Ce matin, je prends des risques, je me mets en danger, je joue en un seul coup de dé ma réputation d’e-cuisinier, je pars dans l’inconnu même si je dois ruiner mon immense faculté d’influencer les ménagères de plus de 50 ans, leurs fils, leurs filles et un de ces quatre leurs enfants…
Pari tenu !
En effet, alors que jusqu’à aujourd’hui la seule pâte que j’eusse pétrie de mes blanches mains était celle, brisée, pour faire les fonds de mes merveilleuses tartes que le Tout-Paris m’envie.
Sans doute eusse-dû m’inscrire comme apprenti chez l’ami Giovanni Passerini mais ce n’est plus de mon âge et surtout Giovanni à mieux à faire qu’à perdre son temps avec un arpète aux cheveux blancs.
Vous vous en doutez, suite à cette référence au maître de la Pasta Fresca, c’est de la fabrication de cette pâte à pâtes dont je vais vous causer ce matin.
Eh ! Oui me voilà dans ma cuisine à contempler mon puits de farine tout en sifflotant l’air de Nougaro « les mains d’une femme dans la farine ».
Quand je repense à la question posée à un omniprésent critique gastronomique par une de ses consœurs de l’Express : « la critique gastronomique est-elle un art ? » je me dis qu’avant de se tacher les doigts d’encre violette la critique devrait se mettre d’abord les mains dans la farine.
Et ce n’est là que le début d’un exercice à haut risque car une fois la fontaine emplie de mes œufs, ceux d’une poule bien sûr, il va me falloir malaxer l’ensemble avec douceur afin d’obtenir une consistance homogène, élastique et lisse.
C’est de l’ordre du possible.
Ensuite, avec mon habituel rouleau à pâtisserie il me faudra étendre la pâte pour l’amener à la bonne épaisseur : 2mm environ. C’est aussi dans mes cordes.
Roulage !
Découpage !
C’est au cours de cette dernière phase que tout se jouera. Elle risque de se révéler problématique lorsqu’il me faudra rouler la pâte sur elle-même pour y découper des rubans de 7 mm environ.
Séchage !
Là je ne sais pas combien de temps ?
Je ferai à la couleur de mon esprit.
Pour me consoler si le résultat n’est pas à la hauteur de mes ambitions je pourrai toujours me dire que ce ne sera qu’un demi-échec car ce que je recherchais, même si ça peut vous paraître étrange ce sont les « chutes » les « mal coupés » maltagliati qui me serviront à célébrer leur mariage avec les fagioli.
Eh, oui, les fagioli, les fayots de mon enfance, ceux de la maison triés à la veillée, ceux de la pension forme tout juste alimentaire d’un plat de plâtre…
C’est un plat de pauvre que je vous offre, nourrissant, consistant, la pasta ai fagioli « qui est une spécialité ancienne qui remonte au XVIe siècle quand le chef cuisinier Massisbugo la préparait pour la cour de la famille d’Este. »
« Les maltagliati sont également appelés dans le dialecte de Ferrare sguazabarbuz, ce qui signifie « pâtes à mouiller le menton », car lorsqu’on les mange, elles pendent de la cuillère et ainsi peuvent salir le menton. »
Source la main à la pâte d’Alessia Serafini
Le résultat est là ci-dessous en images.
Je dois avouer qu’il me reste de très gros progrès à faire pour atteindre un niveau acceptable pour la fabrication des pâtes mais qui ne risque rien n’a rien. Ne jamais mettre la main à la pâte c’est très commode ça permet de continuer à écrire sans se salir les mains.
Ma pasta ai fagioli, même si mes « mal coupés » souffraient de mes approximations de débutant, s’est révélée de bonne tenue, et surtout très bien adaptée à la température ambiante qui nécessite qu’on se cale chaudement l’estomac.