Mardi fut jour d’élection pour l’attribution du Perchoir de notre Assemblée Nationale, ce qui justifie mon appellation de « volaille politique » à propos des élus de la Nation qui se pressaient dans l’hémicycle.
Le sujet du jour pour les médias et les réseaux sociaux fut le refus de porter la cravate par la bande d’insoumis du conducator Mélenchon, les mâles bien sûr.
« Il y avait les sans-culottes, il y aura les sans-cravates » clama Mélenchon, jamais avare d’enflure, ainsi lui, Alexis Corbière, François Ruffin se pointèrent en simple chemise ouverte.
Scandale ?
Non !
Le port de la cravate n’est pas vraiment obligatoire, le règlement de l’AN indique que les députés sont seulement obligés « d'avoir en toute circonstance une tenue respectueuse des lieux »
D’ailleurs, dès 1985, Jack Lang alors ministre de la culture, s'était présenté dans l'hémicycle avec un costume Thierry Mugler avec un col Mao et sans cravate.
En 1981, le premier acte du nouveau président Louis Mermaz fut l’abandon de la jaquette pour la présidence des séances. Il déclara qu’il « fallait vivre avec son temps et porter des vêtements de son époque »
Il n’était en rien novateur puisqu’en 1974, le nouveau Président de la République VGE décidait d’abandonner la jaquette et l’habit que ses prédécesseurs portaient dans les cérémonies publiques.
À l’époque le président de l’Assemblée nationale, Edgar Faure, fit de la résistance et refusa de se plier à cette simplification.
Le troupeau rose de juin 81, majoritairement composé d’enseignants, se pointa au palais Bourbon dans une vêture modeste et souvent dépourvu de cravate. Les huissiers en avaient toujours une stock pour la nouer au cou des trublions. Du côté de la gente féminine le port du pantalon était proscrit dans l’hémicycle. Rappelez-vous aussi l’épisode de la robe de Cécile Duflot. Ça ne volait pas très haut à l’assemblée autant dire que ce fut au ras de pâquerettes.
J’écrivais alors le 20 juillet 2012
« Les bancs de l’hémicycle du Palais Bourbon je connais. Entre juin 1981 et juin 1983 j’ai passé des heures à veiller au grain pour le compte du Président. Bien sûr, ces messieurs majoritaires, dès que les caméras tournent ils viennent en foule, s’agitent, interpellent, tentent le bon mot au bon endroit, font les paons, le tout à l’attention de la ménagère de plus de 60 ans et de papy Mougeot qui ne manqueraient pour rien au monde les questions au gouvernement du mercredi après-midi sur France3.
L’un des meilleurs de mon temps était Robert-André Vivien député-maire de Saint-Mandé célèbre pour ses traits d'esprit, mots d'humour, et calembours (parfois scabreux) et lapsus à l'Assemblée nationale dont le célèbre « Enfin Monsieur le Ministre, durcissez votre sexe, heu pardon, votre texte » à l'occasion d'un débat parlementaire sur la classification des films X en 1975.
Cécile Duflot a monopolisé l'actualité de ces dernières 24 heures non parce qu'elle planche sur l'encadrement des loyers qui vampirisent nos salaires ? Pas du tout, tout bêtement parce qu'elle s’est présentée à l'Assemblée nationale vêtue d’une robe-chemise qui lui arrivait juste en dessous des coudes et des genoux. Bronca des mâles et même de quelques gonzesses ! L’artillerie lourde : Balkany, Myard, les meilleurs quoi !
« Décidément, Cécile Duflot n'a pas de bol avec ses tenues vestimentaires, ou bien elle est en jeans et suscite alors les réactions indignées pour son "laisser-aller", ou bien elle tente les fleurs d'une robe d'été (soldée, 66 euros, 97% coton, 3% élasthanne et lavable en machine) et là, ce sont les réactions sexistes qui pleuvent. »
Pour ma part, dans les fonctions officielles, je m’astreignais au port de la cravate par respect pour ceux que je recevais car beaucoup d’entre eux aurait considéré qu’une tenue vestimentaire polo ou chemise ouverte c’eut été une marque de désinvolture.
Ce qui importe c’est le savoir-vivre et non de quelconques postures : que ce soit faire peuple ou singer les bourgeois. Le vêtement est une seconde peau, celle que l’on a choisie, ce qui est important c’est la sincérité et non un affichage qui laisserait accroire que l’habit fait le moine.
« C’est le peuple qui rentre aussi à l'Assemblée nationale » clame Alexis Corbières, ne lui en déplaise, en parodiant VGE face à Mitterrand, les insoumis n’ont pas le monopole du peuple, ils ne sont que des élus du peuple comme les autres.
Les « insoumis » ont aussi été victimes de la «grève civique». Dans sa circonscription marseillaise, avec une abstention de 64,22 %, Mélenchon n’a été élu que par 19,96 % des inscrits. En Seine-Saint-Denis, où LFI a conquis sept circonscriptions sur douze, l’abstention s’est envolée : 67,78 % dans la 1re, 70,48 % dans la 2e, 70,38 % dans la 4e, 60,32 % dans la 7e, 68,57 % dans la 11e. Conséquences : Eric Coquerel a été élu par 15,52 % des inscrits, Stéphane Peu par 15,7 %, Marie-George Buffet par 16,28 %, Alexis Corbière par 21,36 %, Clémentine Autain par 17,49 %.
Casser les codes, je n’ai rien contre bien au contraire, mais attention à ne pas en imposer d’autres sous le prétexte qu’ils sont soi-disant l’expression d’une révolte, d’une insoumission. Ce qui me semble important c’est le respect du libre-arbitre, du choix personnel, le refus de l’uniforme très en vogue dans les régimes totalitaires.
Et si un jour un député insoumis transgressait en nouant un nœud papillon à son col de chemise en hommage aux gens du peuple, aux ouvriers, du temps du Front Populaire qui le portaient lors des manifestations, ce serait un geste qui aurait de la gueule.
Détail : je ne porte plus de cravate depuis longtemps mais j’en ai noué une pour aller rendre hommage à Michel Rocard aux Invalides.
Mélenchon, Ruffin et les Sans-cravates: une menace à prendre au sérieux
Le 28.06.2017
Bruno Roger-Petit
Pour l'ouverture de la nouvelle législature, les députés de la France insoumise ont choisi la provocation, jouant les Sans-cravates comme les nouveaux Sans-culottes. Sauf que c'est plus qu'une provocation, c'est un message politique lourd de sens et de menace...
Un homme seul, en chemise blanche, se tient obstinément assis tandis que les autres, autour de lui, célèbrent l'ascension de leur pair au Perchoir. Nous sommes mardi après-midi, au Palais Bourbon, François de Rugy vient d'être élu président de l'Assemblée et les députés le saluent, ainsi que le dit la tradition républicaine, pour saluer le nouveau Primus. Tous, sauf François Ruffin, qui consulte son iPhone. L'image marque les esprits et c'est logique, puisqu'elle a été pensée dans ce dessein: pour dire une rupture républicaine. Elle fait jaser, mais sans que les commentateurs de l'instant paraissent en avoir perçu la signification profonde.
Il est possible de gloser politique durant des heures et des heures sur les chaînes d'information continue et passer à côté de l'essentiel, le politique lui-même. Et c'est bien dommage, tant il y a à dire sur un geste lourd de sens et de conséquences. Car l'image Ruffin, donc le message, n'était pas seulement la manifestation d'une provocation comme les affectionne le personnage (qui a été imité par les autres députés de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon en tête), en vérité, il s'agit bien davantage qu'une renonciation de mal-élevé aux us et coutumes du temple républicain. Oui, elle est bel et bien une rupture.
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