Mais qui c’est qui ces Roche-Mazet ?
Des gens du South of France qui s’affichent à Paris !
Des provinciaux, qui font leurs courses à Métro, sur qui je suis tombé nez à nez lorsqu’en sortant de chez moi, juché sur mon fier destrier, j’ai levé mon nez vers les panneaux que la maire Hidalgo a concédé à Decaux.
En effet, je suis cerné, à 2 des 3 entrées de mon immeuble, par ces grands et moches placards publicitaires.
Donc, je ne peux pas rater la réclame qui y est affichée.
D’ordinaire je n’y prête guère d’attention mais depuis quelques jours la réclame de la maison Castel « Aujourd’hui, Roche Mazet s’invite à l’apéritif » m’interroge.
Je me dis dans ma petite Ford d’intérieur de bon buveur, genre bobo chic exécré par l’adepte de l’évier catalan, comment peut-on imaginer offrir à son gosier assoiffé un Merlot pour l’apéro ou un Cabernet-Sauvignon, tous 2 du pays d’O ?
Peut-être pour faire du vin chaud ?
Oui, je sais, j’ai l’ironie facile, mais je sais aussi que l’ambition des malheureux génies du marketing du vin, si peu écoutés, si peu considérés, est de multiplier les occasions de consommation du vin.
Comme je les comprends, je compatis même, mais de là à imaginer qu’on puisse ouvrir une bouteille de Roche-Mazet à ses invités pour l’apéro y’a un pas que le dernier des marchands de jaja du coin de la rue ne franchirait pas pour le conseiller même à madame Michu qui achète son vin au Super U.
On va me rétorquer que l’important pour la réclame, en vertu du code lessivier, c’est de placarder ROCHE MAZET à tous les coins de rue, dans toutes les villes et les villages de France, le slogan tout le monde s’en tamponne le gosier.
Certes, mais comme j’ai mauvais esprit j’imagine les arguments savants des communicants lors du brief de présentation de l’affiche pour convaincre la Castel compagnie qu’adore les chaînes d’embouteillage nickel chrome qui tournent comme des horloges suisses.
Je les vois, avec force de slides et de PowerPoint, justifier le slogan « Aujourd’hui, Roche Mazet s’invite à l’apéritif »… Ça fait genre … ça pose une marque dans l’univers post-moderne à des consommateurs, ultra-majoritaires, qui n’entendent rien au vin qu’ils achètent dans la GD sans même regarder le flacon en moins 30 secondes chrono.
« Oui, oui, cousins, cousines… La campagne touchera ainsi les jeunes couples de -35 ans en scooter, s’arrêtant à Prisunic, comme dirait le Juppé, afin d’acheter une boutanche de Roche-Mazet pour l’apéro qu’ils ont organisés dans leur colocation du XXe avec quelques copains, copines qui se d’ordinaire se tapent des bières… »
Succès garanti !
Bravo, bravo, retour sur investissement de la campagne d’affichage : excellent !
Et là, à cet instant précis, je suis pris d’un doute : et si c’était moi qui avais tort et les gars de chez Castel qui visaient juste ?
Eux, ils dépotent des millions de cols par palettes entières et ils savent mieux que toi ce qui s’achète.
Et ce qui s’achète le plus ce ne sont pas les belles quilles des guides mais celles moins glorieuses des catalogues de la GD. Ils n’en ont rien à branler des vapeurs des dégustateurs, héritiers qu’ils sont du jaja en litron étoilé.
Mais j’entends déjà les cris d’orfraies des adorateurs du Vin de Pays d’Oc, pardon de l’IGP Oc ! Ben oui, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt les gars, nous la jouer vendanges à la main, chai de barriques, et tout le saint-frusquin cher au terroiristes, faut accepter l’héritage de l’Histoire.
D’ailleurs, le logo d’Oc est tout en haut à gauche de l’affiche, preuve de l’onction de la stratégie, au ras des pâquerettes de la maison Castel, par la maison chère à Jacques Gravegeal.
Pour étayer mes dires qui ne sont pas des médires sur le cousinage étroit entre les ex-vins de table et les ex-vins de pays d’Oc je vous donne des prix glanés chez Franprix :
- Vieux papes 2,26 € 75cl VSIG France
- Roche Mazet cabernet-sauvignon Pays d’Oc 3,22€ 75cl
- Foncalieu cabernet-sauvignon Pays d’Oc 2,49€ 75 cl
- Gérard Bertrand merlot Pays d’Oc 4,80€ 75 cl
Vous me direz que le moins cher reste encore une AOP Languedoc de la maison Jeanjean c’est 2,19€ 75cl.
Donc y’a pas photo faut que ça dépote au niveau des rendements dans les Pays d’Oc pour que ça paye la sueur des viticulteurs vracqueurs. Ça passe largement au-dessus des 100 hectos dans le Pays d’O !
Bref, on ne change pas une recette qui gagne !
Même si le Pierre ce n’est pas avec le jaja qu’il a fait sa belle pelote.
Trêve de spéculations sur le compte d’exploitation des vignerons, revenons à l’objet de ma chronique : l’affiche !
J’en suis aussi à me demander si sa ringardise n’est pas, elle aussi, voulue par les concepteurs de la campagne. Faut pas les prendre pour des branques les gars de chez Castel, le jaja au mètre sur linéaire c’est leur affaire, c’est gravé dans leur ADN.
Faut me comprendre « Concurrent un jour, concurrent toujours… »
Comme je suis un gars constructif, mon vœu le plus cher dans cette affaire de vin au mètre bien habillé, les flacons sont même numérotés, c’est que nos grands dégustateurs, autoproclamés indépendant ou non, nous fasse un petit « lichage » dégustatif de ces vins d’Oc qui font le gros des volumes de la vente en GD.
L’Interpro de l’IGP Oc, qui n’est pas sur la paille, pourrait organiser ça à Vinisud… ça serait un acte exemplaire d’information du plus grand nombre de consommateurs… et ça permettrait à nos grands dégustateurs de se frotter à la réalité des grands volumes de vins mis sur le marché.
Je rêve, je rêve… un jour viendra où Nicolas… mais ça je ne l’écrirai pas… ha ! ha !