Nul n’est parfait, moi le premier, un beau jour de 1978 je me suis retrouvé rue des Saints Pères à Sciences Po, par la grâce de deux de mes collègues de la rue Barbet de Jouy, siège de la Direction de la Production et des Échanges, qui estimaient que leur titre d’ingénieur d’agronomie leur barrait la route des hautes fonctions. Il voulait faire l’ENA et à la cantine ils m’avaient convaincus de les accompagner. J’y suis resté 3 mois où j’ai pratiqué, au séminaire de Gabriel Vught, qui fut Directeur (1975-78) de cabinet de Christian Bonnet (ministre de l’Agriculture), l’art de l’exposé.
Le sujet : le rôle du chef de bureau dans l’Administration Centrale.
Sans me jeter des fleurs, j’y fus brillant, ramassai une très belle note en démontrant que ce chef était le pivot de la mécanique administrative par son expertise et sa proximité des remontées du terrain. Mon départ provoqua l’étonnement de mes collègues, ils sont tous deux devenus énarques. Moi pas mais j’avais noté dans ma petite tête la réflexion ironique du Directeur, Bernard Auberger, qui m’avait recruté comme contractuel, premier Inspecteur des Finances à diriger une direction technique au Ministère, « Berthomeau l’important ce n’est pas d’entrer à l’ENA c’est d’en sortir… » Sous-entendu d’en sortir dans la botte des Grands Corps.
Ce cher avait décelé chez moi, une ambition, celle de tenir les manettes et non de croupir sous les ors d’une sous-préfecture. Nul n’est parfait, je l’ai déjà dit.
Moi je quittais Sciences-Po, et mon job de contractuel pour intégrer l’Office National des Vins de Table où je succédais à un énarque : Jacques Graindorge.
Pas très glorieux mais un escalier ça se monte marche après marche.
Si j’ai postulé à l’ONIVIT c’est sous l’amicale pression du chef du bureau du vin du Ministère, Jean-Louis Blanc, premier énarque à occuper ce poste. Ce garçon, Agro Paris et énarque marquait la fin des chefs de bureau en manches de lustrines de la rue Barbet de Jouy.
Il faut dire qu’en ce temps-là le Ministère de l’Agriculture, avec ses négociations permanentes à Bruxelles sur la PAC et la fixation des prix, attirait les énarques les plus brillants.
Jean-Louis était de ceux-là, mais contrairement aux idées reçues sur les énarques il ne vivait pas dans un autre monde fait de dossiers et de notes au Ministre. Son cocon familial le prédisposait : mère chercheuse à l’INRA et père dirigeant l’entreprise Barberet&Blanc leader mondial de l’œillet.
Avec Jean-Louis ce qui nous intéressait c’était le vin et les vignerons. Nous bossions avec jusque ce qu’il faut comme déconnade. Pour preuve, lors d’un remaniement ministériel, il m’avait fait appeler par un membre du cabinet de Pierre Méhaignerie pour me dire qu’on me proposait un poste de conseiller au cabinet. Flatté même si j’étais vert au sens propre, rose au plan politique, je passai ma matinée à rédiger une réponse négative.
Pourquoi ce matin je vous tartine des souvenirs bien lointains ?
Tout simplement parce que j’ai appris par Vitisphère que :
« Passée par l’Ecole normale et l’Ena, la jeune femme prend la suite d’Arnaud Dunand, passé inspecteur en chef de la santé vétérinaire.
La filière vin a une nouvelle chef du bureau des vins. Marie de Sarnez vient tout juste de prendre ses fonctions. Mais, elle ne fait pas ses premiers pas au ministère de l’Agriculture puisque, durant l’année 2016, elle a épaulé la chef du bureau des Fruits et légumes et produits horticoles, en tant que son adjointe. Agée de 28 ans, Marie de Sarnez a fait ses classes à l’Ecole normale et l’Ena et, indique son profil Linked’in, s’est particulièrement intéressée aux questions diplomatiques. Participant, le 10 janvier, au Conseil d’administration de l’Institut français de la vigne et du vin, elle s’est montrée heureuse de découvrir la filière vin. »
Arrêté du 7 janvier 2016 portant affectation aux carrières des élèves de la promotion 2014-2015 « Winston Churchill » de l'Ecole nationale d'administration ayant terminé leur scolarité au 31 décembre 2015.
Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Marc DUFOURMANTELLE, Marie de SARNEZ.
Elle est sur Twitter depuis juillet 2009 et a 89 abonnés.
Elle est aussi sur Face de Bouc je vais lui envoyer une demande d’ami.
Pourquoi tant de sollicitude pour ce nouveau chef de bureau ?
Tout simplement parce que dans la dernière ligne droite de mon parcours, alors que j’officiais au « gagatorium », le CGAER, j’ai été frappé par l’absolue déconnexion de la réalité du terrain des chefs de bureau.
Ce n’est pas leur valeur intrinsèque que je mets en cause mais leur enfermement dans les problématiques véhiculées par les Présidents professionnels et leurs technocrates qui portent leur serviette. L’écho du terrain ce sont eux, et eux seuls qui le portent.
Je forme un vœu pour Marie de Sarnez : qu’elle ouvre en grand les portes et les fenêtres de son bureau pour y laisser entrer la réalité et dépoussiérer les dossiers.
Sans doute est-ce le syndrome du vieux que d’affirmer que l’expérience se mesure, pas que, à l’aune du temps passé à la fois au plus près de la réalité, et avec un certain recul.
Lorsque je suis arrivé en 1975 rue Barbet de Jouy, les vieux chefs de bureau, même s’ils étaient un peu amortis, passé le moment où ils m’ont perçu comme un trublion, m’ont transmis leur pratique.
Avant de quitter mon poste de « médiateur », pressentant le choc de la fin des quotas laitiers, j’ai souhaité tenter de transmettre « mon savoir-faire » à mes jeunes collègues. Peine perdue, j’ai jeté le gant au bout de 18 mois face à l’écoute polie mais sans effet.
Enfin, Marie de Sarnez, faites vôtre la réponse que Jean Glavany, alors Ministre, me fit lorsque je lui fis part de mon souci face à la capacité du monde du vin à relever certains défis : « Moi tu sais en dehors du Madiran je n’y connais pas grand-chose, alors au boulot ! »
Bon boulot à vous…
C'est signé : un ancien Taulier du cabinet d'un Ministre de l'Agriculture...