Je sature !
Trop c’est trop !
Quand est-ce qu’ils vont cesser de nous saouler, de nous les briser, avec l’excellence du millésime 2016 dans l’enclave de Bordeaux… Voilà même que le Figaro titre : Le rayonnement du millésime Bordelais dépasse-t-il ses frontières ?
Bordeaux, Bordelais, comme si cette vieille ville girondine regroupait tous les ceps de vigne de la Gironde, mais où sont donc passées les appellations !
Sans faire un affreux jeu de mots : tous comme une bande de moutons !
Ras-la-coupe, je donne la parole à « Edouard Minton [qui] est l’un des plus illustres représentants de cette caste privilégiée de la bourgeoisie bordelaise (le courtier), enracinée depuis des siècles dans le quartier qui porte son nom : les Chartrons. »
Vous allez voir, c’est drôlement plus enlevé que la prose pesante d’un pisse-copie de la Toile ICI
Dans sa Peugeot, Edouard Minton notre courtier, suit la route du Médoc car il a rendez-vous à Mouton (un Chartronnais ne dit jamais château devant le nom d’un cru et pratique l’abréviation : Las Cases ou Lafite comme le NAP dit Roland pour Roland Garros) avec le baron Philippe de Rothschild. «En fait, les courtiers bordelais se voyaient davantage convoqués qu’invités. Ils n’avaient à choisir ni le jour ni l’heure, fussent-ils déjà pris ou grippés»
Sa remontée vers Mouton nous vaut, lorsqu’il passe devant l’entrée du Prieuré-Lichine, à un « Ah, celui-là ! Quel type ! En voilà un autre qui ne manque pas de culot ! Il a débarqué dans le paysage comme un crieur de journaux dans une librairie ancienne. Et ces monstrueux panneaux publicitaires qu’il a plantés un peu partout au bord des vignes... Les grands crus n’ont pas besoin de réclame populaire. Il se croît dans la vallée du Rhône ! « Dégustation-vente à toute heure ». Tout de même, il faut de l’aplomb pour appeler un cru « prieuré-lichine ». Drôle d’œcuménisme. »
Pour situer le personnage, c’est un intégriste de l’église réformée qui, «en son for intérieur, n’aimait ni les catholiques ni les juifs ; quoiqu’il supportât leur compagnie avec civilité pour les nécessités du commerce.»
Des manières un peu raides, une éducation parfaite, une façon de parler « imitable à cause d’un très léger bégaiement qui pouvait passer pour une recherche du mot juste et à cause de sa prononciation particulière des « t », mouillés à l’anglaise », toujours vêtu avec sobriété, « souvent en costume trois-pièces anthracite et richelieus noirs du meilleur cirage ».
Madame « était née, Sluter, issue d’une lignée de marchands flamands dont l’installation à Bordeaux remontait au XVIe siècle » et « En trente-cinq ans de mariage, ils s’étaient tutoyés rarement, à l’occasion de disputes. Le changement de personne tenait lieu de changement de ton. Aucune invective, jamais, ne s’échangeait entre eux. » Bref, un couple uni, « malgré les incartades du courtier » et « quelques aventures passagères de son épouse. »
Leurs vacances dans leur villa du Pyla «s’assortissaient d’une tolérance qui convenait surtout au mari» quoique madame se dévouait parfois «pour déniaiser un garçon de bonne naissance». Le charme discret de la bourgeoisie des Chartrons donc !
L’auteur brosse avec subtilité, l’art et la manière d’exercer le métier de courtier de GCC.
« Le métier de courtier est à la fois lent et rapide. Il faut être à l’écoute du marché et le pressentir autant que possible en attendant l’heure de l’action. Il faut savoir téléphoner pour ne rien dire et se montrer omniprésent mais pas insistant. Il faut pouvoir foncer chez un acheteur en puissance, échantillons en main, muni d’un accréditif verbal mais indestructible de la part du vendeur.
Les arguments ne reposent pas tous sur la qualité du vin. Savoir que Bertrand de Plassac a réalisé un joli contrat au Canada, et qu’il est – si tant que faire se peut – heureux en amour et en famille, est un atout dans la manche que les maîtres du jeu utilisent à merveille.
Connaître les besoins d’argent d’un propriétaire ambitieux, au moment, où il convient le mieux de les satisfaire, constitue un avantage décisif.
Faire traîner l’établissement d’un bordereau, pour des raisons futiles mais réelles, est susceptible de provoquer une émulation bénéfique, à l’achat comme à la vente. C’est une question de dosage du temps. Car l’attente excessive peut se retourner contre vous. De même, la trop grande hâte est préjudiciable à l’image sérieuse de l’intermédiaire.
Le courtier est une ombre agissante, qui possède l’art de ne rien faire en donnant l’impression d’être indispensable, ou qui va plus vite que ses partenaires, grâce à un supérieur instinct de chien de chasse, pointer et retriever. »
« La Peugeot montait sans effort la petite côte arrivant sur le plateau de Beychevelle. De part et d’autre de la route, les châteaux Beychevelle et Branaire se regardaient en chiens de faïence. On ne sait plus trop comment le lopin de terre qui se trouve devant la grille principale d’entrée de Branaire appartenait à Beychevelle. Pour aller à Branaire, il fallait contourner la vigne et pénétrer par les communs. Les relations entre les deux vis-à-vis s’étant dégradées, Beychevelle mettait son linge à sécher devant la grille de fer forgé de Branaire. Edouard Minton pensa à la légende du duc d’Epernon, selon laquelle les navires passant devant le château devaient baisser leurs voilures en signe de salut. Maintenant, c’était « le duc » qui suspendait ses draps de lit au bord de la route ! »
C’était le bon temps !
Si vous me dites à qui appartenait cette belle plume je vous mijoterai un bon petit plat.
En attendant je vous offre la partition de l'Orchestre rouge, paroles et musique de JACQUES DUPONT ET OLIVIER BOMPAS…
« Quel est selon vous votre meilleur millésime ? » demandait un candide.
« Celui qui est à vendre », lui fut-il répondu. Histoire bordelaise bien connue. Nous approchions donc ce nouveau-né avec des accents circonspects. Vrai diamant ou verroterie ?