« Michel pensait que l'on avait été un peu injuste avec la Corse et lorsqu'il était à Matignon il espérait s'occuper de la Corse. M. Joxe, ministre de l'Intérieur et ami du président de la République, lui avait fait savoir: « La Corse c'est moi ! ». Le dossier s'était refermé pour Michel à cette époque-là, mais il l'avait toujours regretté. »
C’est ce que dit Sylvie Rocard dans un entretien à France 3 Corse ViaStella au moment où les cendres de Michel Rocard ont été inhumées le jeudi 2 mars à Monticello en Balagne, village d'où son épouse est originaire.
Je ne vais pas me pousser du col mais j’ai participé à tous les Conseils interministériels sur la Corse, j’étais le seul non Ministre à la table (privilège que m’accordait Michel Rocard avec qui j’avais collaboré lorsqu’il était Ministre de l’Agriculture). Je pilotais le volet agricole du dossier corse, qui pesait lourd. Je me rendais au moins une fois par mois sur l’île.
Le 1 août 2006 j’écriais dans une chronique :
« Je me souviens du préfet Thoraval, un grand bonhomme nommé par Charles Pasqua, il me jaugea, la connection se fit et bien plus tard, alors qu'il était devenu président du Secours Catholique, dans le bus 68 nos regards se croisaient;
Je me souviens du DRAF louant un hélicoptère pour me faire découvrir l'île vue du ciel : un choc ! Nous en profitâmes pour rendre visite discrètement à deux éleveurs. J'étais déjà infréquentable;
Je me souviens de ce petit c... de Filidori, avec ses petites lunettes, son mépris, me traitant de valet du pouvoir colonial au nom de la Confédération Paysanne ;
Je me souviens des bureaux de la Chambre d'Agriculture calcinés, un moyen sûr de faire taire les disques durs des ordinateurs ;
Je me souviens de Lucien Tirroloni, le président de la Chambre que j'aimais bien, assassiné sur un trottoir ;
Je me souviens des Comités Interministériels avec Michel Rocard, j'ouvrais mon clapet en plantant mon regard dans celui de Pierre Joxe dont les sourcils broussailleux me rappelaient le maquis;
Je me souviens du préfet de police d'Ajaccio négociant ma sécurité avec les chefs du Canal à propos d'une émission en direct sur France 3 Corse entre 22H et minuit;
Je me souviens d'un Préfet de Région nommé pour faire du développement économique, bon petit soldat jeté dehors qui s'épanchait dans mes bras sous la voute du salon de la Préfecture en écoutant un opéra de Verdi ;
Je me souviens des gilets pare-balles qui venaient me cueillir au bas de la passerelle sur le tarmac de Campo del Oro lors de mes derniers voyages »
EXTRAIT du journal Le Monde du jeudi 24 octobre 2002 : Pierre Joxe a témoigné devant le juge en juin.
« Ministre de l'intérieur de mai 1988 à janvier 1991, Pierre Joxe, aujourd'hui membre du Conseil Constitutionnel, a été interrogé le 28 juin en qualité de témoin par le juge Duchaine. « Comment expliquez-vous sue l'Etat ait pu consacrer plus de 440 millions de francs à la mesure [Nallet], alors que l'enveloppe prévue était de 185 millions ?" lui a demandé le magistrat. » Les dépassements de crédits sont fréquents, a répondu M. Joxe. Ils sont votés annuellement, ils peuvent être reconduits d'année en année ou augmentés par décision budgétaires ou par transfert interne. » Questionné sur le témoignage du directeur de cabinet au ministère de l'agriculture à cette époque, Jacques Berthomeau, pour qui le dossier avait été « piloté par Matignon (...) et co-piloté par Pierre Joxe », il indiqué : « C'est exact que j'ai co-piloté ce dossier, puisque, même si Rocard s'y intéressait beaucoup, il m'a délégué et soutenu dans l'élaboration du statut pour la Corse. M. Berthomeau, qui avait déclaré qu'il voyait « mal un préfet aller chercher ses ordres ailleurs qu'auprès de M. Joxe », s'est attiré cette réplique : « Si Berthomeau voit mal, je n'y peux rien. »
Sylvie Pélissier née Emmanuelli a raison !
Elle revient sur aussi sur la soudaine décision de Michel Rocard :
Lorsque... il y a quelques temps nous sommes venus au village (...) je l'ai emmené au cimetière et je lui ai dit: « Tu sais c'est là que je jouais quand j'étais petite ». J'adore ce cimetière, ce n'est pas triste du tout (...) et quand il a vu cet endroit il m'a dit: « C'est magnifique, je viens avec toi. »
Je m’y suis rendu cet été ICI Ma supplique pour être enterré dans le cimetière sur les hauts de Monticello…
J’y retournerai bientôt.
Corse-Net Infos raconte la cérémonie d'inhumation :
C'est sur le stade de Monticello, que le Puma de l'armée de l'air s'est posé peu après midi avec à son bord le président de la République François Hollande.
Le chef de l'Etat s'est aussitôt dirigé vers Hyacinthe Mattei, Maire honoraire et son fils Joseph Mattei, maire de la commune, pour une franche accolade, avant de saluer quelques personnes, et de s'engouffrer dans une voiture pour se diriger vers le cimetière communal où devait se dérouler la cérémonie d'inhumation des cendres de l'ancien premier ministre Michel Rocard, grand serviteur de l'Etat, décédé à Paris en juillet 2016.
Une cérémonie qui se déroulait dans la plus stricte intimité, en présence de sa veuve Sylvie Pélissier née Emmanuelli et d'une vingtaine d'invités.
Parmi eux, conviés par la veuve, Gilles Simeoni, président de l'Exécutif et son père Edmond Simeoni, Jean-Guy Talamoni, président de l'assemblée de Corse.
Devant la stèle recouverte du drapeau tricolore, François Hollande s'est longuement recueilli, avant que l'épouse de Michel Rocard ne prenne la parole.
Emue, mais fière de cet hommage rendu à son époux défunt, Sylvie lisait des passages de cette lettre que Michel Rocard avait intitulé «J'irai dormir en Corse».
« Le temps viendra bientôt, pour moi, comme pour tous, de quitter la compagnie des vivants.
Sylvie, ma dernière épouse, m’a fait, le temps de ce qui nous restait de jeunesse, redécouvrir l’amour, puis surtout rencontrer sérénité, tranquillité, confiance, le bonheur tout simplement.
A son père adoptif corse, elle doit le sauvetage de son statut social, mais pas l’affection. Elle lui doit pourtant un lieu, celui de ses joies d’enfant, de ses premières et longues amitiés, de l’exubérance de la nature, de sa beauté et de ses odeurs, au fond le lieu de son seul vrai enracinement.
C’est un village, Monticello en Balagne.
A Monticello, le cimetière est plein. Ne restait dans la partie haute, au-delà des caveaux, qu’une micro parcelle trop petite pour une tombe, suffisante pour deux urnes, au ras de la falaise. Arbres et tombeaux, tout est derrière nous. L’un des plus beaux paysages du monde. Et puis bien sûr, qui dit cimetière dit réconciliation…
Le grand Pierre Soulages s’est chargé de pourvoir à ce que les objets à placer là, une urne puis deux, un support, une plaque puis deux, magnifient la beauté du lieu plutôt que de la déparer.
A l’occasion, venez nous voir, me voir : il faut garder les liens. Peut-être entendrez-vous les grillons, sans doute écouterez-vous le silence… A coup sûr la majesté et la beauté de l’endroit vous saisiront. Quel autre message laisser que de vous y convier ?"
Aujourd'hui, cette volonté de ce grand homme qu'était Michel Rocard est respectée. C'est face à l'Ile-Rousse, où il comptait beaucoup d'amis que Michel Rocard veille sur les siens.
Jean-Guy Talamoni, Gilles Siméoni, Edmond Siméoni se sont également exprimés au cours de cette cérémonie.
Chacun a rappelé l'attachement de Michel Rocard pour la Corse.
« C’était un visionnaire, un ami de la Corse ».
François Hollande a pour sa part rappelé l'attachement à la paix de Michel Rocard et son attachement pour la Corse avant d'avoir des mots chargés d'affection et de tendresse.
Moment intense d'émotion lorsque le groupe Meridianu chantait "Canta", avant d'entonner le "Dio vi salvi regina" qui résonnait dans le ciel.
Désormais, comme il l'a toujours souhaité, Michel Rocard est chez lui à Monticello, près des siens.
Le président de la République devait poursuivre son périple corse vers Patrimonio.