Depuis des mois j’ai brodé, fait comme si, lancé des leurres, vous ai enfumé, j’ai omis de vous dire.
Ne pas dire, est-ce mentir ? Dans le temps où nous vivons, pour la plupart des gens, le mensonge est inadmissible, déformer la réalité ou inventer une histoire, c'est quelque chose d'inacceptable.
Mais qu'en est-il pour le mensonge par omission?
Pour certains, ce n'est pas vraiment un mensonge, puisqu'on ne parle pas, on ne ment pas: on « oublie » juste de dire quelque chose. Donc cacher n'est pas vraiment mentir, c’est oublier d’en parler. Puisqu’on ne dit rien, on élude la chose, on fait comme si elle n'existait pas. On ne ment pas vraiment directement, on évite juste d'en parler, c'est une dissimulation de la vérité.
« Lorsque les gens disent qu'ils veulent la vérité, la transparence, ils mentent »
Le citoyen des sociétés modernes vit dans cette contradiction permanente et les politiques savent en tirer le meilleur parti : « d'un côté les électeurs disent exiger le parler vrai, dénoncent la langue de bois ; de l'autre, ils renvoient à leurs chères études les candidats trop honnêtes pour leur faire miroiter des promesses dont ils savent qu'elles seront sans lendemain. » Contradiction normale puisque c'est dans la sphère privée que le mensonge s'épanouit avec le plus de facilité et de luxuriance. Mais comme la sphère publique est exposée à nos regards, nous sommes intransigeants avec le personnel politique.
Vous dire quoi ?
Au soir du premier tour de la Primaire de la Droite il était patent que l’opération Chartrons se soldait par un échec patent. Certes nous avions éliminé le Sarko mais du fond de la Droite rance Fillon se voyait promettre un boulevard dans la future élection présidentielle.
« Somme toute, quand on se plante dans la vie, il y a toujours deux interprétations, deux responsables possibles : soi ou les autres.
Parlons de Juppé :
« Enfin il y a l’essentiel, il y a le tempérament d’Alain, qui n’a pas écouté, qui n’a pas su s’entourer comme il le fallait, qui n’a pas su sortir de lui-même, qui n’a pas voulu se travestir pour l’emporter. Au mois de septembre, lorsqu’Isabelle et quelques proches, conscients du risque qu’induisaient les débats télévisés, lui ont conseillé de se faire « coacher », Alain a dit non. Définitivement. Il ne voulait pas manger de ce pain-là, refusant de se transformer en candidat de la communication politique, qu’il méprise depuis toujours.
Nous savions tous qu’il n’était pas fait pour jouer à l’escrime des mots et des postures jetées à l’emporte-pièce du grand public. Nous savions tous qu’il ne saurait pas tourner à quatre cents mots de vocabulaire « coups de poing », là où son langage habituel avoisine les trois mille, dans la dentelle de concepts peu audibles en une poignée de minutes télévisuelles. La suite de l’histoire l’a démontré.
La conjoncture a décuplé les faiblesses d’Alain. Il entendait dire de toutes parts qu’il serait vainqueur depuis si longtemps, qu’il a fini un peu par y croire, sans remettre en cause ni ce à quoi il croyait, ni son positionnement politique, ni rien d’autre d’ailleurs. Il ne voulait pas voir que l’essentiel de son entourage ne le contrait pas, ne le plaçait pas en situation de doute, d’interrogation,, alors que chacun était témoin de la montée du candidat Fillon depuis le mois d’octobre. Une autre lecture consisterait à affirmer qu’Alain n’a pas recruté suffisamment de profils opposés au sien. Elle est juste.
Il n’entrevoyait pas ou ne corrigeait pas les impairs, les imperfections de certains membres de son équipe, chacun s’exprimant dans les médias sans élément de langage, y compris dans l’entre-deux-tours. Résultat, le candidat est monté au créneau pour mordre son adversaire, tandis que seul son cercle aurait dû le faire, afin de lui éviter d’être pris pour cible. Même le b.a.-ba de la politique n’a pas été respecté.
Si les mots qu’il n’a prononcés dans l’entre-deux-tours peuvent se discuter, ils n’expliquent pas sa défaite. Tout s’était joué avant. »
Gaël Tchakaloff Divine Comédie
Juppé pour moi était le meilleur candidat de second tour face à la MLP. Fillon au profil de droite dure ne me séduisait guère. Avec ma petite équipe de fouilles-merde j’aurais pu baisser les bras, laissé tomber, sauf que nous avions entre les mains tout ce qu’il fallait pour faire couler le soldat Fillon.
C’est que nous avons fait avec méthode et précautions…
L’heure n’est pas encore venue de narrer cette aventure, le sera-t-elle un jour d’ailleurs, je ne sais, qui vivra verra…
Robert Bourgi a, pour sa part, quelque chose à reprocher à François Fillon. Interrogé par Mediapart ce vendredi 14 avril, l'avocat raconte avoir subi "des pressions d'ordre politique" après les révélations du Journal du Dimanche sur les costumes de l'ancien Premier ministre. Et ces pressions ne venaient pas de nulle part. Elles venaient directement de François Fillon. "Dans le camp de M. Fillon et venant de M. Fillon lui-même, on voulait que je participe à la dissipation de tout doute autour de cette histoire, sur laquelle je crois pouvoir dire que je détiens la vérité", commence Robert Bourgi, avant d'ajouter :
Je l’ai eu personnellement à plusieurs reprises. Et à plusieurs reprises, il a fait appel à ma solidarité de gaulliste. […] François Fillon et sa très grande papesse de la communication, Anne Méaux, ont souhaité que je ne dise rien concernant l’identité de la personne qui a offert les costumes : moi. L’un et l’autre m’ont appelé dès le samedi après-midi [la veille de la publication du JDD – NDLR] pour que je ne dise pas que c’était moi. Je leur ai demandé pourquoi. Ils m’ont dit : 'Tu sais, c’est la Françafrique, on va penser que… '. Mais qu’est-ce que la Françafrique a à voir avec cela ? Par conséquent, j’ai été contraint pendant une semaine de mentir.
« Les grands acteurs ne recherchent pas l’épanouissement, figurez-vous, ni les plaisirs. Le bonheur n’est pas le but. Ils cherchent le gant de crin plus que la caresse, le silice plutôt que la soie, l’humiliation plus que les vivats. C’est pour ça qu’on les appelle monstres »
Gilles Leroy Dans les Westerns