Si vous maîtrisez la langue de Shakespeare allez droit au but et lisez la prose acide de Jay Rayner publiée dimanche dernier 9 avril dans The Observer. ICI C’est plus intéressant que de s’en tenir aux saillies les plus sanglantes.
Il n’empêche que le bougre n’y va pas avec le dos de la cuiller “It’s like eating a condom that’s been left lying about in a dusty greengrocer’s,”
Traduction du Courrier International :
Ma commensale grimace : « On a l’impression de manger un vieux préservatif oublié par terre au fond d’un magasin de fruits et légumes. »
C’est à propos de « La mise en bouche par laquelle on nous intime de commencer consiste en une bille transparente posée sur une cuillère : la chose, dans la vogue de la sphérification mise au point il y a vingt ans par Ferran Adriá dans son restaurant El Bulli [en Catalogne], ressemble à un implant mammaire en silicone taille Barbie. Quand elle éclate en bouche, la bille lâche une odeur de renfermé goût gingembre. »
Vu du Royaume-Uni. « Je n’ai jamais rien mangé de plus immonde » : récit d'un repas au George V
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La charge est lourde mais attention The Observer n’est pas un tabloïd de caniveau c’est le plus ancien des journaux du dimanche (1791) est aussi l’un des fleurons de la «qualité britannique». Il appartient au même groupe que le quotidien The Guardian mais est d’obédience libérale.
Sitôt posté sur mon mur face de Bouc cette chronique s’est attiré la réaction indignée d’une préposée à la défense de l’honneur outragé du chef Christian Le Squer : c’est toute la France de la Haute Cuisine qui serait blessée dans son honneur par cette charge outrancière d’un trublion de la perfide Albion.
À d’autres, le petit chroniqueur que je suis ne veut pas engager ses moyens pour aller vérifier les dires de Jay Rayner car la douloureuse « Meal for two, including service and modest wine: €600 (£520) n’est pas dans mes désirs du moment. Si vous souhaitez que je me dévoue pour faire le job rien ne vous empêche de vous syndiquer pour m’offrir un déjeuner au V.
Sans être un grand partisan de la descente en flamme du travail de qui que ce soit ce que j’apprécie dans le brûlot de Jay Rayner c’est la bouffée d’air frais qu’il me procure dans l’atmosphère de la critique gastronomique française ( et je ne parle de celle des vins, qui est pire) qui baigne dans l’encens et se complait dans la génuflexion.
Je mets de côté les multiples stipendiés qui sont à la critique gastronomique ce que sont les lasagnes Findus au cheval à la gloire de la cuisine des mammas italiennes…
Chez les autres, ceux qui se parent dans les habits de la vertu, tout n’est que louanges, courbettes et copinage… C’est lassant, inintéressant, sans angles, trop souvent du mou pour les chats…
Quant aux exégèses, commentateurs un peu branleurs de Face de Bouc, c’est dans la même tonalité : entre regret d’un soi-disant French-bashing post-Brexit et la défense des chichis pour nouveaux riches… ils me plongent dans une profonde hilarité.
Comme l’éloge à la vulgarité d’un luxe de pacotille…
Quant à aimer le pigeon à point ce n’est pas un goût de British mais celui de beaucoup de jeunes et jolies femmes qui n’apprécient pas le sanguinolent. C’est le droit du client et ça ne mettra pas en péril le génie du chef.
Avis de tempête pour les beaufs !
Enfin, rien n’interdit à un triplement étoilé de proposer dans sa carte des vins autre chose que des GCC avec plein de zéros derrière. Y’a tout ce qu’il faut en magasin, s’il ne choisit pas ces vins c’est par paresse ou bêtise.