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23 février 2017 4 23 /02 /février /2017 09:00
Journal d’1 chroniqueur de campagne (6) le pari de la recomposition de Mr X au PACS Macron-Bayrou en passant par l’ouverture de Rocard en 1988.

SOUVENIRS

 

Acte 1 : La grande affaire. : Monsieur X contre de Gaulle.

 

Ce titre barre la Une de l'hebdomadaire l'Express le 19 septembre 1963.

 

L'hebdomadaire joue aux devinettes avec ses lecteurs : « Il s'agit d'un homme politique exemplaire : il possède une équipe dynamique, il a beaucoup d'amis dans le milieu, de très bonnes relations avec les dirigeants des grandes entreprises ».

 

En fait, les dirigeants de l'hebdo, Servan-Schreiber, Ferniot, Françoise Giroud ont décidé d'inventer un candidat contre de Gaulle. Les supputations vont bon train. Le président du Sénat Gaston Monnerville, le radical Maurice Faure, Mitterrand, Antoine Pinay…

 

Une semaine plus tard, Le Canard Enchaîné annonce «Monsieur X est un homme Defferre». Triomphalement réélu aux municipales de Marseille, Gaston Defferre entame une tournée nationale et veut créer une fédération allant du centre droit aux communistes.

 

Guy Mollet, patron de la SFIO, lui barre la route en juin 1964. Defferre renonce mais soutient en coulisse Mitterrand. À l'été 1965, assuré qu'il n'y aura pas de candidat communiste, obtenant le ralliement des radicaux, ce dernier se déclare. « Il s'est inventé candidat » conclut l'Express.

 

J’EN ÉTAIS

 

Acte 2 : La France Unie de Mitterrand 2 en 1988 : Rocard à la barre

 

« La campagne présidentielle mitterrandienne, puis le premier gouvernement Rocard, ont mobilisé parallèlement des concepts-slogans «La France unie», «L’ouverture», «Gouverner autrement» qui ont laissé entendre que la porte restait ouverte, pour l’exercice du pouvoir, aux modérés aux « centristes » disposés à saisir la main tendue. »

 

Nous sommes en 1988. François Mitterrand, qui fait campagne pour sa réélection à la présidence de la République, promet un gouvernement "d'ouverture". Il envisage des débauchages individuels chez les centristes.

 

Une fois réélu, François Mitterrand nomme le socialiste Michel Rocard à Matignon. Son premier gouvernement comprend deux ministres UDF, Michel Durafour et Jacques Pelletier. Quatre personnalités non partisanes y figurent aussi: Pierre Arpaillange, Roger Fauroux, Jacques Chérèque et Hubert Curien.

 

Après les élections législatives de juin, le deuxième gouvernement Rocard compte dans ses rangs autant de socialistes que de non-socialistes. Parmi eux, le barriste Jean-Pierre Soisson, le centriste Jean-Marie Rausch, un CDS, une giscardienne et des personnalités comme Léon Schwartzenberg et Alain Decaux.

 

Le résultat très serré des élections législatives a donné encore plus d’acuité à cette idée de recomposition des forces ou des alliances politiques, en ne dégageant pas de majorité absolue pour le Parti socialiste (PS), alors que le Parti communiste (PC), contrairement à 1981, était dans une posture de prise de distance critique et de refus de participation à un gouvernement d’union de la gauche.

 

Avec 275 membres ou apparentés, le groupe PS n’avait que 47,8 % des effectifs de députés ; il lui manquait treize sièges pour atteindre la majorité absolue. La gestion politique de la situation par le gouvernement supposait donc, malgré l’existence de garde-fous constitutionnels, de réduire au maximum les « passages en force ».

 

D’où l’importance capitale des petits groupes parlementaires pouvant, par un vote positif ponctuel, ou par leur abstention, permettre de « passer en douceur ». Le PC possède alors 24 députés (4 %) et obtient de pouvoir reconstituer un groupe.

 

La plupart des députés membres du CDS fondent également leur propre groupe, la décision étant prise dès le 15 juin : 42 parlementaires s’y inscrivent ou s’y apparentent, soit un peu plus de 7 % des députés, le groupe enregistrant trois départs « d’ouverture », en 1988 et en 1990.  »

 

LIRE ICI 

 

L’ACTUALITÉ

 

Acte 3 : François Bayrou et le pari de la recomposition avec Macron

 

En se ralliant à Emmanuel Macron, le Béarnais espère prendre à revers la droite et la gauche et faire triompher, face au FN, une alliance des progressistes.

 

De l’art de transformer du plomb en or : crédité de 5 % à 6 % des suffrages dans les sondages d’intention de vote, François Bayrou ne pouvait aucunement prétendre emporter l’élection présidentielle de 2017.

 

En tentant sa chance pour la quatrième fois, le Béarnais pouvait en revanche faire chuter l’ovni Macron ; ce dernier est devenu la bête noire de la droite et de la gauche car leur électorat est très proche. Mais cela aurait été un choix négatif.

 

Il n’a pas pris cette option préférant au contraire surprendre et prendre une nouvelle fois la droite à revers en scellant une « alliance » avec celui qu’il appelait naguère le « candidat des forces de l’argent ».

 

On aurait tort d’interpréter cette décision à l’aune du seul dépit d’un sexagénaire sûr de son destin qui se serait fait doubler sur le tard par un trentenaire déluré. Le choix de François Bayrou se veut fondateur. Il repose sur la certitude qu’une recomposition politique est à l’œuvre depuis des années et qu’elle est arrivée à maturité.

 

Complexification du paysage politique

 

Les prémices étaient apparues lorsque, entre les deux tours de la présidentielle de 2007, Ségolène Royal avait tendu la main au centriste pour tenter de battre Nicolas Sarkozy. Cinq ans plus tard, c’est le Béarnais qui, par détestation du même homme, appelait à voter, entre les deux tours de la présidentielle de 2012, et à titre personnel, pour François Hollande.

 

La lune de miel s’était cependant rapidement interrompue, faute de réciprocité. Le nouveau président n’avait rien fait pour aider le centriste à sauver sa circonscription face aux assauts du Parti socialiste (PS). Pire, il avait négligé sa proposition d’organiser, à peine élu, un référendum portant notamment sur la moralisation de la vie politique et la réforme du mode de scrutin législatif, afin d’ouvrir le jeu et trouver « des majorités d’idées » alors que la France était confrontée au défi du désendettement et bientôt du terrorisme.

 

C’est ce projet que François Bayrou est allé vendre avec succès à Emmanuel Macron en y ajoutant un codicille sur la protection de « la rémunération du travail ». Dont acte.

 

En topant, les deux hommes complexifient un peu plus le paysage politique et précipitent la décomposition à l’œuvre sous le quinquennat : on ne compte plus comme naguère deux grandes forces politiques ni même trois mais cinq qui se disputent le podium : le Front national (FN), la droite, le centre, la gauche et la gauche radicale.

 

Union des progressistes

 

Cela veut dire que la qualification pour le second tour se jouera aux alentours de 20 % et qu’il faudra ensuite créer une majorité de rassemblement face au FN qui ne cesse de progresser.

 

Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, avait été le premier à théoriser cette union des progressistes sans parvenir à séduire l’électorat de la primaire de la droite et du centre qui lui avait préféré le très droitier François Fillon.

 

François Bayrou reprend le flambeau en prêtant main-forte à Emmanuel Macron qui commençait à donner des signes de faiblesses.

 

Les deux hommes sont persuadés que le traditionnel clivage entre la gauche et la droite est désormais noyé par une opposition plus structurelle sur la mondialisation et le rôle de la France en Europe. Une opposition qui travaille les deux camps.

 

Leur pari repose sur le fait qu’au PS comme chez Les Républicains, les digues sont tout prêts de lâcher et que les électeurs ont déjà franchi le pas. Réponse le 23 avril.

 

Françoise Fressoz éditorialiste LE MONDE | 23.02.2017

 

 

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