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23 février 2017 4 23 /02 /février /2017 06:00
Trop de salons tuent les salons !

L’avantage des formules qui pètent c’est justement qu’elles pètent, font du bruit, rompent le silence convenu qui règne  sur le marigot, on les retient facilement même si elles réduisent la réalité à un petit paquet de mots.

 

Si j’avais été aussi provocateur que certains le disent j’aurais titré, en parodiant un célèbre slogan 68 hard : les salons pièges à cons !

 

Mais comme toutes les formules lapidaires celles-ci mettent le doigt sur une part de la réalité sans l’exprimer totalement. En effet, la prolifération des salons ne tue pas tous les salons mais met à mal certains d’entre eux.

 

Quant aux cons, le sens de mot nous échappe souvent, il en est de toutes sortes et il nous arrive de nous écrier dans certaines circonstances : «Qu’est-ce que j’ai été con !» Toutes les études le prouvent : tout le monde est ou sera, un jour où l’autre, une espèce de con.

 

Revenons au fond de mon affirmation pour soulever la question que tout le monde se pose dans le monde du vin sans jamais oser la poser franchement.

 

Exemple flagrant du je tourne autour du pot, parce que j’ose pas fâcher ceux qui nous font vivre, glané dans un organe de presse du vin :

 

- Tiens, comme on se retrouve ! Dis-moi, on se suit dans le tour de France des allées de salons du vin !

 

- Que veux-tu, comme toi je faisais partie des 20 775 visiteurs de Vinisud, des 4 850 visiteurs de Millésime Bio, des 8 500 du salon des Vins de Loire…

 

- Et maintenant des 3 300 visiteurs de Vinovision ! Ne manquerait plus que Pink pour compléter la collection...

 

- On ne peut pas dire, les salons se multiplient plus vite que mes allocations de Pétrus.

 

La politique du chiffre est un bien mauvais indicateur de l’impact réel d’un salon.

 

Et c’est là que le bât blesse : comment le savoir ?

 

Mission quasi impossible car à la sortie tout le monde affiche une satisfaction de bon ton, les organisateurs balancent des chiffres de fréquentation qui ne veulent pas dire grand-chose, les exposants invariablement disent qu’ils sont contents, les communicants, qui sont payés pour ça, graisse la tartine.

 

Sous cette satisfaction de façade se cache un dilemme pour beaucoup de vignerons en recherche de clients et de notoriété : y aller ou ne pas y aller ?

 

Mais attention il y a salon et salon, je m’explique.

 

Au temps où j’étais aux manettes rue de Varenne j’ai délesté le Ministère du Salon de l’Agriculture en le vendant à un organisateur de salon. Certains ont poussé des hauts cris sauf que soucieux de l’argent du contribuable – oui ça existe – le déficit était tel qu’il fallait changer de format et que le nouveau format n’était pas inscrit dans la mission de service public d’un Ministère.

 

En effet, comme je l’écrivais en 2007, le Salon de l’Agriculture n’était plus vraiment celui des agriculteurs mais celui des urbains qui viennent voir les vaches, les cochons, les moutons, les chevaux, la volaille, les chiens et les chats… etc. Le Ministère continue de subventionner le côté bestiaux car il est prisé par les éleveurs et il coûte cher.

 

« Les gars de chez moi, quand y montaient à Paris pour le Salon c'était pour deux raisons avouables : voir les bêtes et le matériel et deux, qui ne l'étaient pas : se prendre quelques mufflées carabinées dans le couloir de la mort (l'actuel hall des provinces) et aller trainer du côté de Pigalle. Je ne veux pas être mauvaise langue mais, comme leur moyen de transport exclusif dans Paris était le métro, beaucoup d'entre-eux, en dehors du quartier de la Porte de Versailles et des lieux de perdition, ne connaissaient rien des splendeurs de notre capitale, exception faite peut-être de l'Eiffel Tower. Ces temps sont révolus, la machine agricole a émigré à Villepinte et notre Salon de l'Agriculture attire plutôt les urbains, les enfants des écoles et les étrangers, que les agriculteurs. »

 

Tout ça pour vous dire qu’il faut trier dans les salons entre ceux qui sont organisés par des organisateurs professionnels et ceux qui sont le fait des vignerons eux-mêmes.

 

Y’a d’abord les Mammouth bien essoufflés : Vinexpo à la peine, il est loin le temps de la débauche, Vinisud qui se la joue sans vraiment convaincre, le Salon des vins de Loire quasiment subclaquant…

 

Y’a les petites bêtes qui montent, qui montent : les fameux off qui tournent autour des pachydermes. Ceux de la Loire vont sans doute achever la bête malade.

 

Y’a ceux des VIF, des poids lourds, à l’ancienne qui devraient se préoccuper du vieillissement de leur clientèle

 

Y’a la partie vin du Salon de l’Agriculture, ringarde de chez ringarde, une horreur absolue.

 

Y’a le nouveau qui surfe sur la vague du « propre » : Millésime Bio qui devra sans doute affronter un de ces 4 sa crise de croissance.

 

Y’a les salons chics parisiens : la RVF et le Grand Tasting de B&D des vaches à lait qui présentent toujours les mêmes têtes, attendre et voir…

 

Y’a le salon des vins nus de rue89 Sous les pavés la vigne, très militant, qui essaime : Lyon puis Bordeaux… lui aussi devra assumer ses boutons d’acné…

 

Y’a un nouveau à Paris avec un nom à la con : Vinovision qui a beaucoup blablaté mais ne semble pas avoir trouvé la bonne cible.

 

Y’a le Vin de mes Amis que j’aime bien qui fait son petit bonhomme de chemin.

 

Et puis y’en a plein de tout petits, des régionaux, des locaux, des parigots, dont je ne peux dresser la liste.

 

Question : y’en a-t-il trop ?

 

Je n’en sais fichtrement rien !

 

La bonne question, la seule qui vaille, est-ce que les exposants y trouvent ce qu’ils sont venus chercher en payant leur place de leurs deniers.

 

Du côté des gros salons avec organisateurs professionnels (ce qui ne signifie pas forcément compétents surtout lorsque des enjeux politiques s’en mêlent) le socle est constitué par les maisons de négoce, les propriétés bien déjà bien dotées et, bien sûr, les zinzins interprofessionnels qui y trouvent le moyen de dépenser l’argent de leurs cotisants.

 

Pour les vignerons c’est une autre paire de manches mais dans une première approche je ne vois pas quel est le bénéfice pour eux d’aller faire nombre, faire de la figuration dans les gros salons.

 

Alors où faut-il aller ?

 

Pour aider à dénouer ce dilemme il faudrait que les vignerons puissent disposer d’informations fiables, d’analyses sérieuses, sur le panel d’acheteurs qu’ils vont pouvoir ou espérer rencontrer.

 

Là c’est morne plaine et bourrage de mou, ceux qui se qualifient de « journalistes du vin » ont un fil à la patte, ils font partie du jeu, vendre la mèche tiendrait pour eux à se faire hara-kiri. Alors tout ce petit monde nage dans la même ambiguïté.

 

Ne comptez pas sur les organisateurs pour en sortir car ils le feraient à leur détriment.

 

De plus, dans les enceintes officielles, là où soi-disant se prennent les grandes décisions, beaucoup de grands présidents n’ont jamais mis la main à la pâte de la vente du vin, ce qu’ils aiment dans les salons c’est poser sur la photo officielle lors du coupage du ruban.

 

Pour moi, l’avenir des gros salons est en bout de piste à Roissy ou dans les grands hubs pour capter les acheteurs internationaux… Pour ceux qui veulent faire du tourisme ou de l’œnotourisme un petit coup d’ailes et c’est emballé.

 

Pour les petits salons un danger tout de même : vampiriser par la vente directe une grosse part de la clientèle des cavistes qui assurent tout au long de l’année le service de proximité.

 

Chez moi, à la Mothe-Achard, un dicton disait « ça durera aussi longtemps que les foires de Mothe… » sauf qu’elles ont disparues…

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