Le 49-3 sous Valls et maintenant les ordonnances, les petites louves et les petits loups, plus ou moins insoumis, fans d’une potentielle VIe République, crient au déni de démocratie.
C’est de bonne guerre mais ces 2 procédures résultent de la volonté du père de la Constitution de la Ve République, Michel Debré de traduire l’exécration de Charles de Gaulle pour ce qu’il qualifiait avec mépris de régime des partis, qui trouvait là sa plus haute expression. Devant ses ministres réunis le dimanche 20 janvier 1946, il expliquait qu'il serait « vain et même indigne, d'affecter de gouverner, dès lors que les partis ont recouvré leurs moyens et repris leurs jeux d'antan ».
Il s'agit, dans son esprit, de bien choisir entre un gouvernement qui gouverne et une assemblée omnipotente, ne faisant que déléguer à un gouvernement pour accomplir ses volontés.
Dans ses Mémoires de guerre (Le Salut), de Gaulle s’expliquait : « J'entrai, serrai les mains et, sans que personne s'assit, prononçai ces quelques paroles : « Le régime des partis a reparu. Je le réprouve. Mais, à moins d'établir par la force une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n'ai pas les moyens d'empêcher cette expérience. Il me faut donc me retirer. Aujourd'hui même, j'adresserai au Président de l'Assemblée nationale une lettre lui faisant connaître la démission du Gouvernement. Je remercie bien sincèrement chacun de vous du concours qu'il m'a prêté et je vous prie de rester à vos postes pour assurer l'expédition des affaires jusqu'à vos successeurs soient désignés. »
L’implosion des 2 grands partis de gouvernement lors de la Présidentielle nous replonge dans un entre-deux qui risque d’un retour de l’instabilité parlementaire.
En effet, les joies du scrutin uninominal d'arrondissement à 2 tours risquent de rendre caduque les petits calculs de ceux qui veulent ramasser la mise.
Prophétie inquiétante pour la gauche de l'expert électoral Xavier Chinaud: « le PS et Mélenchon vont se cannibaliser aux législatives. Ils s'élimineront du second tour et les mélanchoniste qui s'imaginaient faire élire plus de 50 députés se trompent lourdement ! » Quant aux socialistes, ils pourraient se retrouver moins nombreux qu'en 1993 où ils n'avaient fait élire que 52 députés. ». En privé, les dirigeants socialistes lui donnent raison, et pour certains redoutent même « de ne pas dépasser les 20 ou 30 élus ».
À quand le retour des apparentements que le gouvernement de la Troisième Force avait fait voter dans une loi électorale de mai 1951 qui instaure les apparentements. La Troisième force fut une coalition politique française sous la quatrième qui rassemblait les socialistes de la SFIO, le MRP et les radicaux plus quelques petits partis centristes. Cette loi prévoyait que, dans un scrutin proportionnel, deux listes distinctes pouvaient annoncer qu'elles s'apparentaient. Dans ce cas, elles additionnaient le nombre de voix qu'elles ont obtenues. Si à elles deux elles obtenaient la majorité absolue des suffrages, elles recevaient tous les sièges au sein d'une circonscription. Ce système favorisait les partis de la Troisième Force qui pouvaient s'apparenter, alors que les gaullistes ou les communistes ne pouvaient pas le faire. Le triomphe du régime des partis !
Les ordonnances : article 38 de la Constitution :
« Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des Ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé́ devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »
Les ordonnances sont des actes pris par le Gouvernement en matière législative en vertu d’une habilitation du Parlement.
Les ordonnances prennent la suite des décrets-lois pratiqués sous la IVe République. La confusion qui était née de cette pratique a poussé́ le constituant à poser de nombreux garde-fous en 1958.
Les ordonnances résultent toujours de projets de loi et non de propositions de lois -> le Parlement ne peut prendre l’initiative de son propre dessaisissement.
Le Gouvernement doit expliciter son « programme » puisque les ordonnances sont prises pour l’exécution de celui-ci. Le Conseil Constitutionnel a jugé que par ce terme, on attend du Gouvernement qu’il expose « quelle est la finalité́ des mesures qu’il se propose de prendre et leurs domaines d’intervention » (Décision 86-207 DC). L’habilitation doit donc être précise et ne peut être inconditionnelle et générale.
Cette habilitation est donnée par le Parlement, après une procédure législative classique, pour un « délai limité ». Celui-ci est le plus souvent de quelques mois mais il peut être plus long. Ainsi il est arrivé́ qu’avant la fin du délai, le gouvernement change. De même, il est arrivé́ que le délai puisse dépasser la durée restante de la législature.
Les ordonnances sont ensuite prises par le Gouvernement en Conseil des Ministres après avis du Conseil d’État.
Enfin les ordonnances doivent être signées par le Président de la République (article 13 de la Constitution). Le Président de la République peut-il refuser cette signature ? On aurait pu penser que sa compétence était liée comme pour la promulgation des lois (article 10 de la Constitution). Mais en 1986, le Président Mitterrand a refusé́ de signer 3 ordonnances présentées par le Gouvernement Chirac, estimant qu’il n’était pas tenu de le faire : pour lui c’était un pouvoir discrétionnaire. Le Gouvernement a reculé́ et a finalement renoncé à ses ordonnances. C’est donc la pratique qui a tranché́ : le Président de la République peut refuser de signer les ordonnances.
Les ordonnances sont ensuite publiées et non promulguées. Elles entrent immédiatement en vigueur.