Dans notre vieux pays fourbu nous vivons une époque formidable, un bon tiers des français qui se sont abstenus l’ont fait, disent les sondages, par lassitude de la votation. Comme si la surexcitation des primaires de la droite avec son lot de surprise et de dégagisme, le coup raté de Balpop portant le petit Hamon sur le pavois, l’irruption de deux trublions dans le haut du tableau, un tout lisse et propre sur lui, Macron, un tout rugueux qui se fait matois, Mélenchon, avaient porté très haut le taux d’adrénaline de la population pour virer à la déprime sitôt l’élection de Macron.
On eut pu s’attendre au contraire, étant donné les 4 quarts du premier tour à un troisième tour revanchard pour Mélenchon, la LMP et le petit Baroin. Pour ce dernier la nomination d’Édouard Philippe à Matignon a été fatale, ses rêves de cohabitation sont partis en fumée. En revanche, pour les deux extrémistes la douche fut glacée, leurs électeurs sont allés à la pêche, dur retour à la réalité de la versatilité du fameux peuple chanté lorsqu’il adhère, évaporé lorsqu’il se dérobe. Seul l’électorat de Macron s’est mobilisé.
Le camarade JF Khan, qui est parfois un peu foutraque, mais qui peut aussi avoir des fulgurances géniales :
Pourquoi les macronistes peuvent remercier le journal Libération
L'électorat bourgeois de droite, stupéfait, ébloui, a commencé à se convaincre que ces « gens d'En Marche », tout compte fait, n'étaient pas si mal.
De toutes les surprises que nous ont réservé les élections législatives, la plus improbable, la plus inouïe est l'ampleur qu'a pris, en une dizaine de jours, le basculement d'un électorat bourgeois et grand bourgeois de droite dans le camp Macron.
Pour la première fois sans doute, dans l'Histoire de la République, des villes, des circonscriptions qui, depuis 1789, avaient toujours été fidèles à la droite conservatrice ou réactionnaire, même au lendemain de la Libération, l'ont larguée, cette fois, pour se donner à d'autres.
Et cela bien que ces villes et circonscriptions aient largement plébiscité François Fillon il y a un mois et demi. Dans le XVIème, Fillon avait obtenu 58 % des suffrages, or la droite est ramenée à 27 % et écrasée par "En Marche!". A Neuilly, 62 % pour Fillon, et 21 % seulement pour le candidat LR contre "La République en Marche" à 42 %.
Ont également fait faux bond, pour la première fois, à la droite, le XVIIème et le VIIème arrondissement de Paris, ce Faubourg Saint-Germain où, en 1814, on acclama l'entrée à Paris des cosaques, mais aussi Versailles, Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye, Saint-Tropez dans le Var, une grande partie des Alpes-Maritimes, Cholet dans le Maine-et-Loire, Chamalières où le fils de Giscard d'Estaing est battu...
Que s'est-il donc passé?
En fait, ce surplus de raz-de-marée c'est aux médias de gauche qu'Emmanuel Macron le doit.
Dix jours avant le scrutin, en effet, pour remobiliser leur camp, ce qui était parfaitement légitime, ils ont déclenché une puissante offensive sur le thème de la droitisation du macronisme: alerte, il y a un plan caché pour mettre à bas le droit du travail, un véritable retour au XIXème siècle! Alerte, au nom de la lutte implacable contre le terrorisme, on s'apprête à mettre à mal les libertés publiques et à court-circuiter les juges ! Alerte, à l'éducation nationale la "réaction" est de retour!
Les radios et télévisions ont largement répercuté ces thèmes et polémiques. Résultat: l'électorat bourgeois de droite, stupéfait, ébloui, a commencé à se convaincre que ces "gens d'En Marche", tout compte fait, n'étaient pas si mal, que loin d'être des ersatz de socialistes, comme on leur avait seriné, ils étaient près à oser ce devant quoi la droite avait toujours reculé, que ce n'était pas une gauche de substitution, mais une droite de substitution. D'où ce basculement, parfois massif. Merci Libé!
Phénomène d'autant plus surréaliste, qu'au même moment, dans Le Figaro, Yves de Kerdrel, qui est au néolibéralisme ce que Jean Kanapa était au marxisme, explique que Macron est en train de trop céder aux syndicats et que sa "loi travail", bien timide, est largement en retrait sur celle qu'avait institué Gerhard Schröder en Allemagne.
Logiquement ce glissement des voix de droite vers "La République en Marche" aurait du être compensé par un retour d'électeurs de gauche effrayés. Or, seconde surprise, cette campagne n'a eu sur eux absolument aucun effet. Au mieux, ils se sont abstenus. Peut-être n'ont-ils pas oublié que la "loi travail" est, à l'origine, une initiative d'un gouvernement socialiste.
Résultat, et c'est une autre première absolue dans notre Histoire, alors que "La République en Marche" cartonnait dans des villes et quartiers de la droite bourgeoise et grande bourgeoise (l'électorat populaire de droite, en revanche, est resté fidèle), elle cassait la baraque dans des fiefs de gauche et d'extrême gauche, s'emparant par exemple des deux ex-sièges réputés imprenables de Laurent Fabius en Seine-Maritime ou d'Henri Emmanuelli dans les Landes, s'imposant dans le XIXème parisien et arrivant même en tête à Aubervilliers et à Ivry.
Le gaullisme triomphant fut globalement plus puissant, mais il n'avait pas réussi à ce point à faire exploser les vieux clivages politico-sociologico-territoriaux.
Cette recomposition, en grande partie ambiguë, aura une autre conséquence lourde de sens, c'est qu'on découvrira dimanche soir que non seulement la "vraie droite" comme ils disent, c'est-à-dire non macronisée, devra se contenter d'une cinquantaine de sièges seulement, mais aussi que la plupart des représentants de la droite dure – Georges Fenech, Jacques Myard, Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq, Claude Goasguen, Elie Aboud, Alain Marsaud, Philippe Meunier, Guillaume Larrivé, peut-être même Eric Ciotti et Eric Woerth, risquent de se retrouver au tapis.
Heureusement, pour que tous les repères ne soient pas d'un seul coup emportés, restera l'ineffable Christian Jacob.
Ce qu'Emmanuel Macron a mieux compris que les autres pour incarner le renouveau par Bertrand Delais Documentariste, journaliste, auteur de En Marche vers l'Elysée
À la veille du second tour des élections législatives qui vont offrir une majorité forte au Président, il convient de s'interroger sur les contours politiques de son mouvement...
A la question, le macronisme existe-t-il, on ne peut que répondre par l'affirmative... Les succès sont là, l'engouement aussi et son expérience volontiers raillée plaide en réalité pour lui... Mais là où les choses semblent se compliquer, c'est lorsqu'il s'agit de le définir, de lui trouver un corpus idéologique... Pourtant, il existe et c'est sa nature même qui rend difficile sa perception.
S'il y a un mot qui résume le macronisme et la méthode d'Emmanuel Macron, c'est la dialectique... On a volontiers raillé son fameux "en même temps" mais il pose une méthode qui fait de son mouvement quelque chose d'hybride, de paradoxal mais de profondément ancré dans notre histoire.
Le premier paradoxe est qu'Emmanuel Macron est à la fois l'enfant de la révolution libertarienne issue de Mai 68, avec un réel progressisme sur les questions de société, et celui de la révolution économique libérale survenue au cours des années 80. Une révolution portée historiquement par la gauche, une autre par la droite...
Mais surtout, et c'est là un premier paradoxe, il est l'enfant légitime qui prospère sur le rejet des deux matrices idéologiques qui semblent épuisées.
Alors pourquoi le macronisme parvient-il à sortir de cet épuisement, pourquoi parvient-il à incarner un renouveau politique?
La réponse à cette question qui permet de définir le macronisme est double.
D'abord, il y a une indéniable équation personnelle forte, posé dès la campagne électorale par Emmanuel Macron, candidat. Plus que d'autres, à rebours de la plupart des leaders d'opinion, Emmanuel Macron comprend la nécessité de remettre une verticalité dans la pratique politique. Il rompt non seulement avec l'héritage de François Hollande qui s'était fourvoyé en théorisant l'idée d'un Président normal, mais il rompt aussi avec une certaine culture de la 2ème gauche et absorbe une partie de l'héritage culturel de la droite avec son culte du chef...
Il y avait dès la campagne un mélange d'horizontalité dans la genèse du mouvement avec le diagnostic, l'intervention forte des militants et de la verticalité avec un parti de masse totalement dévoué au chef.
Toujours une dialectique entre l'ordre et le mouvement... Mais surtout, cela lui permet de se défaire de tout surmoi idéologique au nom d'une seule efficacité. En cela, il renoue avec les militaires égarées en politique qui faisait valoir une réussite de terrain, de Bonaparte à de Gaulle. Il est un enfant de la dissuasion, de l'après... Son efficacité s'appréhendera sur le terrain économique. Dans cette configuration, son passé à la banque Rotschild n'a pas constitué un handicap, bien au contraire..
Un homme seul, dépourvu de schémas idéologiques mais pas sans conviction, voilà qui pourrait définir la démarche d'Emmanuel Macron... La recherche d'une dialectique entre libéralisme et égalité incarnée par la volonté d'un homme là où les idéologies les oppose... C'est cette dialectique du libéralisme égalitaire qui est au cœur de sa conviction...
Mais si on veut le macronisme, il y a une autre particularité, avec là encore une construction dialectique.
Il apparaît comme un homme moderne dans son époque, par son refus des idéologies, par sa volonté d'incarner la révolution numérique mais son inclinaison naturelle est plus classique voire plus conservatrice... Il pense que la culture classique constitue un rempart contre la ségrégation sociale et en cela épouse les contours d'un politiquement incorrect loin de la pensée mainstream dominante... Il est transgressif avec des références classiques..
Au fond, pour définir la pensée d'Emmanuel Macron, il faut se référer à l'un de ses philosophes préférés, Alain.
Il n'y a pas de courant de pensée se réclamant de lui, il y a une volonté de s'affranchir des schémas de pensée, la philosophie étant là pour éveiller l'esprit.. Toujours, il fait le pari de la raison, comme marque de respect...
Cela renvoie à Emmanuel Macron à Amiens avec les ouvriers de Whirlpool où il revendique son discours de raison. Il y a là une forme de bienveillance d'un homme libre et qui incarne à lui seul une rupture avec le cynisme de l'époque...
L'histoire dira si cette incarnation était celle d'un moment ou celle d'un sursaut historique
«En Marche, c’est un peu l’esprit de milice helvétique appliqué à la France» par Richard Werly Le Temps
Un tsunami de députés jamais élus auparavant s’apprête, dimanche, à déferler sur l’Assemblée nationale. Investis par La République en marche!, ils n’ont pour la plupart jamais rencontré celui à qui ils doivent tout: le président de la République, Emmanuel Macron. Portrait d’une déferlante qui rêve de transformer la France.
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Comment le big bang Macron pourrait remettre la politique française à l'endroit par Chloé Morin Directrice de l'Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès
Au lieu de vouloir faire rentrer les électeurs dans des cases qui n'ont plus aucun contenu idéologique clair et cohérent, partons du bas pour reconstruire le haut.
Au lieu de se demander s'il est normal que Benoît Hamon appelle à voter pour la candidate France insoumise opposée à Manuel Valls, de reprocher à ce dernier d'avoir soutenu Emmanuel Macron, ou encore à Thierry Solère de vouloir voter la confiance au gouvernement, on ferait mieux de se poser les bonnes questions.
En matière d'idéologie comme en économie, certains croient fermement à la politique de l'offre, d'autres à la politique de la demande. Les discours tenus par les médias, partis, institutions façonneraient l'opinion (politique de l'offre). Ou, à l'inverse, les responsables politiques ne seraient élus et les médias écoutés que dès lors qu'ils feraient écho à des opinions/convictions pré-existantes dans la société.
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Législatives: «Je me retirerai de la politique les deux pieds devant!»... Mélenchon répond à nos lecteurs
Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise et candidat dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône a accordé une interview à 20 Minutes. Une centaine de questions, quelques trolls, vous, lecteurs, avez posé vos questions à Jean-Luc Mélenchon, nous lui en avons soumis une dizaine.
Sur quels enjeux pensez-vous que la victoire va se jouer dimanche ?
Avant le premier tour, il n’y a eu aucun débat, ça a été une apologie permanente du gouvernement en place. Mais cette dernière semaine, des médias ont révélé des énormités comme le projet de destruction du Code du travail ou la mise dans le droit commun des mesures liberticides de l’état d’urgence. Même les gens éloignés de moi politiquement m’ont dit leur stupeur. Les gens découvrent que les candidats du « renouveau macroniste » ont déjà une expérience politique. A ceux qui ont éjecté Les Républicains et le PS, Macron propose un potage qui est le concentré des deux. Je vois venir un effet correcteur contre la vague Macron.
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