L’humble cimetière chrétien d’El-Madania, où étaient enterrés des Européens qui avaient pris fait et cause pour l’Algérie indépendante. Établi sur les hauteurs, boulevard des Martyrs, anciennement boulevard Bru, à l’ombre de hauts cyprès, dominant le quartier Belouizad, anciennement Belcourt et quai.
Il y revint en avril, sous un ciel bleu et un ciel superbe, très tôt, un dimanche matin, « dans un calme à peine troublé par le roucoulement des pigeons. À cette heure de la journée, la vue de la mer dorée, qui se confondait avec le ciel, était somptueuse. »
C’est le père Guillaume, prêtre de la Mission de France et directeur du centre diocésain Les Glycines à Alger, habitué à guider les chercheurs venus du monde entier en pèlerinage sur les traces d’Albert Camus, qui lui avait indiqué où se trouvait la tombe de sa mère.
« Pour trouver la tombe de la mère de Camus, il se fraya un chemin au milieu des herbes folles et arracha des plantes qui avaient poussées entre les stèles. Il était absolument seul dans le cimetière. »
« Il trouva ce qu’il cherchait. Une plaque de béton grise, ornée d’une croix, brisée en deux, avec une plaque de marbre portant ces simples mots :
Vve Lucien Camus
Née Catherine Sintes
1882-1960
La mère d’Albert Camus était donc morte la même année que son fils, huit après, avant l’indépendance de l’Algérie. En apprenant l’accident de son fils elle avait dit « C’est trop jeune. »
« Il déposa délicatement son rosier sur sa sépulture abandonnée, et dit une prière en songeant à tous ceux qui, de l’autre côté de la Méditerranée, continuaient de vivre grâce à l’œuvre de Camus, ses ayants-droits, son éditeur, sans s’être soucié d’honorer la mémoire de la femme qui lui avait donné le jour en entretenant sa tombe. »
Cette chronique doit tout au très beau petit livre Théorie d’Alger de Sébastien Lapaque.
Pour terminer :
Amar, né en 1954, dans le quartier de la Redoute, employait des mots forts et clairs pour évoquer son affection pour la France :
« Nous avons quand même vécu cent trente ans ensemble. »
Il aimait ce genre de pensée dont il pouvait bien sentir, avec certitude, qu’elle était susceptible d’exaspérer les imbéciles des deux côtés de la Méditerranée.
L’inscription, sur une mosaïque de l’abside de ND d’Afrique, derrière l’autel, dont tous les amoureux d’Alger lui avaient parlé avec émotion :
« Notre-Dame d’Afrique priez pour nous et pour les musulmans. »