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7 avril 2017 5 07 /04 /avril /2017 06:00
Suis jamais allé tortorer au Maxim’s de Beijing au temps de Deng Xiaoping mais j’ai dévoré avec volupté les lignes de  Stéphane Lagorce

Ceux qui me suivent sur cet espace de liberté connaissent mes tribulations en Chine, celle du Grand Timonier MAO ZEDONG, ICI , comprendront que dans ma moisson de livres j’ai engrangé le livre Cuisine, marxisme et autres fantaisies de Stephan Lagorce, l’Epure, 2017, 16 euros. ICI 

 

Je ne l’ai pas regretté, ce livre est une pépite, je l’ai dévoré dans sa partie récit, en sautant à pieds joints au-dessus des recettes, mais j’y reviendrai dès que j’aurai le temps.

 

Notre maître-queue possède une très belle plume, déliée, acérée, précise, vive, son périple Paris-Pékin via Moscou-Cheremetièvo, dans un « Iliouchine d’un autre âge battant pavillon Aeroflot, la vraie, celle d’avant 1989 » est un morceau d’anthologie à verser dans l’historiographie du socialisme réel, celui qui fut estampillé « globalement positif » par le PCF.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ça commence dès Roissy avec la boîte à violoncelle, objet de suspicion pour plusieurs gus taciturnes, à la face de buffles dégoulinant de sueur, mangeant des pilchards à la tomate. Réhabilitons les Pilchards qui paroissent en grandes troupes sur les côtes de Cornouailles : ode au petit commerce  , la carlingue de l’antique Iliouchine au effluves sirupeuses mêlant « en proportions indéfinies, le désinfectant industriel, le cirage pour pneu et la pommade bronchique », les hôtesses « rudes haltérophiles » genre Caterpillar, indifférentes, insensibles, pulvérisant un insecticide sur le crânes des voyageurs « 2 ou 3 bombes décorées de jolies têtes de mort, viciant plus encore déjà saturé. Il n’était pas question d’importer en terres marxistes-léninistes plus de parasites que nous autres, les sociaux-démocrates honnis du bloc capitaliste », le décollage en 3 temps du fer à repasser avec un pilote ne daignant pas expliquer les « départs avortés » ni l’absence de prise d’altitude, les hôtesses jouant aux cartes, puis ronflant du sommeil du juste pour ne s’éveiller que juste avant l’atterrissage.

 

L’escale de transit à Moscou-Cheremetièvo, qui dura 9 heures, vaut elle aussi son pesant de joyeusetés des démocraties populaires : dès le débarquement flotte dans les salles et corridors « tous verdâtres et décatis… une odeur de cuisine bouillie, de choux et de saucisses fumées », puis notre jeune maître-queue s’initie à un grand classique des DP : la queue, à la fois « agitée, tout en étant statique » agrémentée de « l’apathie, l’indolence et, plus encore la désinvolture » des fonctionnaires avant de tomber nez à nez avec « une sorte de sorcière vêtue de hardes, coiffée d’une toque grisâtre, affairée à allumer un cigarillo… l’air débordée, elle poussait un chariot de bois monté sur de minuscules roues dont aucune ne tournait… sur ce tombereau s’entassait un fatras de bouteilles aux contenus indécis, d’ustensiles de bricolage, de reliefs indéterminés et de torchons que coiffait une vapeur saturée de chou et d’un autre ingrédient déplaisant. »

 

Puis cerise rouge sur le « gâteau » l’irruption de « 3 jeunes étudiantes, courtes sur pattes et maquillées comme à la foire. Sans doute vouaient-elles un culte à la vulgarité car elles avaient porté la tare à son incandescence. Leurs lèvres, rouge limace, semblaient ramper sur des bols de crème remontant à l’aveuglette vers des sourcils en hérisson. »

 

« … elles recrutaient, bière à la main, la seule clientèle qui parut à la hauteur de leur prestige : les Allemands de l’Ouest, au mépris de tous les autres… Assises à califourchon sur leurs genoux, elles lapaient les oreilles et les oreilles avec professionnalisme, mais sans dévotion particulièreelles singèrent des coïts… ces menées, accompagnées d’âpres marchandages en langage des signes,, se prolongèrent une dizaine de minutes, puis, en triomphe, les étudiantes ressortirent avec leurs Teutons endimanchés. »

 

Enfin c’est le départ pour Pékin « La queue resta ensuite immobile un bon quart d’heure, puis reprit son avance, quasi endormie. J’arrivai au seuil de l’Iliouchine 86 (de mémoire). Une hôtesse à tête d’otarie rouge vermillon était flanquée de deux éléphants de mer au type indéfinissable, mi-mongol, mi-voyou, mi-meurtrier. Les deux tueurs à gages scrutaient la foule apathique comme un gibier trop facile à capturer et, du coup, le dédaignèrent »

 

Et puis « … nous avions quitté la Mongolie et survolions l’empire du Milieu… des villages solitaires apparaissaient maintenant et notre descente les rendait distincts. Avec une admirable ténacité, ils s’accrochaient à flanc de montagne. Ils s’y confondaient, pétris de la même ocre. Pas une tache de vert ne venait colorer ces reliefs minéraux… Puis la montagne s’adoucit, disparut peu à peu pour refaire place à une plaine quasi désertique. Des routes désertes bordées de peupliers la sillonnaient et apportaient enfin quelques lignes de couleur dans cet environnement poussiéreux. Puis, tout à coup, la campagne se fit plus verte. On y voyait bien les champs, les paysans, les attelages avec les chevaux, d’autres fermes et villages encore, d’autres murs avec d’autres slogans quand, sans crier gare, l’appareil perdit d’un coup son altitude et en un instant, de posa sur la piste. »

 

L’aventure de Stephan Lagorce au Maxim’s de Beijing au temps de Deng Xiaoping allait commencer…

 

C’est un sacré conteur, verve, tendresse, naïveté, empathie, comme l’écrit Jacky Durand dans Libé :

 

« C’est un livre jubilatoire comme les premières asperges du printemps. Une petite fugue dont on continue de se régaler bien après la dernière ligne. Courez acheter Cuisine, marxisme et autres fantaisies de Stéphan Lagorce (1) et vous pourrez encore une fois vérifier, avec délice, que le boire et le manger sont des épopées qui jettent des ponts entre les hommes et les cultures avec toujours un fond de sauce de gourmandise, de tolérance et de curiosité. »

 

Comme lui j’ai salivé avec les Œufs soufflés de «Tsing Tao», du nom des canettes de bière, qui cuisinait pour le personnel de Maxim’s. « Sorte de Bouddha mesurant «ses deux mètres, tant en longueur qu’en largeur, […] il préparait de fabuleux œufs soufflés en quantités semi-industrielles : dans son wok où fumaient plusieurs litres d’huile d’arachide à peine raffinée, il versait des œufs battus agrémentés de pousses d’ail et d’aromates. Au contact de l’huile surchauffée, la masse d’œufs se soufflait en un énorme édredon qui était ensuite découpé et dégusté brûlant».

 

« Cuisine, marxisme et autres fantaisies se lit comme un conte à rêver debout, une fable sur le destin de la Chine depuis trente ans. Avec un auteur-chef qui fricasse les mots mais aussi les mets en truffant son récit de recettes aussi truculentes que savoureuses mitonnées sur des fourneaux français et chinois. »

 

Achetez-le !

Suis jamais allé tortorer au Maxim’s de Beijing au temps de Deng Xiaoping mais j’ai dévoré avec volupté les lignes de  Stéphane Lagorce
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