Souvenir, souvenir, ce liquide jaune amer plaçait plus encore mon père dans le camp des originaux : Avèze, Salers, la Suze… À une époque je m’y suis essayé pour me distinguer de mes copains qui eux lichaient plutôt du Martini ou du Byrrh…
« La liqueur de gentiane est une boisson apéritive amère et alcoolisée fabriquée par macération et distillation de racines de gentiane jaune d'Auvergne (gentiana lutea) qui lui confèrent son amertume bien spécifique. On retrouve cette plante en importantes quantités dans les monts du Cantal, entre le Puy Mary et le Plomb du Cantal.
Cette boisson semble avoir été inventée vers 1885 par Ambroise Labounoux et commercialisée comme apéritif par la Distillerie de la Salers. Elle répondait à la forte demande de quinquina, boisson amère à base de quinine, souvent bue avec une eau gazeuse, qui était très en vogue à cette époque, d'abord dans les colonies où les fièvres obligeaient à prendre un fébrifuge, puis dans les stations climatiques et thermales, nombreuse en Auvergne.
La gentiane est une grande herbe robuste et vivace, elle peut vivre 50 ans et met 10 ans pour fleurir la première fois. Les feuilles sont opposées et nervurées. Elles sont pétiolées à la base et sessiles embrassantes sur la tige. Les grandes fleurs jaunes sont serrées à la base des feuilles supérieures. La corolle est divisée en 5 à 9 lobes presque jusqu'à la base.
Il faut attendre sept à dix ans avant de pouvoir les récolter. La récolte est réalisée essentiellement dans le Massif Central par les Gençanaïres. À l'aide d'une fourche spéciale appelée « fourche du diable », ils peuvent extraire plus de 200 kg de racines par jour. C'est un travail pénible qui s'effectue de mai à octobre.
Ce sont près de 1 000 à 1 500 tonnes qui sont utilisées chaque année pour satisfaire les besoins de l'artisanat et l'industrie. En volume, la gentiane est une des trois premières plantes médicinales et aromatiques utilisées en France et ses applications sont nombreuses (pharmacie et médecine humaine et vétérinaire, boissons et spiritueux, cosmétique, fabrication d'arômes et d'extraits, gastronomie… »
Pour sourire, au Ministère de l’Agriculture, l’attachée de presse de Michel Rocard se prénommait Gentiane et elle avait les yeux bleus.
Mais ce matin je vais être plus poétique en allant piocher dans le merveilleux Atlas de Botanique poétique de Francis Hallé.
Celui-ci explique que le but de son ouvrage « est de montrer que la forêt équatoriale n’est pas l’ « enfer vert » qu’y ont vu trop souvent les colonisateurs et les aventuriers ; c’est, bien au contraire, un univers quelque peu magique où l’on vit fort agréablement pour peu que l’on observe avec sympathie les petites merveilles qui s’offrent au visiteur occasionnel presque à chaque pas ; il y trouvera amplement de quoi satisfaire ses exigences en matière esthétique, de dépaysement et de poésie. »
Alors embarquons-nous pour la Guyane pour pénétrer dans sa forêt équatoriale : « son sol est couvert d’un tapis de feuilles mortes. Une ou deux fois au cours d’une journée de marche, on aperçoit une gentiane, bleue, comme on en voit dans les prairies des Alpes ! C’est une rencontre inattendue et émouvante dans un sous-bois de forêt équatoriale où la lumière ne pénètre que de manière infime. En outre, cette gentiane sent très bon. »
Cette belle petite fleur bleue si odorante est une étrangeté puisqu’elle pousse dans l’ombre. Il lui est donc impossible de bénéficier de la photosynthèse, elle n’a ni chlorophylle, ni feuilles et elle tire son énergie autrement.
Comment ?
« Par ses racines, Voyra vit en symbiose avec un champignon du sol, lui-même vivant en symbiose avec les racines d’un arbre. Le champignon exploite la sève sucrée de l’arbre et en transfère une partie à la gentiane. Cette dernière utilise donc une énergie captée par l’arbre. »
Juste retour des choses !
Privée de lumière par la canopée des grands arbres la gentiane, pour survivre, s’est adaptée en allant puiser son énergie dans leurs racines.
Je trouve ça d’une puissante beauté et je vous invite à acheter pour les sabots de vos petits-enfants le superbe livre de Francis Hallé. C’est une mine de trésors étonnants.
Pour mieux connaître Francis Hallé : vous rendre ICI je n’ai pas osé écrire aller ICI