Ce matin je vais vous parler de culottes : des culottes de peaux des généraux et de celle de Nelly Commergnat nouvelle députée de la fournée rose de 1981, bien évidemment pour elle il s’agit de son pantalon car pour les dames la culotte est un sous-vêtement.
La Grande Muette doit rester muette, du haut en bas, c’est la règle « on ne discute pas les décisions du chef » la troupe en sait quelque chose, elle qui a subi par exemple lors de la Grande Boucherie de 14-18 les ordres ineptes du Haut Commandement. Voir ou revoir les Sentiers de la Gloire de StanleyKUBRICK
En France, c’est un fait peu mis en avant, comme aux USA, en Russie, en Chine, il existe un complexe militaro-industriel très puissant qui sait mettre les politiques sous pression lors des grandes orientations et les choix budgétaires.
Ce n’est pas être antimilitariste que de l’écrire ou nier le besoin de défense dans nos sociétés, bien au contraire c’est exprimer une opinion saine pour que les deniers publics soient utilisés avec efficacité.
La Direction du Budget tout comme la Cour des Comptes ne sont pas composées de dangereux insoumis, de pacifistes bêlants, mais de fonctionnaires et de magistrats qui savent mieux que d’autres que l’Etat-Major, en terme de gestion et d’utilisation de fonds publics n’est pas un modèle : programmes sous-évalués, gaspillage, entêtement, manque d’anticipation.
Notre nouveau Président a un avantage sur ces prédécesseurs : il connaît Bercy de l’Intérieur, c’est-à-dire maîtriser la vision grippe-sou des budgétaires pour contrebalancer les diktats du complexe militaro-industriel.
C’est sain et ce n’est pas baiser le Général de Villiers que de faire participer les Armées à l’effort d’assainissement budgétaire. La nouvelle Ministre des Armées (appellation nouvelle qui en dit long sur la conception de Macron : la Défense c’est lui pas le chef d’Etat-major des Armées) Florence Parly, qui a été Ministre du Budget, connaît bien le sujet.
Bref, j’approuve Macron lorsqu’il remonte les bretelles, passe une avoinée à de Villiers :
« Je considère pour ma part qu'il n'est pas digne d'étaler des débats sur la place publique. J'ai pris des engagements, je suis votre chef. Les engagements que je prends devant les concitoyens, devant les armées, je sais les tenir et je n'ai à cet égard besoin de nulle pression, de nul commentaire. »
Bien évidemment, il faut qu’il y ait débat sur le budget des Armées mais pas seulement entre experts, ceux-ci étant très majoritairement juge et partie.
« La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires. »
Georges Clemenceau
« Plus tard, une vieille culotte de peau entend dire que son genre […] aurait cinq galons »
Galtier-Boissière Jean Mon journal dans la drôle de paix 1947
François Mitterrand le 16 novembre 1983
« Je suis, par la constitution et par le vote des Français, le garant de l’indépendance nationale, et de l’intégrité du territoire, et je remplis la fonction de Chef des armées. J’ajoute que puisque notre stratégie repose sur la dissuasion, sur la détention d’une force atomique capable d’interdire à quiconque de songer à nous attaquer, toute une série de questions se pose sur ce que c’est que cette force et on risque de se perdre dans des explications techniques ou mécaniques.
Je vais vous dire tout de suite quelque chose de très clair. La pièce maîtresse de la stratégie de dissuasion en France, c’est le Chef de l’Etat, c’est moi, car tout dépend de sa détermination. Le reste, ce sont des matériaux inertes, enfin, jusqu’à la décision... Jusqu’à la décision qui doit consister précisément à faire que l’on ne s’en serve pas. »
J’ai bien connu Nelly Commergnat lorsqu’elle est arrivée à l’Assemblée Nationale dans la fournée rose de 1981. Pour elle c’est une surprise car elle est là du fait de la nomination d’André Chandernagor, député de la Creuse, comme Ministre délégué auprès du ministre des relations extérieures, chargé des affaires européennes dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
Elle siègera pendant les 5 années de la législature, en 1983 André Chandernagor est nommé premier président de la Cour des Comptes.
Blonde aux cheveux longs Nelly Commergnat n’est pas passée inaperçue, son arrivée a été spectaculaire « Mes tenues ne convenaient pas. Je mettais des chaussures rouges, il fallait des chaussures noires ! Comme je mettais beaucoup de bijoux, mes collèges me faisaient des réflexions. Je leur ai cloué le bec en leur disant que ce n’étaient pas eux qui les payaient ! » déclare-t-elle à la revue Schnock.
Elle n’avait pas sa langue dans sa poche Nelly, elle fait partie des 36 femmes élues (7,3%), de fortes personnalités : Gisèle Halimi, Yvette Roudy (nommée Ministre des Droits des femmes), Denise Cacheux…
Nelly détonne dans un univers de costumes-cravates plutôt sombres. Elle ose braver l’interdit du pantalon et quand l’huissier lui barre le chemin de l’hémicycle, elle lui répond : « C’est le pantalon qui vous gêne ? Vous voulez que je l’enlève ? »
Une réunion du bureau de l’Assemblée s’ensuit, les députées sont enfin autorisées à porter le pantalon dans l’hémicycle.
Élues depuis 1945, les femmes auront donc mis 36 ans pour obtenir l’abandon de l’obligation du port de la robe ou jupe dans l’hémicycle.