J’en appelle à la mémoire de mon ami languedocien Jeff Coutelou pour remettre le fameux vin de Table, quasi-mort et enterré, en perspective.
Même si ça fait vieux con, j'assume mon humeur !
Le vin de table à l’ancienne est quasi-mort, sans fleurs ni couronnes, et l’irruption du Vin de France dans le paysage ne procède en rien de ce qu’il fut.
Il ne s’agit en rien d’un nouveau nom de baptême pour le vin de table mais d’une nouvelle approche du vin popularisée par une nouvelle génération de vignerons qui ne trouvent pas leur compte dans les catégories existantes et qui se sont engouffrés dans un espace de liberté.
Les derniers consommateurs de ce qu’on appelle dans le jargon communautaire : les vins sans indication géographique ex-Vin de table n’ont rien à voir avec les licheurs de Vin de France.
Certes, « Cette catégorie de vins plaît beaucoup à l’international », se réjouit Valérie Pajotin, directrice de l’Association nationale interprofessionnelle des vins de France. « Elle a été rebaptisée dans ce but, car le nom de notre pays est à lui seul une référence. Et puis il s’est passé quelque chose de singulier : les vignerons y ont vu un espace de liberté, un refuge pour des vins atypiques absents des appellations classiques. »
Mais là aussi nous sommes loin des vins à 2 balles qui constituaient la masse des vins populaires chers à Roland Barthes.
La catégorie Vin de France est, comme son nom l’indique, une dénomination géographique alors que dans le fourre-tout des VSIG il est possible de tout mélanger.
Vous me direz c’est compliqué. J’en conviens, mais les Français adore classer, constituer des catégories…
Ce qui prime, et c’est une réelle novation, même une révolution dans la conception française, avec le Vin de France c’est la notion d’espace de liberté. Pas celle de faire n’importe quoi, mais le retour à la main du vigneron tout au long de la chaîne production et vente.
Le vin de Table, avec ses marques moquées : Préfontaines, la Villageoise, le vin des Rochers (le velours de l’estomac), Kiravi, était un vin de négociant, ce qui n’est pas forcément un péché mortel mais change l’approche du vin.
Ce qui me plaît dans les Vins de France de vignerons parfois rebelles c’est leur approche de la vigne et du vin. Ils sont parfois raillés par les dominants parce qu’ils sont les promoteurs des vins dit nature mais par-delà ces débats, pas toujours bien argumentés, ce qui est fort et intéressant c’est cette nouvelle proximité très éloignée des grosses machines à vendre le vin.
Ils ne sont donc pas les fils des vins de table, ils n’ont recueilli aucun héritage, bien au contraire, et ils n’offrent à ce quasi-défunt aucune revanche. Ceux qu’ils emmerdent, permettez-moi l’expression, ce sont les tenants du tout AOC à deux balles. Ben oui, les Vins de France au Lapin Blanc comme chez Philippe au Lieu du Vin bataillent dans la catégorie allant de 10 à 30 euros ce qui n’a rien à voir avec le jaja en litres 6 étoiles que j’embouteillais à la SVF.
Voilà c’est dit, pour ceux qui veulent bien accepter que le monde ne commence pas avec eux, remettons l’Histoire à l’honneur. Ça aide à comprendre je vous l’assure.
Comme je vous l’ai déjà dit, en France on vénère les catégories.
Nos aïeux inventèrent les AOC sous la houlette du baron Le Roy avec un Institut : l’INAO, les VDQS Vins Délimités de Qualité Supérieures pour faire plaisir à Philippe Lamour et dénommèrent les autres vins sans particules : V.C.C. Vins de Consommation Courante avec son Institut l’IVCC.
Et puis vint le Marché Commun où nos hauts fonctionnaires imposèrent, dans ce que l’on nommait les OCM, notre classification. À cette occasion les VCC changèrent de nom et devinrent les Vins de Table. Jacques Chirac après les évènements de Montredon créa l’ONIVIT : l’office des vins de table. Les vins d’AOC et VQPRD entrèrent dans un sac dénommé VQPRD : vin de qualité produit dans une région déterminé.
Mais l’irruption de nos amis italiens dans le jeu des vins populaires, en substitution des vins de l’Algérie perdue, imposa le coupage économique et une catégorie émergea : les VDPCE les vins de différents pays de la Communauté.
Très sexy comme dénomination et surtout accueillant des jajas assez abominables. Bref, jusqu’au jour où les Italiens eurent la bonne idée pour renforcer leur piquette d’ajouter du méthanol. Résultat : quelques morts dans la Péninsule. Alors, apparurent les Vins de Table Français.
Entretemps étaient apparus les vins de pays, qui pouvaient être de département : l’Hérault par exemple, de petite région : vin de pays des collines de la Moure par exemple et enfin ceux de grandes zones, qui se développèrent suite aux accords de Dublin qui pénalisaient les hauts rendements par une distillation obligatoire, avec un poids lourds les Vins de Pays d’Oc.
Mais la chute du vin populaire inexorable n’ouvrait qu’une seule voie celle de la dénomination, avec une voie royale celle de l’AOC et une autre peu valorisante celle des Vins de Pays.
Et puis les barbares du Nouveau Monde débarquèrent avec leurs vins de cépages bouleversant le paysage à l’exportation où ils nous taillèrent des croupières.
Un Ministre, ça arrive, s’en émut.
Ça donna lieu à une vraie réflexion stratégique qui déboucha sur un document Cap 2010 le défi des Vins Français.
« Notre ambition est toute autre ; nous voulons tirer le meilleur parti de notre antériorité, de notre tradition, tout en innovant sur les segments les plus porteurs ; nous voulons être créateurs de vins à vivre pour nos clients présents, de vins bien dans leurs baskets pour les nouvelles générations ; nous voulons une fois pour toute dire à ceux qui sont en charge de la chose publique que le vin, que nos vins, sont des produits de civilité, de convivialité, de bien vivre ensemble et que nous sommes tout autant qu’eux soucieux de la santé publique, de la sécurité de nos concitoyens. »
Je vous passe les détails du document mais il déboucha au plan communautaire sur une nouvelle classification : AOP - IGP - VSIG soit nos ex-AOC –VDQS, nos vins de pays et nos vins de table.
Mais, dans ce document stratégique les auteurs appelaient de leur vœu l’émergence d’un espace de liberté qu’ils dénommèrent prudemment vin des cépages de France.
Et c’est ainsi, malgré les tirs de barrage des maîtres du jeu il fut créé, sous l’impulsion d’un certain négoce, une dénomination Vin de France pour justement démarquer des vins qui n’étaient pas les héritiers des anciens vin de table.
Le plus drôle dans cette histoire c’est que ce sont des vignerons iconoclastes ou rejetés qui ont créé la notoriété de cette nouvelle dénomination voulue par le négoce…
En fait, le Vin de France est un superbe pied-de-nez à la banalisation des A.O.C sous la forme de signes de qualité. Quelle qualité ? C'est le fond d'un débat que rejettent les dominants de l'I.N.A.O dans les 2 comités A.O.P et I.G.P...
Rappelons qu'autrefois on déclassait les vins d'AOC en Vin de table alors qu'aujourd'hui certains producteurs d'AOC choisissent la catégorie Vin de France, ça fait une sacrée différence, non !
Actualité :
Entre producteurs de vins du Languedoc-Roussillon et producteurs de vin Espagnols, la tension monte. Hier, les producteurs de vins de pays d'Oc ont dénoncé une concurrence ibérique déloyale.
«Le phénomène d'entrée de gros volumes espagnols en grande distribution en France est très spectaculaire depuis deux ans sur les vins premiers prix et se renforce», a expliqué Florence Barthès, directrice du syndicat des producteurs de vins d'indication géographique protégée (IGP) Pays d'Oc qui tenait hier son Assemblée générale à la Grande Motte (Hérault).
«Les coûts de production et la fiscalité française ne permettent pas à la France de produire des vins sans indication géographique (ex-vin de table) à bas prix», souligne-t-elle, expliquant que «de ce fait, la grande distribution (…) s'est tournée vers un approvisionnement espagnol».