Ce proverbe va comme un gant à Guillaume Nicolas-Brion, l’un des 3 auteurs de l’excellent Guide des pains qui ont d’la gueule, car ce bougre ne sort jamais sans sa musette pleine d’un quignon de bon pain, d’un kil de vin nu et d’un coulant fromage qui pue.
Le natif de la Vendée crottée que je suis, fils d’Arsène qui égrenait avec sa machine à battre Merlin tous les grains pour faire le pain, copain des frères Remaud les fils de p’tit Louis le boulanger, a appris autour de la table familiale à respecter la valeur du pain ; le pain de 4 signé de la croix avant d’être tranché ; le pain béni de la messe ; la « bechée » de pain essorant le beurre brûlée de la poêle où la mémé Marie venait de cuire les petites sardines sablaises ; les tartines de pain embeurrée du goûter avec des carreaux de chocolat Menier…
Qui a des pois et du pain d’orge, - Du lard, et du vin pour sa gorge ; - Qui a cinq sous et ne doit rien, - Il se peut dire qu’il est bien.
Six mille proverbes et aphorismes usuels empruntés à notre âge et aux siècles derniers par Charles Cahier - Proverbes français.
J’ai donc, année après année, avec tristesse, suivi la lente dégradation du bon pain quotidien, tout galérant pour dénicher ceux des boulangers qui maintenaient la tradition du bon pain.
Pour Steven L. Kaplan, l’historien américain de référence sur le pain, la raison en est que la panification a suivi deux tendances au cours du siècle dernier : une baisse constante de la qualité de la grande majorité des produits, et l'émergence d'une nouvelle race des boulangers artisanaux consacrés à l'excellence et de tradition.
Pour lui la baisse de la qualité a commencé en 1920 avec le passage de la panification lente avec une base de levain à un processus rapide en utilisant des levures. Mécanisation dans les années 1960 qui a contribué à la fabrication du pain qui manquait goût et l'arôme. La tendance a commencé à s'inverser dans les années 1980. Les meuniers français ont fourni aux boulangers de la meilleure farine et un plus grand soutien de la commercialisation. Lionel Poilâne a conjugué production à grande échelle avec pratiques artisanales comme la longue fermentation au levain et four à bois à pâte. La «tradition», comme on l'appelle, est plus chère que la baguette ordinaire, qui utilise des additifs, la fermentation rapide montante et la mécanisation, et représente environ 75 % des ventes de pain du pays.
L’opus TRONCHES DE PAIN de Cécile Cau, GNB et Marie Rocher tombe à pic pour aider celles et ceux qui veulent retrouver le goût du bon pain.
Le guide des pains qu'ont d'la gueule de Cécile Cau et Guillaume Nicolas-Brion
Les Editions de l'Epure
C’est de la belle ouvrage avec tout ce qu’il faut savoir sur les céréales, les types de farine, le gluten, la panification, les levains, la fermentation, le pétrissage, le pointage, le façonnage, la grigne, l’enfournement, la cuisson : c’est clair et simple, pédagogique pour les NULS, sans prétention.
Normal Marie Rocher s’est formée à la fabrication au levain naturel à l’École internationale de la boulangerie et obtenu son diplôme d’artisan boulanger en mars 2015.
Autre grand mérite : ça ne s’adresse pas qu’aux parigots bobos mais à la France profonde et même hors nos frontières : Angleterre, Pays-Bas, Italie et Turquie.
Qui plus est c’est bien écrit avec une petite notice pratique sous chaque boulangerie.
3 de mes boulangeries sont dans le guide : Poilâne (mon historique) pages 112-113, Bruno Solquès (mon fournisseur de flan ICI, et Shinya Inagaki de Terroirs d’Avenir pages 82-83 où je fais ma moisson de pain lorsque j’emplis mes sacoches de fruits, de légumes et de viande chaque semaine.
3 adresses à découvrir : Thierry Delabre près de chez moi, Maxime Bussy dans le XXe et Christophe Vasseur dans le Xe ICI
« Bons grains de blé digeste de ses semences paysannes au pain quotidien. Pain des fleurs au fil des saisons. Du grand épeautre parfumé à l'aneth aux parfums de miel et de pain d'épices, aux grains à décortiquer aux saveurs beurrées des grands chardonnay. »