres des diverses enquêtes, qu’il faut apprécier la sentence du tribunal d’appel de Milan. « Elle est historique parce que jamais jusqu’à présent on n’avait été aussi clair à désigner la responsabilité d’Ordre nouveau et des services secrets dans les attentats de cette période », écrit le quotidien La Stampa du 23 juillet. « Quarante et un ans ne sont pas passés en vain, renchérit, dans La Repubblica, Benedetta Tobaggi, dont le père fut assassiné par l’extrême gauche en 1981. Sisyphe peut se reposer. »
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