Le petit livre, Un petit fonctionnaire d’Augustin d'Humières est une œuvre salutaire sans avoir des relents réactionnaire qu’il faut lire pour comprendre l’école publique française du XXIe siècle.
Extraits :
« Au début des années 2010, la France est confrontée à l’affaire des « réseaux djihadistes ». Ce qui a attiré mon attention, c’est le déséquilibre très frappant entre le temps que ces jeunes français radicalisés avaient passé dans un lieu supposé de radicalisation : une mosquée, une prison, la Syrie, et celui qu’ils avaient passé dans une école publique française. Je crois que le ratio était de l’ordre d’1 à 10 : pour une journée passée « en radicalisation », ils en avaient passé 10 à l’École publique. »
« Cette école avait pensée, structurée, organisée pour que l’élève en sache le moins possible. La multiplication des matières, des filières, entre lesquelles l’enfant devait choisir comme dans un supermarché, au nom de la sacro-sainte « liberté » de l’élève, l’inadaptation totale des programmes à la réalité des classes, la diminution continue des horaires, la priorité donnée au projet, à l’expérimentation hasardeuse, tout avait été fait pour transmettre un savoir volatile, éclaté, absurde. On avait cassé tout ce qui pouvait ressembler à un cadre. Certes, la famille pouvait rattraper l’affaire.
Mais introduisez dans ce système des enfants qui n’avaient personne pour passer derrière l’école, pour donner les bases, en français, en histoire, en anglais. Ajoutez-y le sentiment de profonde injustice, d’être systématiquement dans le camp des perdants, de ceux qui n’ont pas accès aux « bons plans », et vous obteniez des centaines de milliers d’élèves très facilement manipulables. »
L’auteur :
« C'est quelqu'un de bien. Il est là, sur le terrain. Tous les jours. Il applique les consignes, il suit les programmes, il exécute. Souvent, on loue son dévouement. Et puis un jour sonne l'heure des comptes : vous avez contribué à instaurer un système injuste, inégalitaire, et absurde, qui n'a fait qu'engendrer l'ignorance, la violence, et le ressentiment. A présent, il faut répondre. Nous professeurs, nous savons que l'histoire n'a commencé ni à Racca ni à Mossoul ; elle commence chez nous, avec des familles et des enfants qui ne sont pas très riches, et auxquels nous n'avons rien transmis.
Ni une langue, ni une histoire, ni des textes, ni des mots. Nous savons que nous avons construit une école qui perpétue les inégalités et même les amplifie, qui fait sortir de son sein des élèves chez lesquels nous n'avons rien fait retentir sinon la colère sourde et diffuse d'avoir été victimes d'un système qui sous couvert d'égalité des chances et de formation à la citoyenneté ne fait qu'amplifier les inégalités, et vise à n'apprendre strictement rien de clair et de précis à un élève. »
Autre extrait :
« La salle des professeurs est pourtant un enjeu de pouvoir, aussi dérisoire soit-il. Vous y trouvez toujours les mêmes tauliers, ceux qui sont sur les terres : « Ici, c’est chez nous ! » Ils gèrent le marché noir, la répartition des miettes du gâteau, le business susceptible d’enjoliver un peu le quotidien, les heures sup, les décharges, les nouvelles options, les prépas, parfois les emplois du temps, les promos, les muts… Si vous respectez tous leurs codes, alors vous faites partie de la grande famille : vous êtes la laïcité, la culture, l’héritier de Gambetta, Jaurès, Malraux, Charlie. Vous ne savez pas très bien pourquoi, ni comment, mais c’est ainsi : ils se veulent « de gauche ». Le moindre désaccord, la simple question vous classe nécessairement dans la catégorie des dangereux réactionnaires. Cette gauche de convention se définit par ses codes. On se sert sans vergogne dans le folklore ouvrier, on appelle le proviseur « le patron », on est « en lutte », on fait des « AG » en déclinant un credo universaliste : « on fait grève pour tous ceux qui ne peuvent pas faire grève ! », « Nous sommes tous des caissières de chez Carrefour ! ». Force est de reconnaître que ces décennies de luttes ont assez peu amélioré le quotidien de la caissière de Carrefour, qui nous avait pourtant confié une opportunité de taille d’améliorer son quotidien : éduquer ses enfants. »
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