Dans le Sud-Ouest, le sacrifice de centaines de milliers de canards sains pour tenter de freiner la progression de la grippe aviaire n’est pas toujours bien compris par beaucoup.
Le virus porté par des oiseaux migrateurs venus du nord de l'Europe s'est propagé très vite lors du transport des animaux vivants à d'autres départements.
Le virus H5N8 qui se propage depuis fin novembre dans l'Hexagone est classé "hautement pathogène", comme l'était la souche H5N1 apparue en Dordogne fin 2015. Mais la grippe concernait alors « strictement la France et le sud-ouest ». Il était « sans doute issu d'un virus qui avait circulé depuis plusieurs mois dans les élevages » et son ampleur n'avait été repérée qu'à la fin 2015, explique Jean-Luc Guérin, professeur à l'École nationale vétérinaire de Toulouse et chercheur à l'INRA. Au contraire, cet épisode de grippe aviaire est beaucoup plus large et concerne « l'ensemble de l'Europe ».
Le premier cas, hors faune sauvage, a été rendu public le 2 décembre dans le Tarn. Des animaux venant de cette zone avaient été acheminés dans trois élevages du Gers le 30 novembre, ainsi que dans les Hautes-Pyrénées et le Lot-et-Garonne. L'ouest du Gers, où se multiplient les foyers, est une zone « assez humide » avec une « concentration très importante » d'élevages, ce qui favorise la propagation, selon Philip Everlet, responsable du pôle aviculture à la chambre d'agriculture du Gers. Il s'agit du deuxième département producteur de foie gras en France, derrière les Landes.
D’où la nouvelle stratégie des services sanitaires du Ministère de l’Agriculture :
Influenza aviaire hautement pathogène H5N8 : évolution de la stratégie de lutte pour éradiquer le virus dans les départements touchés ICI
Mais par-delà le strict point-de-vue sanitaire, certains pointent le doigt sur la responsabilité de l’industrialisation, de l’intensification, qui ont favorisé la concentration des élevages et la segmentation des fonctions entraînant des transports d’animaux vivants.
Comment les coopératives agricoles ont ubérisé le foie gras ICI
Comment les coopératives subventionnées préparent la fin du foie gras français ICI
Mais, à propos, c’est quoi un foie gras ?
C’est un foie d’oie ou de canard, dont l’important volume et le poids sont obtenus grâce au « gavage ».
Mais qu’est-ce que le gavage ?
C’est obligé un animal à continuer à absorber de la nourriture alors qu’il a atteint la satiété, alors qu’il est repu.
Pour ce faire on dispose de nombreux procédés : par exemple entretenir sa soif et l’obliger ainsi à absorber beaucoup de bouillies imprégnées d’eau, mais ce n’est pas suffisant pour obtenir notre foie gras.
Mais, et c’est ce qui provoque des polémiques et de violentes oppositions, on réserve le terme gavage à celui réalisé grâce à la mise en place dans l’œsophage de l’animal, c’est donc un gavage « instrumental ».
Avec l’usage immodéré des gavages sous forte pression et la surgélation, conjugués avec la dégradation de la qualité maïs et une cuisson excessive, ont largement écornée l’image d’Épinal du foie gras produit d’un terroir où il fait bon vivre, « le bonheur est dans le pré ».
Mais quels ont été les pionniers du gavage ?
Ce sont les Égyptiens.
Mais dans quel but gavaient-ils ?
« Concernant les oies et les autres palmipèdes, sans aucun doute pour recueillir leur précieuse graisse ou donner de la saveur à leur chair.
Mais ils gavaient aussi des hyènes comme on le voit dans les illustrations « ils poussaient avec un doigt des aliments, et ce procédé imposait de maintenir la mâchoire en ouverture, ce qui pour les hyènes qui possèdent le record de puissance de mastication parmi tous les mammifères, n’est pas chose facile.
Pourquoi ce gavage ?
Les hyènes étaient domestiquées pour la chasse et certains prétendent que c’était dans le seul but de leur couper l’envie de dévorer le gibier.
Mais pour autant il est fort probable que les Égyptiens ne produisaient pas des foies gras car qu’auraient-ils fait de cet amoncellement de substance éminemment putrescible ? En effet, si la viande se conserve bien, par séchage ou salage, ce n’est pas le cas du tissu hépatique.
Même si l’usage de l’expression « foie gras » est attesté dès le XVIe siècle, sans doute cela désignait-il des « foies blonds », de couleur claire peu volumineux, plus moelleux, ils étaient émincés ou malaxés pour entrer dans la composition de pâtés ou de farces.
« Force est d’admettre que la production de « notre » foie gras n’est apparue, sous sa forme actuelle, qu’au début du XIXe siècle. Il est le résultat de la conjonction de trois facteurs : l’abondance du maïs, les améliorations pratiques du gavage, et au bout du compte l’appertisation. »
Auparavant les « boîtes de conserve » lorsqu’elles apparurent les éleveurs durent apprendre à s’en servir ; jusqu’à la fin des années 30, ils se contentèrent de mettre en place un joint de caoutchouc sur lequel ils posaient un couvercle mécanique, maintenu en place par des encoches. Ce n’était pas toujours étanche et un foie corrompu ça pue. Puis vint le sertissage, encore faut-il bien le faire car rien ne ressemble autant à un ouvre-boîte qu’une sertisseuse maniée avec vigueur. C’est pour cette raison, bien avant les vins de garage chers à Jean-Luc Thunevin, les femmes de garagistes qui possédaient de bonnes sertisseuses bricolées par leurs maris se lancèrent dans la conserve de foie gras.
Les Romains gavaient aussi les oies, mais là je vous laisse le soin de le découvrir dans la bible des Abats en Majesté.
Je vais me contenter de vous donner la recette des « Foyes gras mincés à la chicoté » du cuisinier gascon Louis Auguste de Bourbon 1740
Cette recette illustre ce que l’on nommait, à l’époque, des foyes gras (au pluriel). À noter que l’on écrit mincer pour émincer.
Prenez de la chicorée accommodée comme pour les filets de mouton (il s’agit de feuilles), minces à l’ordinaire ; prenez ensuite des foyes gras blanchis que vous mincez le plus qu’il se peut.
Vous les jetez dans cette chicorée, prenez garde qu’ils ne bouillent ; ajoutez une pointe d’ail et servez ; vous en faites au cresson de même, le cresson bien blanchi avant de l’employer.
Louis-Auguste de Bourbon, marmiton princier !
Ce prince-là, de son prénom Louis-Auguste (1700-1755), était le fils aîné du duc du Maine et de Louise-Bénédictine de Bourbon-Condé, la petite-fille du Grand Condé. Un livre lui a été dédié, il s’agit du Cuisinier gascon imprimé à Amsterdam, en 1741, sans nom d’auteur. Cet anonymat ne trompait personne, du moins à la cour, car tout le monde savait qu’il était de la main de Louis-Auguste de Bourbon lui-même. Ce Cuisinier gascon est considéré comme l'un des livres de cuisine les plus célèbres du XVIIIe siècle. Il offre peu de recettes, mais celles-là sont désignées sous des noms pittoresques : poulet chauve-souris, yeux de veau farcis, poulets en culottes, sauce au singe vert, sauce au bleu céleste, veau en crotte d'âne roulé à la neuteau, hachis d'oeuf sans malice, etc. On y trouve aussi de nombreuses recettes italiennes très détaillées.