Jean-Marc, 52 ans, viticulteur et éleveur de vaches allaitantes dans la région Bourgogne France-Comté
Avec le natif de Semur-en-Auxois, Pascal Commère, on est à 100 lieues des 100 millions de patates de Bonneau du Martray, de l’ouvrée (4.28 ares) de montrachet de Pinault un petit 1 million d'euros et des 2 ouvrées de grand cru bâtard-montrachet aux environs de 900 000 € chacune, du mercato des vinificateurs entre le domaine de la Vougeraie (Boisset) et le domaine Leflaive, de la vente des Hospices de Beaune…
Les vaches allaitantes en Bourgogne
L’orientation technico-économique dominante est l’élevage bovin viande qui concerne essentiellement le sud et l’ouest de la région. Les prairies permanentes occupent encore 43 % de la SAU régionale. En 2012, avec 468 521 vaches allaitantes, la Bourgogne se situe en deuxième place pour les effectifs de vaches nourrices. La race charolaise confirme sa suprématie dans la région avec plus de 90 % du cheptel. Au recensement 2010 de l'agriculture, 6 800 exploitations moyennes et grandes pratiquent l’élevage allaitant avec 66 vaches en moyenne, record national.
L’élevage reste généralement extensif du fait de l’orientation massive vers la production de broutards, destinés à être engraissés surtout à l'étranger, majoritairement en Italie ou vers d’autres régions d’embouche.
Seulement 73 587 tonnes de viande bovine finie ont été produites en 2012 en Bourgogne. Très spécialisés, les élevages sont régulièrement confrontés à des crises sanitaires ou climatiques ; valorisant principalement l'importante ressource en herbe, ils sont particulièrement fragiles relativement à la ressource en paille, indispensable aux litières.
La Bourgogne dispose de plaines à l'est et au nord de l'Yonne mais surtout de plateaux, au potentiel souvent limité. Les grandes cultures (blé, orge et colza notamment) dominent principalement sur ces territoires. En 2012, les céréales et oléoprotéagineux couvrent 907 700 ha soit 48 % de la SAU, ce qui place la région dans les premiers rangs pour les orges et le colza. Les rendements en céréales sont inférieurs à la moyenne française, tel le blé en 2012 qui enregistre 66 q/ha en région contre 73 q/ha en France. Mais la qualité des grains assure des débouchés en meunerie ou en brasserie et permet l’exportation vers l’Italie notamment. Le colza est la tête d’assolement incontournable sur les plateaux à faible potentiel. La Bourgogne est ainsi très sensible aux orientations de la politique agricole commune (PAC) relatives aux grandes cultures et peut s’inscrire dans la production à destination non alimentaire.
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Pascal Commère, le comptable, côtoie, écoute et conseille des hommes qui se confient peu, des taiseux, méfiants voire ombrageux, cultivateurs, éleveurs, bûcheron, «le noir petit monde obstiné de l’agriculture», attaché à une terre «qui blesse plus qu’elle n’apporte, quand même elle gratifierait chaque jardin d’un pied de lilas en fleur en avril, d’une touffe d’oseille acide. (…) Avec cette peur de l’inconnu, du nouveau, qui rejoint celle d’être grugés. Après quoi ils s’en remettaient à l’homme de l’art : comptable, vétérinaire, représentant en aliments, inséminateur, quand ce n’était pas au démarcheur de la Caisse locale, avec circonspection toutefois, un minimum de méfiance grâce à quoi ils accueillaient la possibilité de ne pas s’être fait avoir.»
« Il a circulé de ferme en ferme, pesé avec eux le pour et le contre, s’est adapté à leur façon d’être, a appris à interpréter leurs non-dits et à respecter leurs longs silences. Il a, peu à peu, gagné leur confiance. Leur a permis, en certaines occasions, de démêler des situations qui paraissaient inextricables, certaines l’étant d’ailleurs inexorablement, à force de déni et de fuite en avant, telle celle de ce fils qui finit par admettre, lors d’une réunion tendue autour de la table familiale, qu’il a bel et bien laissé filer l’héritage paternel.
« "Je savais pas !" Murmurait-il, et il le répéta. Ajoutant : "Que t’étais dans la déchéance..."
Lui de son côté ne mouftait pas. Le visage empourpré, il demeurait le fils. La honte était pour lui. Et de tout le temps que dura l’entrevue il ne leva les yeux, le front bas telle une bête nez au sol. Et pas même quand le père laissa couler une larme. »
Jacques Josse - 18 décembre 2016
La nouvelle LIEUSE qui donne son nom à l’ouvrage, qui avait été publiée en septembre 1993, dans La Nouvelle Revue Française n°448, me touche tout particulièrement : chronique La « lieuse » de « la mémé » de Philippe Torreton ça me parle…
« Mémé gardait tout, car tout pouvait resservir un jour,…la ficelle à botteler le foin – on appelait ça de la « lieuse » – une grosse ficelle jaune qui se vendait en rouleaux et se retrouvait pendue à un clou dans l’étable lorsque l’Opinel avait tranché l’affaire. Avec cette ficelle nous construisions nos cabanes dans les têtards, nos échelles de corde, nos arcs, nos épées de chevalier, elle servait aussi de ceinture pour retenir les bleus de travail de notre père que l’on enfilait pour aller à la guerre dans les talus. Parfois lorsque la pluie l’emportait, on la tressait, elle devenait alors bracelet-qui-gratte. Cette lieuse sentait le végétal, imbibée d’huile, elle devenait mèche, elle nous servait à tout, cette ficelle nous rapprochait des Indiens d’Amazonie. »
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Extrait
« De mon côté, je pensais aussi à une ficelle. Une ficelle que j’avais trouvée, un jour comme aujourd’hui où le monde semblait vide. Non pas une de ces journées de moisson où, sans interruption, les tracteurs passaient et repassaient sur la rue le long de ma permanence, tirant vers les silos de la Coopérative — auparavant ils feraient la queue devant le pont-bascule — de grandes bennes rouges ou bleues d’où tombaient par derrière et sur les côtés, à la jointure des tôles (malgré le calfeutrage au moyen de sacs d’engrais vides dont les paysans auront toujours le secret), de gros grains tout ronds qui rebondissaient sur le goudron avant de se caler entre les graviers. Et le souvenir de cette ficelle déliait mes doigts lentement, parce qu’une ficelle — rien, me semble-t-il, ne porte davantage en soi l’image de la pauvreté du monde, de sa précarité — ne prend vie qu’en bougeant, c’est-à-dire en serrant, et les nœuds de cette ficelle longtemps m’avaient retenu attaché à la terre. D’où nous venions tous deux, ma ficelle et moi, ayant l’un et l’autre traîné sur la poussière (qui laisse des marques grises sur la peau), également noués, comme serrés chacun sur soi-même, prisonniers de ce qui ne passe pas mais s’enferre davantage à chaque tour. Et c’était ça, ma ficelle, celle que j’avais trouvée, une image un peu bleue de moi, que j’enroulais autour de mon poignet. L’image de quelque chose dont on ne peut bientôt plus se déprendre. Et le chanvre — mais c’était en réalité une ficelle en plastique, comme on en voit maintenant dans les fermes, du plastique usé, effiloché aux deux bouts à tel point qu’en y regardant vite on pouvait s’abuser — et le chanvre, qui donc n’en était pas, lentement épousait la chair de mon poignet. Et mon poignet ne se défendait pas. Il y a un instant, après la tension, où le corps s’abandonne — comme l’épi battu contre le tambour, dans le vrombissement imperturbable de la machine, laisse tomber plus loin ses grains dans la trémie. »