Dieu que c’est élégant me direz-vous mais, entre nous soit dit, la vulgarité se niche bien plus dans les façons d’être que dans les mots, surtout dans les mots du populo.
Qui peut contester que notre nouveau Président n’ait pas de bol, du pot, de la veine, du cul pour revenir au langage populaire, mais que viennent faire les nouilles dans cette expression appliquée à une personne bénéficiant d’une chance insolente ?
La nouille, en argot, c’est l’attribut viril des mâles, et dans l’argot des prisons, un détenu qui a le cul bordé de nouilles est celui qui a le plus d’avantage.
Dans notre belle langue faubourienne, les expressions désignant les chanceux et chanceuses sont légion... et généralement toutes situées au-dessous de la ceinture avoir de la chatte, avoir de la moule, avoir une veine de cocu ou une veine de pendu, en l'occurrence, ce n'est pas le pendu qui a de la chance, mais la corde avec laquelle il a été pendu qui serait un porte-bonheur, selon une croyance populaire.
Ça énerve notre leader maximo, lui qui rame depuis des décennies pour atteindre les sommets, lui qui a dû passer des années dans le mouroir du Sénat, subir l’horreur de la bannière étoilée au Parlement Européen, lui qui n’a pu accrocher à son CV qu’un minable maroquin de secrétaire d’État, lui qui a échoué à la pire des place : la quatrième, lui qui va passer le cap des 65 balais alors que le Macron va sauter la quarantaine à cloche-pied.
L’horreur absolue !
Notre Mélenchon, héraut auto-proclamé du peuple, les gens comme il dit, est le mètre-étalon de la vulgarité surjouée que l’on devrait déposer au Pavillon de Sèvres. Il y a chez lui du Georges Marchais, une faculté de masquer son passé de pur apparatchik, pensez-donc il lui a fallu attendre ses 65 ans pour être élu au suffrage universel sous nom, sous une logorrhée populiste, flatteuse pour ses seuls thuriféraires.
Il ne recule devant rien sous les roucoulements de ses disciples, dernier exploit en date, sa sortie sur Cédric Villani, nouveau député du mouvement de Macron :
« J'ai vu le matheux, je vais lui expliquer le contrat de travail »
Cédric Villani (@VillaniCedric) l’a de suite taclé :
Cher @JLMelenchon, Directeur de l'IHP, j'en ai vu des contrats de travail... mais c'est tjs un plaisir de recevoir des cours particuliers !
La toile a pris le parti de Villani
Padre_Pio (@Padre_Pio):
"Le matheux". 😐😐😐
Prix Fermat et médaille Fields.
Et Albert Camus, c'est le mec qui se débrouille en rédac'?
Clémentine Autain, nouvelle députée de la France insoumise déclare ne pas avoir compris la polémique. Elle développe :
Monsieur Villani... Il y a des polémiques qui prennent comme ça des proportions surréalistes. J'entends qu'il y a une polémique et j'ai déjà mis un petit peu de temps à comprendre. Une fois que j'ai bien démêlé quel était le sujet, j'en ai parlé avec Jean-Luc Mélenchon, il est meurtri à l'idée qu'on pourrait imaginer qu'il aurait le moindre mépris pour lui, un fort en maths, très fort, exceptionnel en maths. Il n'y a aucun mépris de la sorte. En revanche, j'ai entendu Monsieur Villani nous expliquer que sur la loi Travail il n'avait pas encore de point de vue. Je peux vous dire que si j'étais dans la majorité parlementaire qui soutient le gouvernement, je pense quand même que j'aurais une petite idée de ce que je vote.
Passons, tout cela n’est que gesticulation politicienne !
Revenons à Macron, et à son insolente chance, pour souligner que son étonnant parcours, et surtout le résultat, c’est-à-dire l’immense champ de bataille où gisent les victimes de son blitzkrieg. En faisant ce constat je ne verse pas dans une quelconque macronmania, je me contente de faire un constat. Il a renversé la table, envoyé au tapis les tenants de l’ancienne donne, les battus comme les spécialistes de la chose politique ont toujours un coup de retard. Ils ne comprennent rien au film.
Jusqu’à quand ?
Là n’est pas encore la question, décortiquons le présent.
De l'angoisse des journalistes politiques qui sont (eux aussi) noyés par la vague Macron
Claude Askolovitch, prototype même du journaliste à la française, vivant en concubinage notoire avec la gente politique, mais qui ne s’en cache pas, l’assume, observe avec la gourmandise de ceux qui aiment l’excès, les soubresauts du vieux monde, face à Macron, qui ne va pas s’effondrer si facilement…
Il est une pièce majestueuse dans le palais médiatique, qui le lundi 12 juin sentait le fantôme et c’en était poignant. Avant neuf heures, depuis que le monde est monde et la politique se calfeutre de mots, l’interview politique, déclinée de chaîne en station, est l’instant stratégique des pouvoirs, où les importants donneront le ton du jour et de l’époque, et comment le rater ? Ce lundi 12 juin, de chaîne en station, défilait un monde aboli, et qu’on l’invita encore semblait une cruauté crépusculaire. Le macronisme se déversait sur la législative comme une flaque fraîche de renouveau, mais seuls ou presque s’exprimaient des réchappés de l’ordre ancien, leur vie derrière eux, leur carrière en suspens, leurs mots, leurs codes, leur dignité balayée par l’inimaginable. Que faisaient-ils encore à cette heure, et que leur demander ?
Jean-Michel Aphatie, sur France Info, interrogeait Nathalie Kosciusko-Morizet sur l’abstention, comme si cette femme qui avait longtemps figuré l’espérance d’une droite moderne pouvait encore nous indiquer le chemin. Elle était douce, condamnée par avance dans sa circonscription parisienne, décrivait un renouvellement dont elle ne serait pas, niait en riant qu’elle put se perdre dans l’aigreur, ne savait plus si elle était dimanche soir ou lundi matin et puis lançait son message comme une bouée, « est-ce que voulez-vous qu'il y ait encore quelques voix libres et indépendantes à l’Assemblée nationale » demandait-elle. C’était horrible. Sur France Inter, Léa Salamé recevait Brice Hortefeux. Qui donc ? Il avait été un blazer bleu rieur et de droite au-dessous d’une figure rose et déplumée, installé à l’Intérieur sous un président nommé Sarkozy. Il trouvait que l’on votait trop dans ce pays et cela expliquait l’abstention. « Appartenez-vous au monde ancien ? », interrogeait la cruelle Salamé, et la question aurait pu clore la journée. Sur BFM, Jean-Jacques Bourdin interrogeait Xavier Bertrand, et on comprenait que c’eut été important, puisque Bertrand serait peut-être président de la République un jour, quand la droite reviendrait à l’Élysée, si seulement il la dirigeait alors, mais il ne voulait pas déclarer ce matin sa candidature à la présidence des Républicains. Bon. On s’en moquait un peu. On se moquait de tous ces gens, en somme, qui ne gouvernaient pas, ne gouverneraient plus, pas de sitôt, ne pouvaient rien pour nous, puisque les électeurs n’avaient rien fait pour eux. La vie était ailleurs, En Marche était partout, sauf sur nos ondes. C’était la journée de trop du monde ancien. Le journalisme avait décroché. Il s’accrochait à ses habitudes, et traitait avec déférence ces personnages dont la défaite le laissait démuni. Il les prolongeait. Les autres, nous ne les connaissions pas.
À la mi-journée, je vis sur Twitter une apostrophe rieuse. « #Astuce Les futurs députés n'étant pas très connus des journalistes politiques, changeons aussi les journalistes politiques et éditorialistes », twittait la patronne du Bondy Blog, Nassira El Moadem, et comment lui donner tort ? Il n’y avait rien, dans ce que nous montrions, qui éclairait la nouveauté du jour. Nous étions vieux. Macron avait fait sans nous. Ses troupes prenaient le contrôle de l’Assemblée. On nous en annonçait quatre-cent, plus encore… Ils étaient dorénavant le pouvoir, disons la réalité de sa représentation, ils feraient nos lois, ils s’étaient imposés par la grâce de leur parrain, par la tenue de leur marche, sur des comptes Facebook, des vidéos Youtube, des réunions où nous n’étions pas. Nous ne savions rien de nos nouveaux maîtres. Nous parlions des anciens. Encore une petite minute, monsieur le bourreau ?
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Même si je n’étais qu’un gamin le deuxième tour des élections législatives de novembre 1958, j’ai le souvenir que dans ma vieille Vendée, les élus Indépendants et Paysans, le parti des maîtres, furent balayés comme des fétus de paille par des inconnus étiquetés gaullistes.
Y compris, Boux de Casson qui bravache déclarait qu’il pourrait présenter son âne en ses lieux et place ; ça renvoie à cette petite ordure de Zemmour qui balance la même vanne à Aurore Berger, jeune élue macroniste, en parlant de chèvre, vieille homothétie avec notre Mélenchon qui déclarait que face à MLP une chèvre aurait élu.
Un mois avant les élections, le Conseil des ministres décide de substituer au scrutin proportionnel le scrutin uninominal majoritaire à deux tours censé créer des majorités stables. La campagne électorale voit toutes les grandes formations politiques se réclamer du gaullisme, depuis la SFIO jusqu'à l’Union pour la Nouvelle République, créée à la veille des élections pour rassembler les gaullistes. En face, le parti communiste et les candidats de l'Union des forces démocratiques ont du mal à faire entendre leur voix.
Le paysage politique français sort transformé de ces élections. En premier lieu, on est frappé par l'importance de l'abstention (23%) qui révèle que les Français demeurent méfiants envers les partis politiques, alors qu'ils font une large confiance au général de Gaulle. Le deuxième fait marquant est la défaite du Parti communiste qui, avec 10 députés (contre 150 en 1956), apparaît comme le grand perdant de la nouvelle loi électorale. Les partis qui s'étaient identifiés à la IVe République (MRP, SFIO, radicaux) le paient cher, comme le montre l'hécatombe des sortants : sur les 475 élus de 1956 qui se représentent, 334 sont battus et parmi eux Pierre Mendès France, Edgar Faure, Gaston Defferre, François Mitterrand. En revanche, les grands vainqueurs sont les gaullistes (198) et les modérés (133).
Qui peut nier que nous ne retrouvons pas dans un cas de figure identique ?
Ce qui ne signifie pas pour autant que l’Histoire va se répéter mais, ce Macron, réduit par ses adversaires à un petit banquier aux dents longues, a chaussé les bottes de 7 lieux du général pour se dresser une stature sur la scène internationale.
Pour l’heure il a réussi, et ce crédit qui a permis à ses troupes immatures de tout balayer, d’être majorité à l’assemblée nationale, relève bien d’une stratégie gaullienne.
Son offensive, à la veille de son premier Conseil Européen en est la preuve :
Emmanuel Macron: «L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun»
«Le Temps» a fait partie du groupe de huit journaux européens conviés par Emmanuel Macron à l'Elysée, pour son premier entretien comme président. Il s'exprime sur l'Europe et la diplomatie française revisitée, à la veille de son premier sommet européen ce jeudi à Bruxelles.
Sur l’organisation de cette interview: A l’Elysée, un président côté jardin
Deux jours après la nette victoire de «La République en marche» aux législatives du 18 juin, la politique intérieure n'a pas été évoquée. Tout le reste, en revanche, était à l'agenda. Y compris la candidature parisienne aux JO 2024, que le président français viendra défendre en personne à Lausanne devant la commission d'évaluation du CIO, le 11 juillet prochain.
Le Soir était aussi du lot voici son analyse :
Le pari mégalo mais surtout bluffant d’Emmanuel Macron
Alors qu’il participera ce jeudi à son premier sommet européen de chefs d’Etats et de gouvernement à Bruxelles, le locataire de l’Elysée n’a voulu expressément parler que d’Europe et de diplomatie. Pas un mot de politique française.
Le décalage est spectaculaire mais 100 % assumé. Nous avons été reçus mardi à l’Elysée alors que la ministre des Armées Sylvie Goulard venait tout juste de démissionner, anticipant un remaniement plus large qui verrait le lendemain les deux autres ministres du Modem affaiblis par les affaires, celui de la Justice François Bayrou et celle des Affaires européennes, Marielle de Sarnez, prendre le large. Mais d’une sérénité absolue, Emmanuel Macron a disserté dans les jardins de l’Elysée pendant près d’une heure et demie sur les grandes affaires de ce monde.
La séquence illustre de manière saisissante la présidence qu’il veut incarner. Bien sûr, il est au cœur du remaniement et rien de la situation politique intérieure n’échappe à son contrôle. Il a été le grand ordonnateur de cette année électorale folle dont s’achève la dernière séquence. Mais il ne sera ni ce président de l’anecdote qu’a fini par devenir François Hollande, commentant sa propre action, ni cet hyperprésident débordant d’énergie tempétueuse parfois incontrôlée qu’était Nicolas Sarkozy. Gaullien, Emmanuel Macron entend rien moins que se hisser au-dessus des partis et pour tout dire au-dessus même de la France pour guider l’Europe et pourquoi pas le monde vers un futur plus désirable.
De la crise des démocraties occidentales aux déséquilibres et aux inégalités qui ont plongé la planète dans une instabilité historique, du terrorisme dont les causes profondes relèvent notamment à ses yeux de nos propres erreurs, Emmanuel Macron dresse le portrait d’une Europe et d’un monde auxquels il veut redonner du sens. Il se battra pour une Europe «qui protège» , et qu’il ne faudra pas confondre avec l’Europe protectionniste des souverainistes. Au contraire : il veut une Europe qui refonde son bien commun : un alliage unique entre la liberté, la démocratie et le progrès social.
Après un gros mois à peine passé à l’Elysée, le président français se sent prêt à abattre des murs. A ramener Donald Trump à la raison sur le climat. A conduire Vladimir Poutine à une solution politique sur la Syrie. Rien que ça. Titanesque rôle que s’est assigné un président de 39 ans surgi de «nulle part».
On peut juger le pari mégalo. Il est surtout bluffant. Dans un monde sclérosé et pétri d’inquiétudes, Emmanuel Macron fait souffler un vent nouveau. En Mai 68, il était interdit d’interdire. Cinquante ans plus tard, on pourrait paraphraser. Il est interdit de ne pas au moins essayer.
Revenons à l’interview
Le Temps: Vous venez d’acquérir une légitimité nouvelle après la victoire de «La République en marche» aux élections législatives. C'est un atout au service de votre leadership en Europe?
Emmanuel Macron: Le leadership ne se décrète pas. Il se construit en entraînant d’autres pays, d’autres acteurs et il est constaté au vu des résultats qu’on obtient. Il serait présomptueux de dire dès à présent que la France exerce un nouveau leadership européen. La vraie question est celle de l’objectif de notre action. Et le point de départ, c’est la crise que traversent les démocraties occidentales qui se sont construites au 18ème siècle sur un équilibre inédit entre la défense des libertés individuelles, la démocratie politique et la mise en place des économies de marché.
Un cycle vertueux a permis aux libertés individuelles d’être reconnues, au progrès social de se développer et aux classes moyennes d’avoir une perspective de progrès. Depuis la fin des Trente Glorieuses, le doute s’est installé. La France en a fait la cruelle expérience, elle qui avait sans doute le modèle social le plus élaboré. Quand nous regardons la planète aujourd’hui, que voyons-nous? Une montée des démocraties illibérales [c'est-à-dire dire contraires au libéralisme, ndlr] et des extrêmes en Europe, la réémergence de régimes autoritaires qui mettent en cause la vitalité démocratique et des Etats-Unis d’Amérique qui se retirent en partie du monde.
La question première n’est donc pas de savoir s’il y a ou non un leadership français, de savoir si nous bombons le torse plus fort que les autres. Elle est d’abord de savoir comment défendre notre bien commun à tous, c’est-à-dire la liberté et la démocratie, la capacité des individus et de nos sociétés à être autonomes, à rester libres, à assurer la justice sociale et à préserver notre planète à travers le climat. Sans ces biens communs, il n’y a pas d’avenir souhaitable ni durable. Notre défi est de savoir comment nous allons gagner cette bataille dont l’Europe, j’en suis convaincu, porte la responsabilité. Pourquoi? Parce que la démocratie est née sur ce continent. Les Etats-Unis d’Amérique aiment autant que nous la liberté. Mais ils n’ont pas notre goût pour la justice. L’Europe est le seul endroit au monde où les libertés individuelles, l’esprit de démocratie et la justice sociale se sont mariés à ce point. Va-t-elle réussir à défendre ses valeurs profondes, dont elle a irrigué le monde pendant des décennies ou va-t-elle s’effacer devant la montée des démocraties illibérales et des régimes autoritaires? Telle est la question.
- Qu’est-il possible de faire concrètement pour relancer l’Europe? Quel est votre projet pour refonder la zone euro? Comment convaincre les Allemands du bien fondé de votre projet?
- Si nous n’avons pas conscience du défi qui est le nôtre, nous pouvons continuer à passer des nuits entières à nous interroger sur l’endroit où se trouvera la prochaine agence européenne ou la manière dont sera dépensé tel ou tel budget… Nous nous placerions alors hors de l’histoire. Je n’ai pas fait ce choix. Angela Merkel non plus. La question est de savoir comment nous arriverons à restaurer une dynamique, une capacité à entraîner. La France n’aura aucune capacité motrice si elle ne porte pas un discours clair et un regard lucide sur le monde. Mais elle ne l’aura pas non plus si elle ne renforce pas son économie et sa société. C’est pourquoi j’ai demandé au gouvernement d’enclencher les réformes fondamentales qui sont indispensables pour la France. Notre crédibilité, notre efficacité, notre force sont en jeu. Mais la force de quelques-uns ne peut pas se nourrir longtemps de la faiblesse des autres. L’Allemagne, qui s’est réformée il y a une quinzaine d’années, constate aujourd’hui que cette situation n’est pas viable. Mon souhait est donc que nous puissions construire une force commune. Ma méthode pour le couple franco-allemand, est celle d’une alliance de confiance. Je souhaite que nous revenions à l’esprit de coopération qui existait jadis entre François Mitterrand et Helmut Kohl. On ne se rend pas à un conseil européen sans avoir de position commune. Cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord sur tout. Mais que nous ne voulons pas perdre de temps à demander aux autres d’arbitrer nos désaccords.
- Cette Europe-là doit continuer à protéger?
Oui, parce que dans toutes nos sociétés les classes moyennes se sont mises à douter. Elles ont l’impression que l’Europe se fait malgré elles. Cette Europe-là se tire elle-même vers le bas. Il faut créer une Europe qui protège en se dotant d’une vraie politique de défense et de sécurité commune. Il faut être plus efficace face aux grandes migrations en réformant profondément le système de protection de nos frontières, la politique migratoire et le droit d’asile. Le système actuel fait porter à quelques-uns toute la charge et ne pourra pas résister aux prochaines vagues migratoires. C’est la première étape. Il ne peut pas y avoir d’approfondissement institutionnel tant que nous n’aurons pas restauré la cohérence de l’Europe. Si nous voulons passer ensuite passer à l’étape suivante, il faut au sein de la zone euro avoir une intégration plus forte. D'où l’idée, que je défends avec vigueur, d’un budget de la zone euro, doté d’une gouvernance démocratique. C’est le seul moyen de recréer un mouvement de convergence entre nos économies et nos pays. Si on ne fait pas ça, on affaiblira la zone euro. Il faut pouvoir articuler le pilier de la responsabilité et celui de la solidarité. Mon sentiment est que l’Allemagne n’est pas bloquée là-dessus.
- Vous pensez que les Allemands sont prêts eux aussi à changer?
J’en suis persuadé. En matière de sécurité et de défense, la chancelière allemande a fait bouger les choses profondément. Elle est revenue sur des tabous profonds hérités de la Seconde Guerre Mondiale. L’Allemagne va dépenser plus que la France en matière de défense dans les années à venir. Qui l’eut cru ? Mais l’Allemagne est lucide sur les limites d’une action qui ne soit pas pleinement européenne, notamment en matière d’intervention militaire. Elle sait que notre destin est redevenu tragique. Elle a besoin de la France pour se protéger, pour protéger l’Europe et assurer notre sécurité commune. Je crois par ailleurs que les dynamiques que j’évoque traversent aussi la société allemande. Notre devoir en tant que dirigeants est d’en faire la pédagogie. Les égoïsmes nationaux sont des poisons lents qui entretiennent l’affaiblissement de nos démocraties et notre incapacité collective à relever le défi historique qui est le nôtre. Je sais que la chancelière en a conscience.
- L’Europe se présente aujourd’hui en ordre dispersé. La division entre l’est et l’ouest est réapparue. Comment gérer une Europe aussi divisée?
Je ne crois pas à ce conflit entre l’est et l’ouest de l’Europe. Il y a des tensions car nos imaginaires et notre histoire récente ne sont pas les mêmes. Je n’oublierai jamais cette phrase de Bronislaw Geremek, que j’avais rencontré il y a une vingtaine d’années au moment de l’élargissement européen: «L’Europe ne mesure pas tout ce qu’elle nous doit». Pour sa génération, attachée à l’Europe des Lumières, l’Europe occidentale avait trahi en laissant s'ériger le mur et le continent se diviser. Quand j’entends aujourd’hui certains dirigeants européens, ils trahissent deux fois. Ils décident d’abandonner les principes, de tourner le dos à l’Europe, d’avoir une approche cynique de l’Union qui servirait à dépenser les crédits sans respecter les valeurs. L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun. Elle s’affaiblit quand elle accepte qu’on rejette ses principes. Les pays d’Europe qui ne respectent pas les règles doivent en tirer toutes les conséquences politiques. Et ce n’est pas uniquement un débat est-ouest. Je parlerai avec tout le monde et avec respect, mais je ne transigerai pas sur les principes de l’Europe, sur la solidarité et sur les valeurs démocratiques. Si l’Europe accepte cela, c’est qu’elle est faible et qu’elle a déjà disparu. Ce n’est pas mon choix.
- Le dialogue, mais pas de sanctions?
Le dialogue, mais il doit être suivi de décisions concrètes. Je souhaite que tout le monde ait à l’esprit la responsabilité historique qui est celle des Européens. Nous devons promouvoir une Europe qui aille vers un mieux-être économique et social. L’objectif d’une Europe qui protège doit aussi s’imposer dans le domaine économique et social. En raisonnant comme on le fait sur le travail détaché depuis des années, on prend l’Europe à l’envers. Il ne faut pas s’y tromper. Les grands défenseurs de cette Europe ultralibérale et déséquilibrée, au Royaume-Uni, se sont fracassés dessus. Sur quoi le Brexit s’est-il joué? Sur les travailleurs d’Europe de l’Est qui venaient occuper les emplois britanniques. Les défenseurs de l’Europe ont perdu car les classes moyennes britanniques ont dit stop! Le souffle chaud des extrêmes se nourrit de ces déséquilibres. On ne peut pas continuer à faire l’Europe dans des bureaux, à laisser les choses se déliter. Le travail détaché conduit à des situations ridicules. Vous pensez que je peux expliquer aux classes moyennes françaises que des entreprises ferment en France pour aller en Pologne car c’est moins cher et que chez nous les entreprises de BTP embauchent des Polonais car ils sont payés moins chers? Ce système ne marche pas droit.
- Quel modèle pour la future relation entre le Royaume Uni et l’Union Européenne? La porte est-elle ouverte à une marche arrière?
La porte est ouverte jusqu’au moment où on la franchit. Ce n’est pas à moi de dire qu’elle est fermée. Mais à partir du moment où les choses s’engagent avec un calendrier et un objectif, il est très difficile de revenir en arrière, il ne faut pas se mentir. Je souhaite que la discussion qui vient de s’engager soit parfaitement coordonnée au niveau européen. Je ne veux pas de discussions bilatérales car il faut préserver l’intérêt de l’UE à court, moyen et long terme. La France compte en revanche poursuivre et renforcer sa forte relation en matière de défense et de sécurité avec le Royaume-Uni. Le traité de Lancaster House reste le cadre de cette coopération. Nous allons aussi davantage coopérer en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Nous avons déjà arrêté un plan d’action commun en matière de lutte contre la radicalisation sur internet. Car nos destins sont liés: les filières terroristes ne connaissent pas les frontières de l’Europe. Enfin, en matière de migration, je souhaite que l’on fasse évoluer notre coopération. Il faut absolument éviter la création de nouveaux abcès de fixation que sont les camps de migrants. C’est le pragmatisme qui régira nos relations.
- Faut-il remettre à plat l’espace Schengen, dont la Suisse fait partie ? Faut-il forcer les pays qui refusent les migrants de les accepter?
- Je suis attaché à l’espace Schengen qui permet la libre-circulation des personnes au sein de l’Union européenne, et qui est des éléments constitutifs de notre citoyenneté européenne. Si nous voulons garantir cette libre circulation, il faut renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne. Je souhaite que nous donnions rapidement tous les moyens nécessaires à l’Agence européenne des gardes-frontières et des gardes –côtes pour gérer notamment les crises à ces frontières.
Il y a ensuite la question des réfugiés. Les réfugiés sont des gens qui demandent l’asile dans notre pays. Nous parlons de femmes et d’hommes qui risquent leur vie dans leur pays, qui la risquent pour venir jusqu’à nous, qui fuient des pays en guerre. Nous leur devons hospitalité et humanité. Le problème est que dans de nombreux pays, dont la France, l’instruction de la demande d’asile prend trop de temps entre le dépôt, l’enregistrement, l’instruction des dossiers, sans parler des délais induits par la complexité administrative et les recours devant différentes juridictions. Toutes ces procédures peuvent durer jusqu’à deux ans. Or, pendant cette période, on ne peut pas vivre de manière transitoire dans un pays. On s’installe, on tisse des liens familiaux… On voit donc que face à cette pression migratoire le système actuel n’est plus satisfaisant.
J’ai donc demandé une réforme en profondeur du système d’asile en France, pour le déconcentrer et pour accélérer considérablement les délais d’instruction des demandes d’asile. L’objectif est que nous divisions ces délais moyens par deux, en passant à six mois toutes procédures comprises.
Il y a ensuite les migrants qui ne relèvent pas de l’asile, qui n’ont donc pas vocation à s’établir en France, et dont il faut régler la situation conformément à notre droit avec humanité, et dans le cadre d’une plus grande coopération internationale. Il faudra assurer l’effectivité de leur reconduite à la frontière et travailler étroitement avec les Etats d’où sont originaires ces personnes, avec les pays de transit, et lutter plus efficacement contre les filières mafieuses qui exploitent la détresse humaine. Sur toutes ces questions, je suis favorable à des réformes en profondeur qui permettent d’avoir une même philosophie européenne. Il faut notamment remédier à la situation ubuesque que qu’on observe avec «les dublinés», ces personnes qui passent d’un pays à l’autre en espérant enfin obtenir l’asile.
- Après le Brexit et l’élection de Trump, votre élection donne-t-elle un coup d’arrêt aux populismes en Europe ? Le modèle macron est-il exportable ailleurs?
- Je me méfie du terme populisme car il a plusieurs colorations. Beaucoup, à droite et à gauche, m’ont dit que j’étais populiste. Quand les partis sont fatigués, on s’étonne qu’on puisse parler au peuple! Si c’est ça être populiste, ce n’est pas un mal. Moi je ne crois pas dans la démagogie, qui consiste à flatter un peuple pour lui dire ce qu’il attend, lui parler de ses peurs. Je n’ai pas l’arrogance de penser que mon élection marque un coup d’arrêt. Les Français ont toujours été comme ça: au moment où on ne les attend pas, il y a un sursaut. La France n’est pas un pays qu’on réforme, c’est un pays qui se transforme, un pays de révolution. Donc aussi longtemps qu’il est possible de ne pas réformer, les Français ne le font pas. Là, ils ont vu qu’ils étaient au bord du précipice et ils ont réagi. Mon élection, comme la majorité obtenue à l’Assemblée, ne sont pas un coup d’arrêt: elles sont un début exigeant. Le début d’une renaissance française et je l’espère européenne. Une renaissance qui permettra de repenser les grands équilibres nationaux, européens, internationaux, de retrouver une ambition, une capacité à regarder les choses en face, à ne pas jouer sur les peurs mais à les transformer en énergie. Car les peurs sont là et donc ce qui divise les sociétés demeure. Il n’y a pas de recette miracle, c’est un combat de chaque jour. J’ai parié sur l’intelligence des Françaises et des Français. Je ne les ai pas flattés mais j’ai parlé à leur intelligence. Ce qui épuise les démocraties, ce sont les responsables politiques qui pensent que leurs concitoyens sont bêtes. En jouant avec démagogie de leurs peurs, de leurs contrariétés et en s’appuyant sur leurs réflexes. La crise de l’imaginaire occidental est un défi immense et ce n’est pas une personne qui le changera. Mais j’ai la volonté de retrouver le fil de l’histoire et l’énergie du peuple européen. Pour endiguer la montée des extrêmes et la démagogie. Car c’est ça, le combat de civilisation.
- Comment gérer le risque que représente Donald Trump?
Donald Trump est d’abord celui qui a été élu par le peuple américain. La difficulté est qu’aujourd’hui il n’a pas encore élaboré le cadre conceptuel de sa politique internationale. Sa politique peut donc être imprévisible et c’est pour le monde une source d’inconfort. Concernant la lutte contre le terrorisme, il porte la même volonté d’efficacité que la mienne. Je ne partage pas certains de ses choix, avant tout sur le climat. Mais j’espère qu’on pourra faire en sorte que les Etats-Unis réintègrent l’Accord de Paris. C’est la main que je tends à Donald Trump. Je souhaite qu’il change d’avis. Car tout est lié. On ne peut pas vouloir lutter efficacement contre le terrorisme et ne pas s’engager pour le climat.
- Si la ligne rouge de l’utilisation des armes chimiques est franchie en Syrie, la France est-elle prête à frapper seule ? Et peut-elle le faire?
Oui. Quand vous fixez des lignes rouges, si vous ne savez pas les faire respecter, vous décidez d’être faible. Ce n’est pas mon choix. S’il est avéré que des armes chimiques sont utilisées sur le terrain et que nous savons en retracer la provenance, alors la France procédera à des frappes pour détruire les stocks d’armes chimiques identifiés.
- Il y a un problème de zones de défense aérienne. Il faut une coopération indispensable avec les autres pays de la coalition…
Oui, mais qu’est-ce qui a bloqué les choses en 2013? Les Etats-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la France? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en tirer les conséquences. Et qu’est-ce qui a du coup libéré Vladimir Poutine sur d’autres théâtres d’opérations ? Le fait d’avoir constaté qu’il avait face à lui des gens qui avaient des lignes rouges mais ne les faisaient pas respecter.
Je respecte Vladimir Poutine. J’ai eu avec lui un échange constructif. Nous avons de vrais désaccords, sur l’Ukraine en particulier, mais il a vu aussi ma position. Je lui ai parlé longuement en tête à tête des sujets internationaux ainsi que de la défense des ONG et des libertés dans son pays. Ce que j’ai dit en conférence de presse, il ne l’a pas découvert. C’est ça, ma ligne. Dire les choses avec beaucoup de fermeté à tous mes partenaires mais leur dire d’abord en tête à tête. Aujourd’hui, nous avons avec Vladimir Poutine le sujet ukrainien, que nous continuerons à suivre dans le cadre du processus de Minsk et du format «Normandie». Nous aurons avant le G20 de Hambourg, au début juillet, une réunion sous ce format avec l’Ukraine et l’Allemagne. Et il y a la Syrie. Sur ce sujet, ma conviction profonde, c’est qu’il faut une feuille de route diplomatique et politique. On ne règlera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. Le vrai aggiornamento que j’ai fait sur ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime!
Sur la Syrie, mes lignes sont claires. Un: la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie. Deux: la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un Etat failli. Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néo-conservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions? Des Etats faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie. Trois: j’ai deux lignes rouges, les armes chimiques et l’accès humanitaire. Je l’ai dit très clairement à Vladimir Poutine, je serai intraitable sur ces sujets. Et donc l’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. La France sera d’ailleurs à cet égard parfaitement alignée avec les Etats-Unis. Quatre: je veux une stabilité syrienne à moyen terme. Cela veut dire un respect des minorités. Il faut trouver les voies et moyens d’une initiative diplomatique qui fasse respecter ces quatre grands principes.
- Alors que le groupe Etat islamique perd des territoires en Syrie et en Irak, un terrorisme dit «low cost» défie nos démocraties. Comment placer le curseur entre une législation d’exception et la nécessité de protéger les libertés?
- Parlons d’abord de l’état d’urgence en France. L’état d’urgence était destiné à répondre à un péril imminent résultant d’atteintes grave à l’ordre public. Or la menace est durable. Il faut donc s’organiser sur la durée. Je prolongerai l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre, le strict temps nécessaire pour permettre au Parlement d’adopter toutes les mesures indispensables à la protection des Français.
Un texte est présenté ce jeudi en conseil des ministres. Quel est son esprit ? Il prendra en considération toute les formes de menaces et notamment les actes d’individus isolés que nous avons pu constater récemment. Nous prévoyons des procédures spécifiques pour lutter contre ce terrorisme islamiste. Ce n’est en rien un affaiblissement de l’Etat de droit, ni une importation de l’état d’urgence dans l’Etat de droit. Il faut construire les instruments pour lutter contre ce risque nouveau, sous le contrôle du juge, administratif ou judiciaire. Il faut des réponses inédites et propres à la lutte contre ce terrorisme islamiste. C’est ce dont notre société a besoin pour sortir de l’état d’urgence permanent.
Il faut ensuite renforcer la coordination de l’ensemble de nos services face à la menace terroriste. C’est dans cadre que j’ai souhaité la création de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, avec la création en son sein d’un centre national de contre-terrorisme.
Cela suppose enfin d’avoir une politique internationale cohérente et de savoir parler avec toutes les parties. Mon principe diplomatique est celui-là. J’ai parlé cinq fois au président Erdogan depuis que je suis là. J’ai eu deux fois le président iranien Rohani. J’ai reçu Vladimir Poutine. La France n’a pas à choisir un camp contre l’autre. C’est sa force et son histoire diplomatique. Nous devons retrouver la cohérence et la force d’une politique internationale qui nous redonne du crédit.
- Vous parlez d’un dialogue franc avec Vladimir Poutine. Mais il ne bouge sur rien. Il y a encore des combats en Ukraine, dans le Donbass, la Crimée est toujours occupée… Cherchez-vous une nouvelle méthode?
- Quand je parle de dialogue franc avec Vladimir Poutine, je ne dis pas qu’il est miraculeux. Qu’est-ce qui motive Vladimir Poutine? C’est de restaurer un imaginaire russe puissant pour tenir son pays. La Russie elle-même est victime du terrorisme. Il a lui-même à ses frontières des rebellions et des identités religieuses violentes qui menacent son pays. Tel est son fil directeur, y compris en Syrie. Je ne crois pas qu’il ait une amitié indéfectible à l’égard de Bachar el-Assad. Il a deux obsessions: combattre le terrorisme et éviter l’Etat failli. C’est pour cela que sur la Syrie des convergences apparaissent. Longtemps nous avons été bloqués sur la personne de Bachar el-Assad. Mais Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien. L’objectif de Vladimir Poutine, c’est de restaurer la Grande Russie, parce que c’est selon lui la condition de survie de son pays. Est-ce qu’il cherche notre affaiblissement ou notre disparition? Je ne le crois pas. Vladimir Poutine a sa lecture du monde. Il pense que la Syrie est une question de voisinage fondamental pour lui. Que peut-on faire? Réussir à travailler ensemble sur la Syrie pour lutter contre le terrorisme et déboucher sur une vraie sortie de crise. Je pense que c’est faisable. Je continuerai à être un interlocuteur très exigeant en matière de libertés individuelles et de droits fondamentaux. Ce qui est sûr, c’est que nous avons un devoir: la protection de l’Europe et de ses alliés dans la région. Là-dessus, nous ne devons rien céder.
- Et la Turquie, comment gérer les relations avec ce pays qui ne partage pas nos valeurs?
- La Turquie heurte en ce moment certaines de nos valeurs. Mais elle partage certains de nos intérêts. Nous sommes d’abord liés à la Turquie par le conflit syrien. La Turquie est un élément clé de notre politique régionale puisque c’est à la fois un voisin de la Syrie, un pays qui accueille un grand nombre de réfugiés et qui coopère dans la lutte contre le terrorisme. J’ai un dialogue exigeant et lucide avec le président Erdogan. Nous avons besoin de ce dialogue avec la Turquie. Je souhaite qu’en matière de migrations, ce dialogue soit européen et coordonné. Quand l’Europe a conclu un accord, elle l’a fait tard et de manière subie, même si celui-ci a donné des résultats. Il ne faut pas reproduire cette erreur. Pour le reste, compte tenu des positions actuelles de la Turquie, il est évident qu’aller plus loin vers une intégration européenne n’est pas une évolution envisageable.
- Le sport concourt à la diplomatie. Vous avez décidé d’aller vous-même défendre la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 devant le CIO. Pour vous, cette candidature va bien au-delà de la candidature d’une ville?
- C’est l’engagement de tout un pays que je veux manifester en me rendant les 11 et 12 juillet à Lausanne puis à Lima en septembre. Pourquoi? Parce que c’est un événement sportif, mais bien plus que cela: il correspond notamment à la politique que nous voulons mener sur le handicap; ce sont des jeux olympiques et paralympiques! C’est un élément de fierté nationale et de mobilisation, un événement économique considérable. C’est également un geste qui montre que, dans notre bataille de long terme face au terrorisme, on n’arrête pas les grands événements. Et puis c’est une candidature européenne et francophone. Ce n’est pas simplement celle de Paris, ni de la France. Cela partie de ces éléments d’engagement, de fierté, de projection dont un pays a besoin. Cela n’a rien d’anecdotique à mes yeux. C’est un élément fort qui démontre qu’on n’embrasse pas un monde fait uniquement de violence, mais un monde de valeurs partagées, de réconciliation, de joie, de compétition pacifiée.
INA - Jalons - Le deuxième tour des élections législatives de novembre 1958 - Ina.fr
La nouvelle Constitution ayant été adoptée, les Français sont appelés à élire leurs représentants à l'Assemblée nationale.