L’état de grâce a duré encore moins longtemps que pour ses prédécesseurs, le résultat de mesures annoncées sans préavis.
En s’installant à l’Élysée, Emmanuel Macron savait que la durée de « l’état de grâce » dont bénéficie un nouveau président a tendance à rétrécir comme la banquise sous l’effet du CO2. Mais il n’avait certainement pas anticipé une fonte aussi rapide.
En ce milieu d’été, les baromètres se suivent et se ressemblent pour le président, avec des reculs de 10 à 7 points selon les instituts. Le dernier publié ce jeudi par YouGov pour le Huffington Post et Cnews le fait chuter de 43 % d’opinions favorables à 36 %. Son Premier ministre est à peine mieux loti avec 37 % d’opinions favorables. Il faut remonter à 1995 et les premiers mois de Jacques Chirac à l’Élysée pour retrouver pareille glissade sur fond de « fracture sociale » délaissée pour plus de rigueur budgétaire…
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C’est grave, docteur?
Oui, l’issue est malheureusement fatale. Un président de la République ne se remet pas d’une impopularité structurelle.
Voici ce que dit d’elle Éric Dupin ?
Il peut certes se permettre d’irriter, pour un moment, son peuple. Touché par la grève des mineurs, le général de Gaulle a ainsi enduré une dépression sondagière au printemps 1963. Et il s’est vite rétabli.
Toute autre est la situation du chef de l’Etat lorsqu’il se trouve aux prises avec un mécontentement populaire profond et prolongé.
Or l’expérience historique montre qu’il est impossible de sortir du gouffre d’une forte impopularité. La petite mort politique —c’est-à-dire la perte du pouvoir consécutive à une défaite électorale— en est une conséquence obligée.
Valéry Giscard d’Estaing a été battu en 1981 alors qu’il n’avait basculé dans la défaveur publique qu’en fin de septennat. Victime d’un mécontentement populaire régulier depuis le virage de la «rigueur» en 1983, Mitterrand a perdu les législatives de 1986.
L’histoire s’est répétée lors de son deuxième septennat. La séquence de lourde impopularité entamée en 1991 s’est conclue par la spectaculaire défaite législative de la gauche en 1993.
L’implacable règle s’est encore vérifiée avec les deux derniers chefs de l’Etat. Ayant perdu l’oreille du peuple dès l’hiver 1995, Jacques Chirac a vu ses adversaires l’emporter aux législatives de 1997. Quant à Nicolas Sarkozy, sa défaite de 2012 était inscrite dans la logique de l’impopularité persistante qui a marqué la presque totalité de son quinquennat.
Le charme rompu
Comment expliquer l’impossibilité, constatée jusqu’à ce jour, de renouer avec l’électorat après une longue phase de mécontentement? Une première raison tient sans doute à des facteurs de psychologie collective. Dans notre système de monarchie élective, le président de la République concentre sur sa personne des attentes et des espérances telles qu’un retournement de perception est toujours très dangereux.
Le sacre du suffrage universel célèbre un candidat qui a réussi à communier avec l’humeur du pays. Dès lors que le charme vient à se rompre, la rancœur populaire s’installe et s’enracine.
Macron et le bon usage de l’impopularité par Rémi Godeau
« On ne doit pas se plier à cette dictature d’être aimé. » C’est un expert patenté qui parle, François Hollande. Ce conseil stoïcien ira droit au cœur de son successeur Emmanuel Macron : deux mois de pouvoir à peine, et le Président dévisse dans les sondages davantage encore que son anti-modèle… Après tout, gouverner, c’est mécontenter. Mais ce principe ne saurait suffire. Car comme pour la dette ou le cholestérol, la mauvaise impopularité côtoie la bonne. La première se nourrit du reniement, de la procrastination, de l’artifice et du déni ; la seconde du courage, de la responsabilité, de l’effort et de la vérité.
Parce que la confiance reste l’élément clé du redressement et le crédit populaire le facteur essentiel de l’action, le Président doit ainsi prendre garde de ne pas mélanger le bon grain à l’ivraie. La refonte de l’ISF, la simplification du droit du travail et la hausse de la CSG alliée à l’allégement des cotisations, annoncées, préparées et expliquées, relèvent de cette audace créatrice, à court terme source de grogne mais à l’avenir porteuse de croissance et d’emploi. Les tergiversations sur la taxe d’habitation, l’acte d’autoritarisme mal interprété dans l’affaire Villiers ou la réduction surprise des APL entretiennent au contraire ce ressentiment mâtiné d’incompréhension qui a longtemps mené nos dirigeants dans l’impasse.
Sans doute les Français ont-ils pris au mot le chef de l’Etat : à défaut d’être réformable, la France est transformable. Or pour trop fleurer la vieille politique, les coups de rabot, une vision purement budgétaire ou encore une précipitation sans méthode dans la politique annoncée sont à l’opposé de cette révolution promise. Au risque de devenir impopulaire pour rien.
Eloge de l'impopularité Jacques Attali
« Fallait-il préférer le populaire Chamberlain ou l’impopulaire Churchill? Le populaire Berlusconi ou l’impopulaire Monti? Le populaire Poincaré ou l’impopulaire Clemenceau? Faut-il être aujourd’hui populaire comme les gouvernements qui réduisent les impôts et augmentent les dépenses publiques, ou impopulaires comme les rares qui s’efforcent de faire l’inverse ? »
Et dans la France d’aujourd’hui? Faut-il dénoncer l’impopularité du Président? Faut-il lui recommander de tout faire pour faire grimper ses sondages? Ou faut-il au contraire lui conseiller d’avoir le courage de ne pas s’en occuper pour conduire les réformes dont le pays a besoin? Faut-il lui recommander de ne toucher à rien, de laisser filer les déficits pour créer des emplois artificiels? Ou d’assumer l’impopularité, si elle est le prix à payer pour réduire les déficits, casser les rentes? On en jugera bientôt avec le budget 2014, la réforme de la formation permanente et celle de la sécurité sociale, pour ne parler que des chantiers les plus urgents.
Bien sûr, il n’y aurait rien de pire que d’être impopulaire pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire décevoir sans réformer. Ou d’être impopulaire parce qu’on explique mal son action. Sans doute, aurait-il fallu beaucoup mieux expliquer la position prise sur la Syrie, que j’ai approuvée, et ne pas laisser se multiplier les contradictions sur les objectifs fiscaux.
Il n’empêche: dans un pays en si grande difficulté, ne pas chercher à tout prix à être populaire est la seule attitude digne. L’impopularité est une bonne nouvelle. Et, accessoirement, dans un pays si frondeur, c’est même la seule façon d’espérer gagner les élections.
Je ne pense pas que pour l’heure l’impopularité de Macron soit structurelle mais l’impréparation et la faiblesse de beaucoup de ses Ministres vont lui compliquer la tâche.
Va-t-il rebondir ?
Je ne sais !
Avec lui tout semble toujours possible et ne vaut-il pas mieux faire avaler dès les premiers jours les pilules amères, pas d’élections avant deux ans, pour se réserver les bonnes nouvelles au cœur du quinquennat.