Dimanche soir il pleuvait comme vaches qui pissent et soufflait un vent à décorner les bœufs, pas très engageant pour une sortie de Paris le lendemain.
Les météorologues, nouveaux augures modernes, prévoyaient, sans se mouiller, nuages et soleil sur le parcours et là où nous devions aller.
Là-bas, ces jours derniers, le ciel n’avait pas épargné nos amis vignerons, déjà durement touchés en 2016, le thermomètre descendu très au-dessous de zéro mettait en péril les frêles bourgeons du vignoble.
La répétition des catastrophes naturelles : gel, grêle, doublée d’attaques d’oïdium ou de mildiou, mettent en péril économique des vignerons qui ont fait des choix forts qui sortent des sentiers battus.
Il est temps de sortir pour nous d’une affliction de bon aloi, du « on est navré pour vous » ou d’une simple solidarité qui malheureusement ne sera pas à la hauteur des problèmes financiers de nos amis vignerons.
Que faire alors ?
Écouter les réflexions, les propositions des intéressés – il y en a en arboriculture, croyez-moi – pour mieux protéger les vignobles des aléas climatiques, et surtout les aider à faire remonter leurs demandes aux instances chargées de décider INAO, Ministère de l’Agriculture.
Ce n’est pas en restant le cul bien calé dans son fauteuil face à son écran ou en passant son temps à vilipender tout le monde pour vendre sa soupe, que nous pourrons contribuer positivement à faire avancer des propositions concrètes mises en avant par les vignerons qui ont fait des choix courageux.
C’est écrit, retroussons-nous les manches !
Lundi matin 1er mai il faisait beau, Paris ne sentait pas encore le sable chaud et à 10 heures face à la station Saint-Jacques dans ma petite Twingo j’attendais mon chauffeur qui arriva pile à l’heure.
Rosalie.
Restait plus qu’à attendre notre Claire qui entretient des rapports tumultueux avec son réveil. Elle arriva avec son ¼ d’heure de retard syndical.
À l’arrière de ma petite auto, le cul posé sur le moelleux des sièges cuir, tel un Ministre partant aux champs, j’appréciais sa conduite, sûre et fluide. À l’avant, la conversation entre elle et Claire roulait, les filles d’aujourd’hui, et sans doute comme celle d’hier, ont toujours beaucoup de choses à se dire.
Pas une goutte de pluie, du soleil les deux belles affichaient des lunettes de stars et moi je contemplais le paysage où dominait le jaune pétant du colza.
À la sortie 21 nous quittâmes l’autoroute avec une pensée pour la centrale d’enrobage enterrée aux portes de Chablis. Le parcours devenait arboré, nous longions la Cure, la belle rivière qui se jette dans l’Yonne, elle-même affluent de la Seine. Comme notre cordon ombilical.
Joux-la-Ville, Lucy-le-Bois, Précy-le-Sec… les noms de villages fleurent bon le terroir, Rosalie fait glisser la Twingo sur le ruban de bitume et nous nous pointons dans le charmant village de Saint-Père.
Et nous tournons en rond car le petit GPS de Claire ne sait plus où donner de la tête. La logistique du dernier kilomètre est souvent déterminante. Je branche ma petite bête et, à deux, nous guidons Rosalie qui maîtrise avec maestria la marche arrière et le demi-tour.
Enfin nous arrivons, pile poil à 13 heures, devant le chai de la Sœur Cadette où se tient cette nouvelle édition de Chai l’un chai l’autre.
Bises à Alice et Olivier de Moor et apéritif au champagne de l’Aube chez Morgane Fleury puis déjeuner dehors sous un beau soleil. Nous buvons aussi ceci choisi par notre sommelière experte Claire.
Les filles lézardent, moi aussi. Une bolée de bon air ça fait du bien à nos petits poumons encalminés de parisiens têtes de chien.
Mais c’est bien beau de niaiser il faut aller licher.
Nous nous égaillons, les 2 gonzesses ensemble et moi, vieux loup solitaire, je pose mes premiers jalons avec quelques vigneronnes et vignerons. Nous nous reverrons… Parfois, les filles et moi nous rejoignons. Rosalie prend des notes sur son smartphone, Claire, connue de beaucoup de monde, claque des bises à la volée.
Un papy avec au cou sa petite fille me fait le coup du «c’est le rapport Berthomeau». Ça faisait un sacré bail qu’on ne me l’avait pas fait celui-là.
Nous allons et venons, c’est convivial, les vins sont bons, nous crachons sauf Claire qui n’a pas à tenir le volant. Autour de nous les diables plein de cartons de vins roulent vers des coffres.
Mon choix de cuvées à mettre en avant s’est porté vers celle issues d’assemblage de raisins venus d’ailleurs pour pallier les trous ravageurs du millésimes 2016.
Des vins de France qui ont permis de mettre un supplément de raisins dans les chais des vignerons sinistrés. Encore une piste à creuser à l’avenir pour faciliter la vie des vignerons confrontés à des aléas dramatiques.
En voilà 3 : la cuvée de nos hôtes La Sœur Cadette, celle de Thomas Pico et celle qui résume bien l’esprit de ces vignerons Melting potes d’Alice et Olivier de Moor.
Touchés eux aussi par les duretés climatiques Coralie et Damien Delecheneau La Grange Tiphaine.
Et puis, je ne peux vous énumérer toutes les découvertes, pour compléter il me faudrait consulter la banque d’images de Rosalie bien plus professionnelle que moi, en voici quelques-unes :
Lorsque nous eûmes fini nos tours et nos détours, petite séance de décontraction au soleil avec eau minérale et conversation sur cette belle journée.
L’heure du départ a sonné.
Bises à tous et notre chauffeur de maître reprend le volant au péage. Y’a du monde sur l’autoroute mais pas trop et nous entrons dans Paris comme des fleurs.
Il est 20 h 30, fin d’une belle journée de Roi avec des Reines…