Les expressions «valise » font florès, il en est ainsi du fameux «Bordeaux bashing» qui par construction laisse entendre que les vins de Bordeaux font l’objet d’une sauvage agression, d’un dénigrement systématique, qu’ils sont des victimes ?
Des victimes de qui ?
D’un sombre « cabinet noir » ?
Je plaisante, alors d’une action concertée de leurs concurrents gaulois ou mondialisés ?
La réponse est sans contestation est non !
Les vins de Bordeaux, plus précisément ceux qui sont « mandatés » pour les promouvoir, les dirigeants du CIVB n’ont pas su analyser les causes du désamour des nouveaux consommateurs et en tirer les conséquences. Ils se sont laissés ringardiser.
Parodiant le slogan qui était celui de Carrefour en ses beaux jours « son fameux ¼ heure d’avance sur la concurrence » j’affirme que par suffisance, une certaine forme d’arrogance, depuis les années 2000, accrochés qu’ils étaient à leur certitude de garder, contre vents et marées, leur leadership, les dirigeants du CIVB se sont plantés, n’ont pas pris les bons trains en marche, faute de faire des choix stratégiques courageux et clairs.
Souvenir ancien de ma participation au Journal inattendu de RTL sur mon fameux rapport, en duplex avec les dirigeants du CIVB restés à Bordeaux, je fus accusé par eux de mettre sur la table des propositions félonnes visant à déstabiliser les vins de Bordeaux au profit des roturiers du Languedoc.
Bordeaux régnait sans partage sur le royaume des AOC, oser affirmer qu’ils pourraient, un jour, tomber de leur piédestal était un crime de lèse-majesté, à l'INAO personne ne mouftait face à l'expansionnisme des vins de Bordeaux.
Mais
« Sous les grandes ombrelles que sont nos appellations d’origine contrôlée, surtout sous celles qui jouissent de la plus grande notoriété, s’abritent des vins moyens voire indignes de l’appellation. Succès aidant ou pression d’une demande momentanée une grande part de nos vins de pays, petits nouveaux dans la cour, se sont laissés aller, comme certains de leurs grands frères AOC, à confondre rendement administré, moyenne arithmétique, et qualité du produit. On optimisait la déclaration de récolte. Nous étions sur notre petit nuage, grisés, insoucieux telle la cigale de la fable, alors qu’il eût fallu capitaliser les dividendes de cette embellie en investissements commerciaux, en un pilotage fin de chacun de nos vignobles - quel que soit son statut juridique, sa notoriété, - par les metteurs en marché. »
La suite vous la connaissez, je n’ai nul besoin de vous faire un dessin.
Face à cette situation le CIVB aligne des plans stratégiques à la queue leu leu : ce fut en 2010, « Bordeaux demain » et en 2017 ce ne sera pas « Bordeaux après-demain » mais « Bordeaux, ambitions 2025 ».
L’enjeu ?
Redonner à Bordeaux la place de leader aux AOC de la filière.
« Bordeaux continue de souffrir sur les marchés français et européens »
Urgence.
En 2016 la commercialisation en France et à l’export des vins de Bordeaux a atteint 4,73 millions d’hectolitres. En volume comme en valeur la baisse est de 3%. En France et en grandes et moyennes surfaces, les ventes sont en baisse de 3% en volume et de 1% en valeur.
Allan Sichel, le président du CVB a donné le ton le 24 avril, en assemblée générale, martelant que «si la situation s’est améliorée, des défis importants demeurent ». D’où l’enjeu qui consiste à « redonner leur place de leader aux vins de Bordeaux en formalisant un plan ambitieux ».
Le CIVB sera accompagné dans sa réflexion, associant tous les acteurs de la filière, par le cabinet Kea. Le plan en question sera finalisé d'ici la fin de l'année.
« Il tracera des perspectives, proposera des outils, détaille Allan Sichel. Son objectif central sera d'identifier tous les leviers d'actions permettant de créer de la valeur, pour les opérateurs, viticulteurs, les distributeurs, les négociants... mais aussi pour le consommateur. »
« La reconquête des ventes passera notamment par l'Europe, où les vins de Bordeaux sont chahutés. La Chine, « un gros marché dont nous ne devons pas être trop dépendants », les USA « où les perspectives de gain de parts de marchés sont intéressantes », ne seront pas oubliées. Allan Sichel voit aussi plus loin et ambitionne « de se projeter plus loin, à l'horizon 10, 20, 30 ans. Quelle sera alors la consommation en Afrique, en Inde, que peuvent y espérer les vins de Bordeaux ? »
Fédérer ! Une gouvernance en Cercles
« Pour ce faire un dispositif en cercles concentriques devrait permettre de mobiliser l’ensemble du CIVB. Un premier cercle réunira une douzaine de personnes. Un deuxième cercle sera constitué de 50 à 80 représentants du CIVB, puis le troisième cercle avec le reste des adhérents. Pour la réussite de ce plan : trois conditions pour le cabinet Kea : « une dynamique collective, une vision inspirée et un dialogue stratégique «. Ni plus ni moins. D’ici la fin de l’année, l’ossature du plan sera présentée. Il abordera la marque avec ses forces et ses faiblesses, le couple produits-marchés, les actifs immatériels, le retour d’expérience du précédent plan, la création de valeurs, la RSE. »
Le cabinet Kea c’est 40 consultants en France, 123 bureaux en Europe, 50% du chiffre d’affaires réalisé en grande distribution et consommation sera chargé de concocter une partition permettant de reconquérir des parts de marchés.
Ha ! la sous-traitance, imaginez un instant l’état-major d’Eisenhower déléguer l’intendance du Jour le plus long à des consultants.
Aveu de faiblesse de la définition même d’une stratégie qui intègre le faire. On en reste à des objectifs si généraux, si flous, pour que tout le monde semble y retrouver son compte, preuve qu’il n’y a aucun stratège à la barre.
Tant qu’à Bordeaux il ne sera pas admis que l’ancien système recèle un gap systémique, une distorsion entre le grand luxe des GCC à l’international et la ramasse du vrac à quelques euros sur le marché domestique de Baron de Lestac (mais où sont au CIVB les Pierre Castel et les Joseph Helfrich, les volumiques ?) la stratégie ne sera qu’un exercice cosmétique, de pure politique.
Si le Bordeaux ordinaire veut retrouver de la notoriété, là où se gagne aujourd’hui la notoriété, il faudra faire de vrais choix sur la ressource, trier, admettre l’espace de liberté des vins de France, cesser de tergiverser sur le respect réel de l’environnement.
Convaincre, quoi !
Et ce n’est pas avec les vieilles recettes d’un cabinet conseil en grande consommation que viendra la lumière, aussi bien sur le marché domestique qu’à l’international, bien au contraire c’est par une réelle remise en cause du modèle de base que la grande maison de Bordeaux peut retrouver les bases de son prestige écorné.
Moi ce que j’en dis c’est pour causer puisque je suis retiré des voitures mais en cochon de payant, vous savez le consommateur de plus de 65 ans qui traîne plutôt ses guêtres dans les bars à vin de Paris et d’ailleurs, plutôt que de se faire rincer à la table des grands châteaux, je continue d’affirmer que sans un diagnostic clair et courageux il n’y a pas de stratégie gagnante.
Se leurrer c’est commode mais de grâce cessez de nous saouler avec votre prétendu Bordeaux bashing !