Une vache qui téléphone à son vétérinaire, en voilà une drôle d’idée. C’est pourtant celle qu’ont eu Jean-Louis Fournier et Gilles Gay en créant « La Noiraude » en 1976. Diffusée en 1977 sur TF1 dans « L’île Aux Enfants », cette série animée française de 61 épisodes de 3 minutes vous a certainement laissé des souvenirs à nos enfants.
Anne-Cécile, par la grâce de la maman d’un jeune copain qui travaillait à TF1 se retrouva sur le plateau de l’île aux enfants en compagnie de Casimir et de sa bande dont le fameux Mr du snob. Elle y suça consciencieusement son pouce.
Ça a commencé par un coup de cœur pour une fermette, le charme de ses colombages, son porche en pierre et ses plants de tomates qui faisaient les fiers à bras au fond du jardin. Et nous avons emménagé à Gizancourt, retapé la maison […]
C’est à Gizancourt que la Noiraude est née. Notre voisin était vétérinaire. Il avait installé son téléphone dans le jardin, pour l’entendre de loin. Et dès que ça sonnait, je me disais que c’était les vaches qui l’appelaient. J’inventais les dialogues, le vétérinaire, ça le faisait marrer. »
Ainsi s’exprime Jean-Louis Fournier dans un charmant petit livre Des plats et déliés chez Kéribus éditions dans la collection L’arrière-cuisine. 10 euros.
C’est succulent, Desprogien, un régal d’humour grinçant d’un petit gars d’Arras dont le père lichetronnait sec.
- Allo, c'est la Noiraude, je voudrais parler au vétérinaire...
- Ne quittez pas je vous le passe !
- Allo docteur, la Noiraude à l'appareil...
- Bonjour la Noiraude, qu'est ce qui ne va pas encore ?
- Est-ce qu'une blanche vaut deux noires ?
Voici ses souvenirs de dîners pourris
« D’abord les convives. Des gens que je n’aime pas. Il n’y aurait que des ennuyeux qui font des phrases, des vulgaires, d’autres qui racontent des histoires assommantes, des gens qui ne connaissent pas mes livres, une race que je ne supporte pas, sachant que celle que je déteste le plus est celle qui fait semblant de les avoirs lus.
Il y aurait un apéritif. Toutes les conneries de boissons dont le Martini. Des mousseux déguisés en champagne. Des cocktails, hier à la mode, aujourd’hui dépassés.
Des cubes de fromages, des toasts avec des trucs tout pâles étalés dessus comme du mousson de canard. Des verrines. Et la maîtresse de maison dirait : «reprenez-en !»
En entrée, il y aurait de la macédoine embourbée de mayonnaise servie dans des tomates coupées en deux. Ou alors du mauvais melon, orange tirant sur le saumon avec son goût de navet. Pire encore, des tranches de Mortadelle, rose layette avec des pistaches incrustées dedans. Ça me fait penser à de grosses dames allemandes qui prennent leur bain de soleil.
Le plat de résistance. Parlons-en. Je n’aurais évidemment plus faim. Je vois bien un rôti de veau racorni avec des petits pois flottants dans leur jus. Ou pire, des plats en sauces. Des « ragouignasses ».
Bœuf aux carottes, blanquette, goulasch ou des morceau de viande avec des filaments, servis avec des choux de Bruxelles.
Ensuite, il y aurait de la salade. Mal assaisonnée, luisante d’huile d’arachide.
Sur le plateau de fromage, un Babybel.
En dessert, un moka industriel. Pire encore, un gâteau fait maison, encerclé de crème anglaise comme un château de sable grignoté par marée montante.
Le café serait servi dans des mazagrans. Avec des chocolats bidons farcis de Yuzu ou au thé vert.
Et à ce moment-là, le mari de la maîtresse de maison m’apporterait mi-fier, mi-intimidé son manuscrit à lire. »