La Toile est immense, mouvante et changeante, dans mon petit tonneau, qui flotte sur l’eau, j’ai beau hisser haut mon pavillon, je me sens perdu, ignoré de tous, je déprime, j’attends désespérément des like, des retweets, mon nombre d’amis, de followers, reste étique, aussi maigre qu’un mannequin de mode anorexique, plus je m’agite et plus je m’enfonce dans cet océan rouge gorgé de concurrents.
Que faire ?
Comment faire pour sortir de cet anonymat mortifère, me faire connaître, faire connaître mes vins, mieux les vendre, développer mon petit fonds de commerce, jouer dans la cour la plus proche des Grands.
Dieu qu’il était bon le bon vieux temps des bons vieux guides en papier, là on savait à qui s’adresser pour se faire torcher de bons papiers, alors que, là, y’a plein de petits frelons qui bourdonnent au-dessus de ma tête pour me piquer mon peu de blé sans que ça change quoi que ce soit à mon isolement.
Alors sur l’écran noir de mes nuits blanches je guette, tel sœur Anne, sans jamais rien voir venir ceux qui boosteraient mon audience, faire de moi la nouvelle star des réseaux sociaux, la coqueluche de Face de Bouc, le chouchou des Twittos…
J’enrage de voir le cercle des petits copains de la Toile se congratuler, jouer à passe-moi le sel je te passe le poivre. Même qu’il y a des « révolutionnaires » d’opérette qui vantent des vins qui ne valent pas tripettes, des gars qui avancent masqués pour profiter de la vague de la nouveauté. Y sont pas tous d’une propreté exemplaire, je parle de la cuisine du chai.
Suis pas jaloux mais faut tout de même pas pousser pépé trop loin sinon je vais me fâcher.
Je pourrais faire salon, y’en a une tripotée, des gros, des petits, des officiels, des qui tournent autour, mais pour s’y faire une place faut du blé, parfois beaucoup et du blé y’en a pas beaucoup sous les sabots de mon cheval.
C’est fou comme autour de nous y’a du monde qui nous aime. Je ne sais pas si dans ces salons y se vend beaucoup de canons. Faudrait, comme on dit maintenant pour faire joli, de la transparence. Pas des communiqués de presse bien chantournés par des gens qui sont payés par les organisateurs.
Je n’ai jamais entendu un confrère qui a claqué son blé dans un salon me dire qu’en réalité il n’en avait pas engrangé beaucoup. C’est humain.
Les organisateurs qui ne sont pas des bienfaiteurs me rétorquent que j’y développerais ma notoriété. Moi je veux bien mais encore faudrait-il que ceux qui défilent devant ma table, à qui je file des gorgeons ne soient des retraités, des pseudos-journalistes, des étudiants en goguette, des désœuvrés. Là aussi la politique du chiffre est une grosse supercherie, ces gens-là n’ont aucune audience ou presque dans les médias et sur les fameux réseaux sociaux.
Parlons-en des réseaux sociaux qui sont des tuyaux qui bien souvent ne débouchent que sur des petits cercles de gens qui se connaissent et se tiennent par la barbichette.
Ne pas désespérer, s’accrocher, et toujours aux aguets, y’a quelques jours, mon écran s’est illuminé, dans le décor de carton-pâte de Vinisud, et tel Zorro, un sauveur est arrivé, sans se presser, sourire aux lèvres, assuré.
Je dois avouer qu’avant ce jour je ne l’avais vu ni d’Eve ni d’Adam sur mon écran.
Le gars, car c’était un mec, flanqué de braves vignerons tout impressionnés, assurait qu’avec lui, plus de soucis, nous allions tous devenir des Paganini de la Toile, nous deviendrions dans nos petits tonneaux des Francis Joyaux, des winners.
J’en suis resté bouche-bée, estomaqué, puis reprenant mes esprits je me dis : comme tu ne peux pas te payer Zidane comme coach alors offre-toi pour 2 balles un coach digital !
Mais comme je suis comme saint Thomas je suis allé « rousiner » sur les pages de Face de Bouc ou le compte Twitter de mes confrères et là, patatras, c’était pire que moi, la Bérézina, y jouaient tous en divisions départementales.
Déception radicale, encore un qui vendait des salades pas fraîches, du vent, les réseaux sociaux sont à la mode mais, comme leur nom l’indiquent, ce sont des « fils », dont les ramifications, certes peuvent nous permettre de toucher plein de gens, mais à la condition que les interconnections se fassent.
Le premier boulot sur un réseau social c’est, comme pour l’épicier ou le restaurateur, de trouver des chalands. Et pour ça il faut du temps, beaucoup de temps tout en sachant que les premiers arrivés ont été les mieux servis et que maintenant ça sent le bouchon, la thrombose.
N’en déplaise au coach digital de Vinisud faire de la figuration sur les réseaux sociaux équivaut à pisser dans un violon ou mieux dans un puits sans fond.
Que faire pour recruter des amis sur Face de Bouc ou des followers sur Twitter ?
Là est le problème et ce n’est pas un coach digital qu’il me faut pour placer les bons hashtags ou meubler mon mur, mais du temps et des idées originales pour sortir de la monotonie qui règne sur les réseaux sociaux…
Les vendeurs de conseil, et maintenant les coaches digitaux, n’ont pas compris que leurs vieilles recettes remises au goût du jour tapent à côté de la plaque. Marre qu’ils nous fassent prendre leurs vieilles vessies pour des belles lanternes.
Comme vous vous en doutez mon annonce initiale : cherche coach digital désespérément n’avait d’autre objectif que de faire le buzz…
Eh oui, je progresse…