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28 juillet 2017 5 28 /07 /juillet /2017 06:00
Le feuilleton de l’été : l’histoire œnologique de la côte bourguignonne (10) L’œnologie doit être d’abord l’étude historique d’un genre.

L’œnologue-historien ne peut se contenter de scruter la mosaïque indéchiffrable de crus innombrables et tous différents. Il doit connaître le mieux possible le parcours de la qualité d’un genre particulier, fuyant ainsi le mirage d’une histoire du grand cru « parcellisée » à l’infini. L’histoire des genres bourguignons successifs ne put être comprise par l’accumulation des études consacrées à ses principales dénominations, ni par l’analyse de la géologie du sol qui les porte.

 

On perçoit mieux la place prééminente qu’occupe l’œnologie dans la définition de la qualité, en élevant le débat au-dessus du cadastre viticole. Propre à la Bourgogne, elle repose donc sur une base très large, qui est à la fois celle d’un terroir particulier mais aussi des genres qui y furent élaborés. Des influences diverses, harmonieusement synthétisées, ont modelé une œnologie dont la supériorité est prouvée par d’innombrables documents historiques. Le grand vin est le couronnement de cette vaste entreprise, occasion rare et précieuse qui a trouvé ici, plus qu’ailleurs sans doute, son total accomplissement. La prééminence de ces meilleures réussites n’annule aucune des ressemblances qui existent entre le grand vin et d’autres crus moins hauts situés dans la hiérarchie. C’est grâce à la confrontation constante de leurs mérites respectifs que certains crus se situent à leur juste place dans la constellation des diverses composantes d’un même genre, dont ils occupent le sommet, mais ne détiennent jamais l’exclusivité.

 

Pour qui veut pénétrer le mystère des genres qui coexistent dans le vignoble, il est nécessaire d’utiliser toute la documentation disponible, actuellement dispersée dans divers secteurs de la connaissance. Car les critères de qualité qui permettent d’apprécier les vins d’autrefois existent bel et bien, malgré la disparition physique de ce témoin du passé qu’est le vin lui-même. L’œnologie est une technologie fondée sur des procédés artisanaux rigoureusement répertoriés et assemblés en une séquence d’évènements disposés en un ordre immuable. Cette particularité permet d’avancer certaines hypothèses sur les « révolutions œnologiques » du passé bourguignon.

 

La cohérence du parcours de la qualité étant une hypothèse rétrospective solidement établie, on peut présumer que les soins prodigués lors d’un épisode connu de l’histoire du vignoble l’ont été également en d’autres circonstances. Il n’est pas toujours possible de les connaître exactement par manque de documentation, mais on peut en présumer la vraisemblance. Il est en conséquence inexact d’attribuer à l’époque moderne le mérite de la création de l’œnologie, tant abondent les preuves de son ancienneté et de sa remarquable efficacité.

 

L’hypothèse moderniste, actuellement en vogue, se heurte donc à des faits bien établis, car aucun des procédés utilisés pour faire le bon vin n’était totalement ignoré quand les « princes des vignes » ont colonisé le Médoc, ni même quand les Romains ont introduit la vigne en Gaule. Des compétences très anciennes ont été constamment à l’œuvre, afin de transformer le choix des fondateurs en un succès exemplaire. La plupart des procédés préconisés par les meilleurs agronomes constituaient depuis toujours, le corpus de l’œnologie, bien connu des meilleurs vignerons quand en un lieu soigneusement choisi, ils décidaient de créer un vignoble fin.

 

L’œnologie ne peut donc être traitée comme un aspect « subliminal » de l’histoire du vignoble, savamment contournée par des études qui lui sont consacrées aujourd’hui et jamais abordée de front, faute d’intérêt et de compétence. Nous pensons au contraire que le secret de la qualité réside dans l’inventaire minutieux des procédés utilisés pour adapter les grands principes de l’œnologie au cas particulier d’un vignoble spécifique et donc des genres qu’il abrite dans son aire géographique. Nous sommes parfaitement conscients des insuffisances d’une enquête qui devrait embrasser une trop longue période de temps pour attribuer à chaque épisode de l’évolution œnologique la place qui lui revient. Cette vision trop large sera réduite dans cette étude à l’investigation des seuls genres élaborés dans la Côte bourguignonne au cours des âges. La description précise des « révolutions œnologiques » qui y furent pratiquées dissipera l’illusion trompeuse de la fixité d’un passé réduit à l’insignifiance d’une œnologie médiocre ou fautive. Nous pourrons ainsi resituer à l’œnologie historique bourguignonne, le dynamisme et la mobilité dont elle a fait preuve depuis l’époque lointaine de sa création.

 

à suivre demain : les illusions de « la cavalcade du grand vin »

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