J’ai découvert Marc Dugain dans La Malédiction d'Edgar (2005), la vie de John Edgar Hoover, chef trouble du FBI pendant quarante-huit ans.
Il s’est fait connaître avec La Chambre des officiers, publié en 1999, il a 35 ans et il y raconte le destin de son grand-père maternel, « gueule cassée » de la guerre de 14-18. Ce premier livre obtiendra pas moins de 20 prix littéraires dont le prix des libraires, le prix des Deux-Magots et le prix Roger-Nimier.
Auparavant il travaillait dans la finance avant de devenir entrepreneur florissant dans l'aéronautique.
Dans mes moissons de livres, avec un penchant marqué pour les petits livres que l’on glisse dans sa poche j’ai récemment acheté Claire Byache raconte Marc Dugain Du coq à l’âme dans la petite collection L’Arrière-Cuisine chez Kéribus éditions.
Ce n’est pas un livre de recettes, même s’il y en a, le pâté de lapin constitutif de sa famille, le riz au lait qui m’est aussi très cher, mais un parcours ponctué par une saine et roborative révolte : « Ce qui nous reste, c’est refuser. On créé des produits absolument mauvais et, une fois que les gens sont malades, on les soigne avec des médicaments que l’on a fabriqué. Au final, on a écoulé des pesticides, des produits alimentaires et des médicaments. En termes de marché, c’est formidable. Il y a dans l’alimentation, une dimension politique qui m’intéresse plus encore que le plaisir que je peux ressentir à déguster quelque chose de très bon : manger, c’est un enjeu considérable. »
J’ai choisi de publier cet extrait car il est représentatif d’un nouvel état d’esprit que nos élites feraient bien de méditer. Dugain n’est pas un écolo, il fut un chef d’entreprise florissant, sa voix porte.
« J’ai été élevé dans le Vercors, à côté d’une ferme chez ma grand-mère. Dans la ferme voisine, il y avait des vaches laitières. Pour moi, « paysan », c’était l’expression même de la santé. Je veux dire, une santé de paysan, c’était un gage de robustesse. Les paysans étaient des gens qui vivaient sainement, maîtres de leurs propres produits. »
Aujourd’hui, tout a changé.
Le monde agricole est attaqué de toutes parts.
« Ennemi de lui-même avant tout, le paysan subit l’utilisation dans des proportions démentes de produits chimiques. Pour que l’agriculture raisonnée prenne le pas sur le reste, il faudrait commencer par parler avec les agriculteurs et leur faire comprendre qu’ils sont les premières victimes d’un système qui vise un seul et unique but : faire toujours plus d’argent. »
L’argent. Qui a pris des proportions mortifères pour l’humanité.
« La logique de l’argent ne peut pas continuer sur son horrible lancée parce que, précisément, cette lancée est bel et bien celle d’une destruction : la destruction pure et simple de la planète. Il faut que les gens aient conscience de cette réalité. Sauver sa peau et celle de ces enfants ressemble de plus en plus à un jeu de piste dans le maquis. Je sais que manger sain et bio n’empêche pas de tomber malade, mais ce qui est certain, c’est que la prévention, de toute façon, apporte d’incontestables bienfaits.»
« Plus la science progresse plus on se rend compte que nous sommes seuls. À mesure que l’on recule les limites de notre connaissance, on s’aperçoit que la vie est, en vérité, une infime exception dans le cosmos, du moins au rapport des distances que l’on connaît aujourd’hui. C’est un miracle absolu, la vie. Et pourtant nous sommes engagés dans un suicide collectif… Ce qui est très clair, désormais, c’est la direction empruntée par l’humanité. On le constate au niveau de l’Europe. Depuis qu’elle existe, beaucoup de décisions positives ont été prises, oui. Mais pas seulement. L’intensification de l’utilisation des sols, la destruction écologique dans laquelle nous sommes plongés, et qui ne fait que s’accroître, est aussi une réalité. Notre système est fondé sur l’extension permanente des marchés. Il faudra bien, un jour, que l’on se réveille. »
Pour revenir à la table « Peu importe la carte, deux choses, à elles seules, disent immédiatement tout d’un restaurant : la propreté des toilettes et la qualité du pain. Si les deux sont mauvais, mieux vaut se lever et partir tout de suite. »
La recette fétiche de Marc Dugain : Crevettes sautées à l’ail et au persil.
C’est simple : 1 cuillère à soupe d’huile d’olive chauffée à blanc dans une poêle pour faire dorer les crevettes. Ajouter l’ail et le persil finement hachés.
Servir !